Transition de l’institution scolaire vers l’organisation éducative

I- Vers un plan d’action anti-crise


Par EL Miloudi Bel Hadioui
Vendredi 21 Juin 2013

Transition de l’institution scolaire vers l’organisation éducative
Les enseignants ne cachent pas leur surprise devant les modes d’exercice du ‘pouvoir’ institutionnel en décalage par rapport à la logique de participation de ce que D. Cohen Bendit (1981) appelle «la capacité de faire la politique, c’est-à-dire de s’organiser d’essayer de réfléchir, (d’) essayer de déstabiliser le système, créant une brèche». Il existe donc une confusion du rôle que peuvent jouer les usagers du système éducatif dans les prises de décision. L’émergence des contradictions, des conflits opposant les enseignants aux textes prescriptifs ne cessent de croître, du fait de la complexité de leurs  références théoriques, idéologiques et conceptuelles.
Trois raisons majeures s’étaient combinées pour contraster avec les prises de positions absolument critiques à l’égard du projet- Réforme éducative.
- Il y a d’abord, une remise en question de la minimisation de la dimension socio-économique. Ce qui est aberrant aux  yeux de la majorité des usagers et praticiens, c’est que le décideur a manqué de rationalité puisqu’il n’a pas intégré l’être enseignant c'est-à-dire sa dimension matérielle/sociale.
- Il y a ensuite le manque de mesures concrètes visant la rénovation du milieu scolaire. A ce niveau, les problèmes d’équipement, de modernisation de travail, d’aide aux enfants scolarisés, de lutte contre les échecs et de création des structures alternatives, tous ces modes d’action n’apparaissent pas décisifs pour réduire les méfiants de l’inertie.
- Il y a enfin une crise du modèle de développement de socialisation  institutionnelle et pédagogique (prédominance du paradigme bureaucratique/prescriptif sur le travail.
Communication
et développement
Le concept de ‘’développement’’ en tant que pratique était l’objet de nombreux débats et d’études théoriques et pratiques durant les années 60. Au point de vue de l’économie classique/libérale, il renvoie à l’idée de «croissance indifférenciée» (1974) à laquelle on adjoint le principe cumulatif des biens de consommation, la technologie et l’efficacité du système de production. Contrairement à l’argument selon lequel les sciences, la technologie, le confort matériel sont un vecteur du progrès social, un nouveau modèle de raisonnement resurgit et s’institue comme  une stratégie désignée par le terme modèle de croissance organique. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu'il faudrait en venir à l’approche «d’auto-développement» (E. Morin 72). Le modèle de développement organique équivaut au processus de socialisation des usagers, de l’injection du sens social / culturel dans les sciences, la technologie et la technique. Cela signifie qu'on réduit l’exclusion des groupes par l’implication, la formation et la motivation. Le mieux être dont parlent les marxistes dépend de la valorisation du profit de la lutte contre la bureaucratie, la consommation excessive et le terrorisme de la rhétorique idéologique mensongère. Aujourd’hui, l’enjeu de cette problématique est d’opérer un changement radical en direction de l’épanouissement humain, c’est-a-dire agir de sorte que le sujet devienne citoyen, acteur moteur du changement social (Attali, 1978).
Sur ce plan, le concept  développement repose sur trois équations :
Equation 1 : Développement = Connaissances générales + impératif Humain
Dans le contexte de l’école d’inspiration  humaniste, on insiste principalement sur la réforme (ou projet) social de la vie collective. Ce choix stratégique se conçoit comme une exploitation des savoirs et des connaissances scientifiques et culturelles grâce à des stratégies conjuguant action organisée des groupes, implication et participation.
Equation 2 : Développement = maîtrise des sciences diverses + technologie  
Du point de vue de l’école positiviste, l’argument de développement ne saurait se passer de l’idée de maitrise de la technique et des sciences. Dans cette voie, il se profile deux logiques :
- Logique de développement économique (accroissement des besoins matériels et satisfaction des usagers sociaux).
- Logique de mise en œuvre de la rationalité (compétences techniques et science comme base de la gestion des ressources matérielles).
