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Younes Belfellah est enseignant-chercheur à l’Université de Paris-Est Créteil (Paris 12),
fondateur et directeur de MEDFOCUS,
think tank spécialisé en géopolitique
en Méditerranée. Consultant en
économie-politique et relations internationales, il a publié des ouvrages sur la gouvernance,
la performance et la gestion des risques.
Il est également chroniqueur et éditorialiste pour plusieurs médias francophones,
arabophones et anglophones.
Dans cet entretien, il nous
livre ses impressions.
Quel est selon vous l’impact de la crise sur les économies émergentes comme celle du Maroc qui a beaucoup investi en Afrique ?
Certainement, il y a un coût très élevé pour les économies émergentes en termes de croissance économique, de création d’emplois et d’investissement. En revanche, la crise peut présenter des opportunités pour réformer le secteur de la santé et améliorer les services publics. Là dessus, je crois que le Maroc s’appuie sur une bonne gestion de la crise du Coronavirus qui est une épreuve d’efficacité pour les autorités publiques. Dans ce sens, je crois que le Maroc va consolider davantage ses relations africaines et sa stratégie d’investissement porteuse de progrès et de développement.
Pensez-vous que cette crise est l’occasion de réaliser une transition dans l’économie mondiale ?
Suite au sommet du G20 tenu en visioconférence sous la présidence de l’Arabie Saoudite, les grandes puissances ont décidé de soutenir l’économie mondiale via 5000 milliards de dollars afin d’atténuer les effets du coronavirus. Selon Bloomberg, les pertes des marchés financiers sont énormes, la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) prévoit des dégâts directs dépassant 1000 milliards de dollars, dont 250 milliards dans le secteur aérien.
La crise du coronavirus survient dans un contexte très compliqué, marqué par une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit et la montée en puissance des manifestations sociales dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud. On est face à une conjoncture économique difficile qui va engendrer une austérité dans les dépenses publiques et un protectionnisme commercial. Les banques ont un rôle prépondérant à jouer pour injecter des fonds et garder la solvabilité des entreprises. De même, l’Etat doit renforcer davantage le secteur public et assumer ses devoirs de stratège, investisseur, contrôleur et régulateur pour faire face à la hausse de la pauvreté et du chômage.
Pouvez-vous estimer les dégâts de la crise du coronavirus sur l’économie mondiale ?
Certainement, on passe par un moment historique de transition économique. Le monde a connu un changement passant d’un paradigme économique basé sur l’agriculture comme secteur principal au paradigme industriel qui a développé les modes de production et la loi du travail. Par la suite, on est arrivé à un paradigme fondé sur la technologie, qui incarne une révolution numérique par le biais de l’internet et l’innovation des systèmes d’information. Actuellement, on converge vers un nouveau paradigme économique qui combine les connaissances, les valeurs et l’environnement.
Est-ce que les instituons économiques créées au 20ème siècle peuvent faire face à cette crise ?
Ce changement va créer une crise de confiance entre les différents acteurs économiques. De même, la réforme des organisations internationales devient une nécessité inéluctable. Ces institutions datent du 20ème siècle et n’arrivent plus à comprendre la nouvelle génération des problématiques économiques. Plusieurs critiques évoquent la mondialisation et le capitalisme dans cette conjecture du coronavirus. Dans le néolibéralisme, il y a des gagnants et des perdants et pour gagner, les Etats doivent surmonter les limites de la mondialisation à travers la gestion rationnelle des ressources et l’amélioration des mécanismes du commerce international.
Dans ce contexte, l’économie du 21ème siècle doit contrecarrer la pauvreté, les inégalités sociales et le chômage surtout avec le boom démographique. La population mondiale va progresser de 7,7 milliards en 2050 pour atteindre 11 milliards à la fin de siècle. Cela implique plus d’investissement dans la sécurité, l’enseignement et les infrastructures médicales et sanitaires. Les économistes signalent également des défis à prendre en considération pour les prochaines décennies : l’immigration, les changements climatiques, les biotechnologies, l’intelligence artificielle, la recherche spatiale et la géopolitique du gaz.
Est-ce qu’un nouvel acteur économique et politique va émerger après cette crise ?
Ces profondes mutations soulèvent des questionnements sur les puissances économiques. La Chine confirme ses capacités économiques et son influence étrangère surtout avec des aides médicales envoyées pendant cette crise du coronavirus à plusieurs pays, notamment européens. La Chine détient plus de 15% de l’économie mondiale et s’impose comme le principal investisseur dans le monde. En Afrique, les investissements de la Chine dépassent 170 milliards de dollars avec des échanges commerciaux avoisinant les 450 milliards de dollars. De plus, Pékin dispose du grand projet de la route de la soie qui vise le contrôle du commerce international en passant par plus de 60 pays. L’ambition chinoise est toutefois freinée par la domination du dollar américain comme déterminant économique mondial et par son incapacité à concrétiser des alliances économiques avec des puissances asiatiques comme l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.
L’Europe est-elle le grand perdant suite à cette crise ?
Face aux enjeux chinois, les Etats-Unis se désengagent des affaires internationales et se focalisent davantage sur des intérêts militaires et financiers. La crise du coronavirus agit comme un catalyseur de la rivalité sino-américaine, l’Europe se retrouve réduite au mieux à un rôle de spectateur, et au pire à celui de champ d’affrontement. La France et l’Allemagne ont une responsabilité particulière pour unifier les Européens autour d’une vision commune et créer des leviers de croissance économique.
