Une année après son entrée en vigueur : Le Code de la route a du mal à mettre fin à l’hécatombe


Hassan Bentaleb
Mardi 4 Octobre 2011

Une année après son entrée en vigueur : Le Code de la route a du mal à mettre fin à l’hécatombe
Le ministère de l’Equipement et des Transports a choisi la discrétion pour  fêter le premier anniversaire de la mise en application du nouveau Code de la route. Ainsi, aucun bilan sur ce dernier n’a été communiqué et aucune sortie médiatique des responsables du département de Karim Ghellab, concernant ce sujet, n’a été annoncée. C’est motus et bouche cousue : on ne parle pas à qui le veut. Certaines sources proches du dossier nous ont informés sous le sceau de l’anonymat que des consignes claires ont été données dans ce sens. Le tapage médiatique accompagnant le lancement du Code a laissé place à un silence très éloquent. Et pour cause : le bilan de l’application de la loi 52-05 semble mitigé, malgré les quelques avancées enregistrées.  
Défendu contre vents et marées par Karim Ghellab et présenté, par lui, comme une solution miracle pour dissuader les mauvais conducteurs de commettre plus de carnages sur nos routes, le Code de la route ne semble pas tenir toutes ses promesses une année après sa promulgation.
En effet, et selon des statistiques émanant du Comité permanent de sécurité routière (CPSR), le taux des accidents mortels a atteint  2616 accidents, soit une hausse de +1,79 % et le nombre des tués et des blessés graves s’est hissé  respectivement à 3059 (+ 0,59 %) et 1405 victimes (+3,35 %).
Pour les observateurs, ces chiffres démontrent que le tout répressif, énergiquement défendu par les concepteurs du Code de la route, a atteint ses limites avant même d’avoir subi l’épreuve du temps et malgré l'accélération du rythme de la mise en place des moyens de répression des infractions et la pose de nouveaux radars fixes et mobiles.
Pour eux, même si la situation semble stable, elle est en train de se dégrader en termes de nombre d'accidents mortels et de tués et l’amplification de la répression à travers des verdicts parfois très lourds et un nombre considérable de retraits de permis, restent incapables de rendre certains conducteurs à la raison.
Une réalité observée et confirmée par plusieurs comportements considérés comme accidentogènes qui n’ont pas disparu pour autant dans la conduite des usages de la route. Exemple, le fait de téléphoner au volant, de franchir une ligne blanche pour doubler, de ne pas respecter les distances de sécurité ou de conduire en état d’ivresse.
Un constat confirmé par plusieurs conducteurs interrogés qui estiment que la loi 52-05 n’a pas réussi à changer grand-chose à leurs comportements.
Leur scepticisme, vis-à-vis du nouveau dispositif, demeure encore de mise et refait surface au moment de donner leur avis quant à son impact sur le changement de  leur comportement. A ce propos, certains nous ont indiqué que leur façon de conduire est restée  identique à elle-même et que la crainte de se voir appliquer des sanctions en cas de non-respect des règles (amende, perte de points du permis de conduire, annulation du permis) ne peut pas avoir l’effet escompté.
Pour eux, le Code de la route se résume à une machine à faire gagner plus de sous à l’Etat au détriment de leur sécurité ou de leur bien-être.
Ce niveau de scepticisme est également ressenti chez les conducteurs professionnels.  Pour Mustapha El Kihal, secrétaire général de la Fédération nationale des professionnels du transport (FNPT), le bilan du Code est sans équivoque. Plusieurs dysfonctionnements et manquements ont entaché sa mise en application.
Dans la ligne de mire du syndicaliste de la FNPT, il y a la confiscation des permis de conduire par le ministère de la Justice qu’il estime illégale et en totale contradiction avec l’esprit même du Code de la route. « Les professionnels de la route ont fortement souffert de cette dispositions car chaque fois que notre permis est saisi par les agents verbalisateurs, on devait attendre un à trois mois pour pouvoir le récupérer puisqu’il doit passer par une série de services avant d’atterrir dans les délégations du ministère de l’Equipement alors qu’on a des bouches à nourrir et des charges à honorer», nous a-t-il précisé.
La délimitation des responsabilités figure également parmi les points critiqués par la FNPT qui regrette qu’elle ne soit pas prise en compte et que le ministre de la Justice la transgresse souvent.
Même son de cloche du côté d’Abdelali Khafi, secrétaire général du Syndicat des employés du transport de voyageurs au Maroc (SETVM) qui estime que les  progrès réalisés par le nouveau Code sont fragiles et reposent pour  l’essentiel sur la peur de la sanction. « L’accent a été trop mis sur le côté coercitif au détriment des autres. Le pire, c’est que le tout répressif n’a pas réussi pour autant à changer  la donne sur nos routes », nous a-t-il indiqué.
Mais pour lui, l’essentiel reste ailleurs. Il s’agit de la mise en œuvre des engagements concernant le volet social promis par Ghellab avant l’entrée en vigueur de la loi 52-05. « Le gouvernement s’est engagé lors des négociations avec les syndicats du transport à garantir certains droits et avantages sociaux aux conducteurs professionnels. Une année après, on n’a rien vu venir et c’est dommage», a-t-il regretté.   
Les deux syndicalistes sont également d’accord sur le fait de considérer que l’essentiel n’a pas été encore fait, à savoir l’amélioration de l’état de nos routes. Pour eux, l'augmentation de l’enveloppe budgétaire afférente aux investissements initiés pour l'amélioration de l'infrastructure routière n’est pas parvenue  à sécuriser les déplacements routiers.
« Nos infrastructures routières sont encore mal adaptées (zones dangereuses non balisées, intersections sans visibilité…) et elles sont des facteurs importants dans plusieurs accidents survenus sur nos routes. On se demande ce que le ministère de tutelle a fait concernant la localisation et la réduction des « points noirs » du réseau routier, le signalement, la libération des voies publiques de leurs occupants illégaux, etc. », s’est interrogé M. Kihal.
Que peut-on retenir donc une année après la mise en application du nouveau Code de la route ? Que le lourd arsenal répressif mis en place n’est pas d’une performance à toute épreuve  et qu’il faut donc réfléchir à d'autres volets d'amélioration du comportement des conducteurs. Au premier rang desquels, une meilleure application des lois concernant l’occupation provisoire du domaine public, une meilleure formation initiale, et des campagnes  de sensibilisation régulières sur le "comportement responsable" à adopter sur la route. Mais tout cela nécessite énormément de courage politique, coûte de l’argent et n’en rapporte pas. Enfin pas tout suite.


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