Un certain 23 mars 1965 de triste mémoire ...

Commémoration aujourd’hui du cinquantenaire des évènements tragiques de Casablanca


A.S
Lundi 23 Mars 2015

Un certain 23 mars 1965 de triste mémoire ...
50 ans. Un demi-siècle. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le tristement célèbre mardi 23 mars 1965. Ceux qui en ont vécu les évènements sont sexagénaires. Retraités de la vie active ou victimes d’une société qui les a condamnés aux indicibles affres de la précarité et des métiers de l’informel, ils en ont été marqués à jamais. Leurs mémoires dont l’âge a estompé nombre de mésaventures, gardent néanmoins  souvenance de ce jour. A jamais marqué au feu rouge, à l’instar de la couleur rouge sang qui a dépeint nombre de quartiers de Casablanca où beaucoup de citoyens ont trouvé la mort. Tirés comme à l’exercice par des forces de l’ordre et des militaires peu respectueux de la loi et drapés  d’une légitimité qu’ils croyaient puiser dans l’ineffable concept d’usage légitime de la force. Légitime, certes, mais qui ne devait nullement être disproportionnée. Sinon, elle deviendrait aussi illégitime que n’importe quelle autre qui serait déployée de manière illégale. L’histoire les a jugés, mais l’Etat ne les a jamais condamnés. L’histoire a également donné raison à leurs victimes qui avaient mis le doigt, sans le savoir, sur un  mal qui rongera le Maroc depuis lors.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres, fut, en effet, la circulaire du ministre de l’Education nationale, feu Youssef Belabbès, datée de mars 1965 et interdisant aux lycéens de plus de 17 ans de redoubler au brevet (Certificat d’études secondaires).
Dans le calme et en bon ordre, des élèves casablancais manifestèrent leur opposition à cette mesure.
Le lendemain, les ouvriers et les jeunes chômeurs les rejoignirent et, le 23 mars, c’est tout Casablanca qui s’est soulevé. 
La police est alors intervenue avec force et la manifestation a tourné à l’émeute. Les parents sont sortis dans la rue demander la libération de leurs enfants incarcérés, les chômeurs pour réclamer du travail, les étudiants des bourses. Des combats de rue les opposèrent aux forces de l’ordre et la contagion a gagné d’autres villes que Casablanca. 
Il a fallu faire appel au général Oufkir en personne pour réprimer ces émeutes dans le sang. 
La nuit du 24 mars, les dirigeants de la Fédération de l’enseignement sont arrêtés et le soir même, les brigades spéciales sont entrées en scène. 
A la demande du groupe UNFP, le Parlement a constitué une commission d’enquête, mais le gouvernement ne l’a pas autorisée à poursuivre son travail plus avant. La presse est saisie et les tribunaux régionaux multiplient les condamnations. 
Le 25 mars, le calme est rétabli au prix d’un nombre incalculable de vies humaines et de dégâts. 
Quelques jours plus tard, S.M Feu Hassan II est intervenu à la télévision pour reconnaître l’existence du chômage et de la crise économique et prédit que «l’avenir n’est pas prospère à courte échéance». 
Il a, par la suite, entamé quelques démarches auprès l’opposition mais jugé ses revendications inacceptables parce que se focalisant sur le partage institutionnalisé du pouvoir. Après quelques atermoiements, c’est finalement la fuite en avant : le 7 juin 1965, le Souverain annonce l’état d’exception qui a mis un terme à l’expérience inaugurée par l’adoption, en décembre 1962, de la Constitution et, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka est enlevé à Paris et assassiné. 
Interrogé au soir de sa vie par Eric Laurent, Feu Hassan II est revenu sur cette date dans l’ouvrage «La mémoire d’un Roi»: «Il ne s’agissait pas d’événements dont la fatalité était inscrite en filigrane, dans le cours des choses. C’étaient des flambées. Rien ne les laissait prévoir». Mars 1965, selon le Souverain, n’est rien d’autre que le «passage d’un âge à un autre âge, mais je n’ai jamais pu comprendre que ce passage à une autre époque ait pu avoir des effets aussi violents. De toute façon, c’était un épisode malheureux», dira-t-il. 
De fait, un épisode annonciateur de tout un cycle d'émeutes et qui a eu pour conséquences une mise du pays sous une chape de plomb, une recrudescence de la répression et une floraison de l’économie de rente et de la corruption dont les citoyens ont payé le lourd tribut de leur bien-être, voire, parfois, de leur vie. 



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