A la fin de l'ère Agriculture-Elevage, la formation de la conscience régionale et nationale, la saturation des terres opérée par la population grandissante, rendaient grotesque la logique guerrière qui légitimait les systèmes monarchiques.
Il fallait inventer une nouvelle économie, qui permette de libérer les échanges et la science en émergence. De même aujourd'hui, notre système économique, qu'il soit de droite ou de gauche, apparaît barbare face à la fin de la civilisation du travail. Il nous faut changer les bases mêmes de notre raisonnement, de notre système de valeurs. Il y a un gigantesque effort de créativité et de communication pour rendre conscients les immenses enjeux de ce siècle et y trouver des solutions nécessairement innovantes. La classe moyenne, fondement de la solvabilité des marchés de masse, s'appauvrit partout dans les pays avancés, ce qui précipite d'autant plus la crise. Ford avait compris à l'aube de l'ère industrielle, que c'était la richesse des employés qui assurait la solvabilité d'un marché de masse pour ses produits.
C'est ce cercle vertueux qui a alimenté le décollage industriel, libéral aussi bien que socialiste ou communiste. Mais qu'arrive-t-il quand, comme aujourd'hui, la quantité de main-d'oeuvre n'est plus corrélée à la productivité, sinon de manière inversement proportionnelle ?
Alors le cercle vertueux devient un cercle vicieux, où plus de productivité veut dire moins de travailleurs, donc moins de clients solvables. Les prix des biens industriels s'effondrent, comme s'est effondrée durant tout le dernier siècle, la part relative du budget consacrée à la nourriture et aux achats du type Agriculture-Elevage. Automobiles, télévisions, réfrigérateurs, ordinateurs sont banalisés. La nouvelle génération les associe au monde "naturel" comme notre génération considère comme "naturel" de manger à sa faim, ce qui était encore un luxe au siècle précédent.
Pendant un million d'années de Chasse-Cueillette, l'Homme a eu comme motivation la survie; l'Agriculture-Elevage, pendant 10.000 ans, a été une manière d'augmenter sa sécurité; l'ère Industrie-Commerce, en un siècle, a permis d'optimiser définiti vement la sécurité et de développer la sociabilité à grande échelle. Au-delà du besoin de sociabilité que nous ont procuré réfrigérateurs, voitures, télévisions et téléphones, le quatrième besoin, selon le sociologue Maslow, est le développement personnel.
L'ère post-industrielle devait voir émerger une économie basée sur les échanges culturels, le développement artistique et spirituel de l'Homme.
Déjà aujourd'hui, l'échange d'informations des êtres humains sur la planète double environ tous les quatre ans alors que l'économie de biens matériels stagne.
Les échanges immatériels explosent mais ces échanges sont bien souvent peu capitalistiques et difficilement mesurables en termes économiques classiques.
Ecrivains, savants, musiciens, inventeurs, animateurs, conférenciers, tous les métiers à forte valeur ajoutée et peu capitalistiques se multiplient. Leur réussite ne s'appuie pas sur une prise de pouvoir hiérarchique, mais sur l'audience qu'ils reçoivent.
Contrairement à l'ère industrielle, ce nouveau tissu économique est fortement démassifié et repose sur la valorisation des singularités.
Tandis que l'entreprise industrielle se vide des acteurs de sa production, les réseaux créatifs se gonflent d'auteurs de l'innovation.
Dans l'ère de la Création-Communication, on peut imaginer que l'Homme ait le même intérêt pour le développement de sa conscience qu'il en a eu pour le développement technologique dans l'ère industrielle
On peut imaginer que petit à petit se développe un véritable marché de la conscience et que toute une nouvelle économie, basée sur le loisir, le divertissement, apporte la création de multitudes d'emplois nouveaux aussi éloignés de l'ère industrielle que le sont les emplois de l'ère industrielle des emplois du type agraire.
(A suivre)