En somme, l’année 2020 est un moment de vérité pour l’Europe. La restructuration des institutions européennes est une nécessité pressante, cela exige une volonté politique et un projet inclusif, porteur de progrès et de développement.
fondateur et directeur de MEDFOCUS,
think tank spécialisé en géopolitique
en Méditerranée. Consultant en
économie-politique et relations internationales, il a publié des ouvrages sur la gouvernance,
la performance et la gestion des risques.
Il est également chroniqueur et éditorialiste pour plusieurs médias francophones,
arabophones et anglophones.
Dans cet entretien, il nous
livre ses impressions.
Quel est selon vous l’impact de la crise sur les économies émergentes comme celle du Maroc qui a beaucoup investi en Afrique ?
Certainement, il y a un coût très élevé pour les économies émergentes en termes de croissance économique, de création d’emplois et d’investissement. En revanche, la crise peut présenter des opportunités pour réformer le secteur de la santé et améliorer les services publics. Là dessus, je crois que le Maroc s’appuie sur une bonne gestion de la crise du Coronavirus qui est une épreuve d’efficacité pour les autorités publiques. Dans ce sens, je crois que le Maroc va consolider davantage ses relations africaines et sa stratégie d’investissement porteuse de progrès et de développement.
Pensez-vous que cette crise est l’occasion de réaliser une transition dans l’économie mondiale ?
Suite au sommet du G20 tenu en visioconférence sous la présidence de l’Arabie Saoudite, les grandes puissances ont décidé de soutenir l’économie mondiale via 5000 milliards de dollars afin d’atténuer les effets du coronavirus. Selon Bloomberg, les pertes des marchés financiers sont énormes, la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) prévoit des dégâts directs dépassant 1000 milliards de dollars, dont 250 milliards dans le secteur aérien.
La crise du coronavirus survient dans un contexte très compliqué, marqué par une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit et la montée en puissance des manifestations sociales dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud. On est face à une conjoncture économique difficile qui va engendrer une austérité dans les dépenses publiques et un protectionnisme commercial. Les banques ont un rôle prépondérant à jouer pour injecter des fonds et garder la solvabilité des entreprises. De même, l’Etat doit renforcer davantage le secteur public et assumer ses devoirs de stratège, investisseur, contrôleur et régulateur pour faire face à la hausse de la pauvreté et du chômage.
Pouvez-vous estimer les dégâts de la crise du coronavirus sur l’économie mondiale ?
Certainement, on passe par un moment historique de transition économique. Le monde a connu un changement passant d’un paradigme économique basé sur l’agriculture comme secteur principal au paradigme industriel qui a développé les modes de production et la loi du travail. Par la suite, on est arrivé à un paradigme fondé sur la technologie, qui incarne une révolution numérique par le biais de l’internet et l’innovation des systèmes d’information. Actuellement, on converge vers un nouveau paradigme économique qui combine les connaissances, les valeurs et l’environnement.
Est-ce que les instituons économiques créées au 20ème siècle peuvent faire face à cette crise ?
Ce changement va créer une crise de confiance entre les différents acteurs économiques. De même, la réforme des organisations internationales devient une nécessité inéluctable. Ces institutions datent du 20ème siècle et n’arrivent plus à comprendre la nouvelle génération des problématiques économiques. Plusieurs critiques évoquent la mondialisation et le capitalisme dans cette conjecture du coronavirus. Dans le néolibéralisme, il y a des gagnants et des perdants et pour gagner, les Etats doivent surmonter les limites de la mondialisation à travers la gestion rationnelle des ressources et l’amélioration des mécanismes du commerce international.
Dans ce contexte, l’économie du 21ème siècle doit contrecarrer la pauvreté, les inégalités sociales et le chômage surtout avec le boom démographique. La population mondiale va progresser de 7,7 milliards en 2050 pour atteindre 11 milliards à la fin de siècle. Cela implique plus d’investissement dans la sécurité, l’enseignement et les infrastructures médicales et sanitaires. Les économistes signalent également des défis à prendre en considération pour les prochaines décennies : l’immigration, les changements climatiques, les biotechnologies, l’intelligence artificielle, la recherche spatiale et la géopolitique du gaz.
Est-ce qu’un nouvel acteur économique et politique va émerger après cette crise ?
Ces profondes mutations soulèvent des questionnements sur les puissances économiques. La Chine confirme ses capacités économiques et son influence étrangère surtout avec des aides médicales envoyées pendant cette crise du coronavirus à plusieurs pays, notamment européens. La Chine détient plus de 15% de l’économie mondiale et s’impose comme le principal investisseur dans le monde. En Afrique, les investissements de la Chine dépassent 170 milliards de dollars avec des échanges commerciaux avoisinant les 450 milliards de dollars. De plus, Pékin dispose du grand projet de la route de la soie qui vise le contrôle du commerce international en passant par plus de 60 pays. L’ambition chinoise est toutefois freinée par la domination du dollar américain comme déterminant économique mondial et par son incapacité à concrétiser des alliances économiques avec des puissances asiatiques comme l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.
L’Europe est-elle le grand perdant suite à cette crise ?
Face aux enjeux chinois, les Etats-Unis se désengagent des affaires internationales et se focalisent davantage sur des intérêts militaires et financiers. La crise du coronavirus agit comme un catalyseur de la rivalité sino-américaine, l’Europe se retrouve réduite au mieux à un rôle de spectateur, et au pire à celui de champ d’affrontement. La France et l’Allemagne ont une responsabilité particulière pour unifier les Européens autour d’une vision commune et créer des leviers de croissance économique.
En somme, l’année 2020 est un moment de vérité pour l’Europe. La restructuration des institutions européennes est une nécessité pressante, cela exige une volonté politique et un projet inclusif, porteur de progrès et de développement.