Equation 3 : Développement = besoins  +  participation  +  action sur l’environnement.
Au plan de l’approche fonctionnelle/systémique, le concept de développement en tant que satisfaction des besoins (aspect matériel) et de l’amélioration des rapports sociaux et culturels (aspect immatériel), renvoie à une vision structurelle et dialectique. En ce sens, ce modèle accorde une grande importance, dans ses analyses, à l’interdépendance des faits, au facteur déterminant et surtout à des programmes d’actions d’intervention ponctuelles et concrètes.
Il est certain que le décideur de la réforme éducative admet l’idée selon laquelle la communication, la participation et la transition vers la nouvelle culture institutionnelle (vision, références, finalités, objectifs….) sont un impératif voire une exigence de la rénovation du milieu scolaire. Pour évoluer dans cette voie, il faudrait s’appuyer sur des outils fonctionnels (acteurs, outils de communication, moyens et stratégie…). Malheureusement ces éléments porteurs sont mis à défaut.                                                   Nous considérons donc qu'’un sujet conditionné, bureaucratisé voire inséré dans un contexte pathogène ne peut constituer un apport véritable à la construction d’un projet (individuel ou social), et par la même occasion, il est incapable de projection puisqu’il est dé-situé : aucun sujet ne peut donc inventer, créer, faire preuve d’intersubjectivité dans un contexte de rigidités institutionnelles et d’échange d’idées préconçues catégorielles.
Selon notre conception, l’absence d’une communication humaine, authentique et réelle de basculer dans l’inertie du mouvement et la mort de l’esprit. Comme le souligne G. Rapaille   (1976) «sans communication non médiatisée, l’individu, le groupe, l’organisation, la société même, sont voués à la mort, c'est-à-dire à l’arrêt du mouvement, à l’arrêt du flux, à la rigidité cadavérique». A cet égard, deux arguments nous paraissent essentiels
• Le premier est que les espaces (L’école, la famille, l’hôpital, le quartier) compte tenu de leur complexité et leur richesse sont des micro-pouvoirs (M. Foucault, 1975) qui communiquent.
•Le deuxième argument reprend l’idée selon laquelle la communication sociale, l’apprentissage collectif (M. Crozier, 98), la restitution mémoire (Winnicott,71) jouent un rôle considérable dans la construction des identités et la mise en œuvre de stratégies du changement. La communication en milieu scolaire, par exemple, n’est en vérité qu'un acte fictif qui prévoit des réflexes/réactions de méfiance, de peur, de blocage, d’hostilité et de jeux d’intérêt personnel. C’est sans doute là qu'un changement défaille. Il découle de cette situation deux faits pervers:
- Les pôles de communication (émetteur-récepteur) ne sont pas de véritables delais à l’investissement du sens d’une part ; ils sont réduits à un système de représentations bureaucratisées et dirigées, d’autre part.
- Le contexte revêt un caractère abstrait. Sa représentation reste improbable en raison de l’absence de la relation dite d’intersubjectivité.
Les éléments de
réponse: Innovation, recherche et formation
a – La formation
L’examen des nouvelles mutations des connaissances en matière des sciences de l’éducation, nous fournit des orientations voire des hypothèses qui font référence à l’idée d’harmonisation de la relation entre la rénovation de l’enseignement-apprentissage et les nouvelles pratiques de formation des enseignants. Plus important, pour la majorité des praticiens, il suffit  de poser comme préalable à la mise en place d’un projet de formation associé à une vision intégrée du changement de l’institution scolaire. Dans cette optique, nous considérons le projet de formation comme une action organisée tant à l’égard des structures mentales cognitives et socioculturelles des sujets à former qu'à celle de l’espace où ils évoluent. De nombreux auteurs rappellent les caractéristiques de ce type de formation. Il s’agit pour eux d’une formation qui se reconnaît dans différentes instances de l’espace scolaire (résolution de problèmes), d’une réflexion-action en situation de blocage ou de rupture de cette même action, d’un système de participation et de production du sens qui dépend d’une équipe. Autour des définitions massives que comporte le concept de formation, J. Striff (1993) propose