Transition de l’institution scolaire vers l’organisation éducative (Suite et fin)

II- La recherche en milieu scolaire


Par EL Miloudi Bel Haddioui
Samedi 22 Juin 2013

Transition de l’institution scolaire vers l’organisation éducative (Suite et fin)
La recherche ou voie d’autoformation de l’enseignant (R. Hess,83) doit être considérée comme pouvoir de création et d’autonomie (V. Host, 83) et comme formation théorique et pratique (F. Cros, 83) Ces trois possibilités sont identiques. Elles reposent sur la nécessité de l’action, bien qu’elles renvoient à des contenus différents.
Les circuits d’entrée de la recherche en direction du changement éducationnel peuvent se faire selon plusieurs mécanismes. A titre d’exemple citons :
- Le mécanisme d’entrée dans l’institutionnel dont l’objectif consiste à faire appel à des enseignants volontaires, créatifs en vue de les insérer dans un cadre de réflexion, d’observation et d’évaluation est plus évident. En d’autres termes, on peut penser que l’intérêt pragmatique pour cette approche est difficilement séparable d’un certain nombre de règles. François Cross (83) dans son article intitulé ‘Ce que suggère un collège expérimental’, montre que la recherche au sein de l’institution, doit tenir compte de six contraintes nécessaires : l’intervention des institutions, le contrat, la notion de terrain, le greffe sur une organisation sociale et enfin la spécificité ou non spécificité entre enseignant / chercheur et formation d’une situation pédagogique : ce système trouve actuellement son champ d’application dans cinq domaines : la recherche académiques spontanée (ou compte rendu des innovations) ; la recherche universitaire (ou réflexion épistémologique spécialise participative) ; la recherche des instituts et les recherches ministérielles.
- Les mécanismes d’entrée dans le contenu.
Action sur les contenus disciplinaires : Il s’agit de rendre opératoires les idées réinventées par les textes officiels ou projet de reforme. Par exemple, la réflexion sur les objectifs, les actions, les besoins sociaux.
La recherche sur le système E. apprentissage: Les stratégies de l’apprentissage, les relations pédagogiques, les représentations, les savoirs disciplinaires, les obstacles, les remédiations, l’opérationnalisation des objectifs et les pratiques de l’évaluation.
La recherche spécifique à l’organisation scolaire: Le principe de décloisonnement, l’expérimentation et les recherches sur le tas. Etablir des liens solides avec l’école et la recherche pour lutter contre les facteurs contre-institutionnel et / ou pédagogique est une des meilleures conditions de l’innovation et de l’amélioration du fonctionnement du système éducatif.
Aborder l’espace scolaire sous l’angle de la recherche pédagogique, c’est s’impliquer dans un projet collectif ouvrant de nouvelles perspectives en faveur de la formation pratique et au changement des attitudes. En insistant sur cette orientation qui s’apparente logiquement à la remise en cause de l’inertie, nous voulons faire remarquer que la clarification des situations éducatives ne saurait être ramenée à des discours immuables ; c’est bien dans l’expérimentation (définition d’une action d’intervention, choix d’une démarche de résolution, élaboration d’un système d’évaluation et d’une alternative de médiation) qu’à l’alignement rigide à un cadre institutionnel ou théorique. Il s’agit pour R. Hess (83) de partir des situations concrètes en vue de faire apparaitre la façon dont, les contextes multiples et variés (l’institution, la classe, l’environnement…), les options politiques en éducation rentrent en cohérence au niveau pratique notamment dans le champ de l’exercice d’une discipline. Comme l’indique l’auteur :«Si une recherche pédagogique me semble nécessaire aujourd’hui, c’est parce que le clivage entre l’institution pédagogique et la société civile me semble aller dans un sens de divorce de plus».

Propositions pour l’amélioration de l’éco-efficience de l’institut scolaire

Au terme de notre lecture de la Charte de l’éducation et la formation (2000), il est tout à fait possible de proposer des solutions concrètes se situant de préférence dans les domaines suivants : la démocratisation de l’enseignement, la structure du contenu, le mode d’organisation et de méthodologie, la fonction enseignante, la formation et l’innovation.
a - Le rapport démocratie-enseignement :
Un projet de réforme est, dans ses principes délibératif et collectif, en relation constante avec une conception philosophique du développement intégrale de l’homme. La sagesse serait évidemment de formaliser des contrats d’aide aux institutions scolaires fragiles et aux enfants démunis. La pratique de démocratisation au cœur du système doit promouvoir quatre processus essentiels :
-  L’aide directe (aide financière) aux élèves de couches populaires défavorisées.
-  La mise en place d’une culture de fusion et de participation à la cogestion du fait éducatif.
-  La mise en place de structures intermédiaires au sein des établissements (atelier, salle d’animation, supports d’information et matériels didactiques).
-  Le décloisonnement des cycles, des savoirs et des lieux de formation.
b - La structure-contenu: A ce niveau, la démocratisation de l’enseignement prend de l’importance par rapport à trois structurations indépendantes: Il s’agit d’(e) :
-  Articuler culture disciplinaire et culture générale.
-  Définir des contenus (programmes et référentiels) plus proches des besoins des sujets et de leur environnement.
-  Développer la recherche-action (innovation, expérimentation) au sein de l’école.
c - Le mode d’organisation institutionnelle:
Pratiquement il est utile d’intégrer trois solutions  alternatives :
-  Doter l’école de nouvelles structures de gestion participative démocratique (implication des parents, des enseignants, de l’autorité dans la gouvernance et l’amélioration de l’espace scolaire) avec l’intervention ponctuelle de l’Etat.
-  Ouvrir l’université à l’environnement social, à l’entreprise et aux problèmes de l’école (stage de formation, recherche, accueil et motivation des enseignants)
-  Contribuer à l’élargissement des savoirs et la promotion juste et égale des enfants ruraux et urbains.
d - Le volet méthodologique
Le problème essentiel que doit concevoir une réforme éducative est donc la construction d’un modèle pédagogique intégré dans un paradigme dont le contenu (raison) se charge de révéler le mouvement (la ligne) du savoir à acquérir. La problématique de l’articulation entre contenu et méthodologie sont deux caractéristiques du dispositif pédagogique. Il est d’ailleurs utile de reconnaitre qu’une méthode disproportionnée par rapport au contenu risque d’entraîner des déviances  et des erreurs d’interprétation au niveau des objectifs à visée formative : un contenu d’une activité transversale de type transdisciplinaire par exemple, risque de se gâter lorsqu’une méthodologie classique transmissive l’emporte sur le problème fondamental de l’action globale qui est de savoir quelle place et quel rôle ont les partenaires (documentaliste, animateur, informaticien, conseiller, famille…) dans le processus de la conceptualisation et de la réalisation. Sur le fond, nous considérons que le problème relève davantage d’un programme de médiation, de partenariat et d’implication que d’automatisme et de conditionnement. Pour la plupart des didacticiens modernistes, la pratique formative de l’élève doit fonctionner  selon des approches qui tiennent compte des spécifités du système éducatif et des critères sociologiques, psychologiques et culturelles de l’environnement de proximité. En effet, la relation contenu / méthode, outre son aspect pratique, constitue un véritable enjeu théorique et épistémologique : il vaut mieux une méthodologie dogmatique (autoritarisme, par coeurisme et ordre linéaire de la discipline) dans une institution traditionnelle qu’’une didactique jugée moderniste (liberté, autonomie, dialogue..) dans un système éducatif irrationnel et illisible.
e - L’idée centrale de la troisième proportion : La fonction enseignante et la formation.
La fonction classique de transmission des savoirs est aujourd’hui remise en cause. Du fait de l’engagement du système éducatif sur le paradigme lié au développement intégral de la personnalité du sujet, la nouvelle tendance consiste, en priorité, à mettre en place des stratégies de changement des attitudes et des comportements avant de songer à des connaissances imposables disciplinaires. Faute d’un travail théorique et d’expérimentation, faute également d’un projet éducatif tenant compte des besoins du public-cible, une action pédagogique glisse au-delà de  l’apprenant, et dévie de son mouvement. Lorsqu’on se réfère au texte de la réforme, le métier d’enseignant prend une dimension hétéroclite. On peut donner une idée de la variété des pratiques, la médiation, la médiatisation, le soutien, le P.A.E. l’animation, la cogestion du projet pédagogique, toutes ces opérations sont devenues des nécessités voire des logiques encadrées avec l’appui des textes règlementaires. Malheureusement, au plan pratique, l’enseignant  reste prisonnier des pratiques dogmatiques et à la logique linéaire imposée par le programme (= travail prescriptif). Il parait aujourd’hui nécessaire de décrire un système éducatif non seulement du point de vue technique et juridique mais d’en intégrer des stratégies vérificationnelles  (E. Morin, 93) permettant à l’enseignant d’assurer démocratiquement la reconstruction et l’application de son programme.
f - L’innovation pédagogique :
Enseigner et apprendre sont deux problématiques fréquentes dans les débats actuels en milieu scolaire. En réalité derrière le fond idéologique de ce fait se situe une conception de l’intervention de l’enseignant sur le terrain en usant du réel, ce que P. Bourdieu appelle le «pouvoir symbolique» ou «l’oppression symbolique». C’est toujours en fonction de l’expérimentation et de la recherche sur le terrain social qu’une pratique est crédible. Plus précisément, une pratique sans théorie, sans détermination des mécanismes de son fonctionnement (par le décodage du lexique et les techniques des bancs d’essai) , l’acte d’enseigner-apprendre reste superficiel. Rien n’empêche un enseignant de théoriser ; c’est une situation très importante à partir du moment où l’exercice de la décision est fondé sur des paramètres subjectifs (motivation, volonté et prise de conscience) et objectifs (maîtrise des méthodes d’expérimentation, connaissance des outils d’innovations, savoirs, instruments de médiatisation, acquis et compétences des apprenants). La possibilité de redonner à l’établissement une identité ambitieuse – donc de l’adapter aux besoins sociaux et aux changements en cours – implique l’idée de groupe et renvoie aux impératifs de la concertation et de l’action collective contre les déficits institutionnels et les conflictualités / résistances socioculturelles. L’observation qui vient à l’esprit dans le domaine de l’action de l’enseignant collectif en tant que praticien, est que la représentation des alternatives à la  résolution de la crise du système éducatif et les facteurs qui l’ont mis en péril offrent une image irrationnelle, absurde de la réalité. Nous avons l’impression que les efforts consacrés à l’ouvrage de changement va plus à l’utopie, parfois même à l’occultation de la dialectique. Rien n’est moins mensonger que d’asseoir des contradictions. En position dialectique, il faut dynamiser l’événementiel. Mieux encore le dépasser dans une opération  de pensée pragmatique, dialectique et réaliste.

* Doctorant en laboratoire
ingénierie et technique d’éducation et de formation de la Faculté de Ben Msick


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