une variété de formes à savoir : la formation courte, la formation longue (1° forme) , la formation de groupe, la formation individuelle (2° forme), la formation spécialisée et la formation générale (3° forme). Dans ce contexte, il insiste sur l’importance des besoins de la formation notamment en qualification, en compétences, en professionnalisme, en autorité et en créativité. Une autre voie proposée a un contenu faisant appel à l’argument de l’identité de la formation de ce que J. François Chosson désigne par le terme de modèle de référence/ou portrait  de formateur. Celle-ci est, selon l’auteur, déterminante sur le plan pratique. Plusieurs portraits sont énumérés :le militant qui agit en fonction de l’idéal de changement, le décideur qui pose le problème de la priorité du consensus pour l’atteinte des objectifs aussi bien social qu'économique, l’animateur dont le rôle consiste à conduire  les sujets  (sur  la base  des stratégies  et de  critères, objectifs)  vers  la  résolution des cas-problèmes, le rhétoricien qui insiste sur les mécanismes de la communication (orale et écrite) au cours des séances courtes, le conseiller de méthodes de références aux sciences sociales, l’enseignant qui s’attache aux critères opérationnels (Stratégies de l’apprentissage et pédagogie  relationnelle).
Des études récentes font du concept de formation un mode d’organisation des échanges mis en jeu par le système d’apprentissage. Dans ce domaine où plusieurs théories se confrontent J. Berbaum (1984) a relaté un fait pertinent, celui de la relation dialectique entre formation et apprentissage. On peut ainsi comprendre le sens de cette indication surtout quand il renvoie au profil du formé, et la situation  (apprentissage, relation, motivation, et action de changement). Concrètement, cela signifie que «les pratiques de formation sont des mises en œuvre des apprentissages. Encore faut-il remarquer que la formation, en tant que changement, est toujours tributaire des théories, leur intérêt et leurs apports sont intéressants. Il appartient au formateur de choisir parmi les contenus, démarches, éléments de l’environnement possibles dans l’organisation d’une formation (…). Les théories de l’apprentissage peuvent être utiles pour faire un choix parmi les éléments qui constituent la démarche de formation  (….). Mais l’objectif des formateurs sera de rendre la formation dépendante aussi bien du formé que du contexte dans lequel elle se situe et vers lequel s’oriente le formé».
J. M. Albertini (1992) accorde plus d’importance à la démarche expérimentale dans l’action de formation. C’est selon lui «la meilleure condition (…)      des progrès. En fait, il ne s’agit pas de former, mais de progresser.
Parmi les pratiques formatives qui motivent aujourd’hui les usagers de l’institution scolaire (chercheurs, enseignants, universitaires) est la formation- action. Des travaux de recherche ont montré que celle-ci s’explique par l’excès de défaillances de l’institution scolaire et par le besoin de l’innovation.
b – L’innovation pédagogique
• Selon J. P. Astolfi (1983) : «Le discours est aujourd’hui mis sur les dysfonctionnements du système éducatif et sur la nécessité de chercher les moyens nouveaux pour lutter contre l’échec scolaire. Mais chaque proposition nouvelle d’organisation de l’école est en même temps perçue comme un risque. Elle reste une expérience».
• De son côté, R. Hess (83), en focalisant son attention sur la recherche pédagogique montre comment celle-ci peut favoriser la prise de conscience du collectif social à s’adapter à l’institution : on retiendra aussi du travail de R. Hess que ‘’ce sont les faits qui les (les conservateurs) obligent à changer, à innover, à créer’’...
• Victor Host dans son texte «Modes d’insertion et impact (83)» met le point  sur l’impact des formes technocratiques des recherches pédagogiques sur le pouvoir d’entreprendre des enseignants. Il propose deux solutions : (1) La différenciation de la pédagogie au collège ou le développement de la pédagogie d’éveil…(2) La recherche dans le projet pédagogique (théorie, pratique, analyse, évaluation, équipe pédagogique…).


* Doctorant en laboratoire ingénierie et technique d’éducation
et de formation de la Faculté de Ben Msick



A suivre...  ( II- La recherche en milieu scolaire )


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