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Pourquoi deux textes de loi? «Le projet de loi élaboré par le ministère des MRE et des Affaires de la migration a une dimension plutôt internationale relative à la lutte contre les réseaux des trafiquants transnationaux et s’inspire davantage des Conventions internationales sur la traite humaine et sur le crime organisé. Notamment le traité de Palermo, ratifié par le Maroc en 2011. Pourtant, la traite humaine ne peut pas se limiter aux seuls crimes liés à la migration», nous a expliqué Said Mchak, chercheur en droit international de la migration. Et de préciser : « Aujourd’hui, la tendance au niveau international va dans le sens de la promulgation des lois spécifiques pour lutter contre ce phénomène. Des lois qui se focalisent en premier sur le volet protection plus que celui de la pénalisation puisqu’elles estiment que la place naturelle de ce dernier volet est dans le Code pénal. Cette tendance universelle est suivie actuellement par plusieurs pays notamment les pays arabes (Emirats arabes unis, Qatar, etc.). Au niveau des pays européens, la tendance est plutôt d’adopter des dispositions criminalisant dans les Codes pénal et de procédure pénale. Mais ces dispositions demeurent insuffisantes pour lutter contre ce phénomène et c’est pourquoi elles sont souvent appuyées par des plans nationaux. Le projet de loi modèle élaboré au niveau international affirme que les législations dans ce domaine ne suffisent pas et que les pays doivent mettre en place des plans visant la prévention, la protection, la poursuite et le partenariat.
Qu’en est-il du Maroc ? « Au niveau national, il n’y a pas encore de plan, mais ce n’est qu’une question de temps. Il faut savoir que la lutte contre la traite humaine est un choix stratégique adopté par l’Etat avant même la mise en place de la nouvelle politique de la migration. Déjà en 2007, il y a eu la stratégie de lutte contre la traite humaine conçue par le ministère de l’Intérieur. Il y a également eu l’interdiction de la servitude au niveau du Code du travail et la pénalisation de l’esclavagisme au niveau du Code pénal. Il ne s’agit point d’un sujet nouveau, mais il y a eu cumul d’expériences », nous a expliqué notre source.
Mais qu’en est-il de la situation de la traite humaine au Maroc ? Disposons-nous des statistiques concernant les victimes, les trafiquants, la nature des crimes constatés, etc? En fait, les chiffres manquent drastiquement. Un rapport, publié en 2014 par la Fondation Walk Free, a annoncé le chiffre de 150.000 victimes de la traite humaine dans le Royaume. Un chiffre jugé improbable par plusieurs experts nationaux qui estiment qu’il est difficile de mesurer l’ampleur de ce phénomène car il n’y a pas de données officielles du fait que notre pays n’a adopté aucune définition précise de ladite traite. Même le rapport du département de la Justice et des Libertés élaboré en 2015 fournit peu de statistiques. Selon ce dernier, sur les 5.000 Philippines installées au Maroc, 60% sont employées en tant que «bonnes», nombre d’entre elles sont victimes de violence. Sur les 7 cas où ces violences ont entraîné une intervention policière, un seul est arrivé aux tribunaux.
Le rapport a noté, par ailleurs, l’existence entre 2010 et 2012, de 59 cas d’exploitation sexuelle de Marocaines en Belgique, 47 en France, 36 en Inde, 30 aux Etats-Unis et 5 au Danemark.
Charki Draiss, ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, a annoncé, de son côté, le démantèlement en 2014 de 113 réseaux de traite humaine. «On ne peut pas remettre en cause ces chiffres, mais il y a un flou concernant ce sujet puisqu’il y a confusion entre la traite humaine et le trafic humain alors que la Convention de lutte contre le crime organisé et le Protocole de Palerme ont bien différencié les deux. Le trafic est une infraction contre le droit à l’inverse de la traite qui est une atteinte aux personnes», nous a indiqué Said Mchak. Et de poursuivre: «Beaucoup d’ONG, de parlementaires, d’officiels et autres mettent tout et n’importe quoi sous le nom de la traite humaine. Même le travail des mineurs comme domestiques est considéré ainsi alors qu’il n’y a pas d’exploitation puisqu’il y a versement d’un salaire et qu’il n’y a pas de chantage et d’exploitation de la situation de vulnérabilité des victimes. Le crime de traite humaine est constaté lorsqu’il y a de la contrainte ». En fait, la définition généralement admise au niveau international est claire. Elle précise qu’on ne peut parler de traite que si certaines conditions sont réunies, à savoir la mobilisation des personnes, leur transfert, leur déplacement, leur hébergement ou leur exploitation. L’usage des menaces, de la force ou tout autre moyen de contrainte, l’enlèvement, l’arnaque, ou l’usage disproportionné de l’autorité ainsi que l’exploitation de la détresse ou de la vulnérabilité d’autrui, ou encore la rétribution accordée à une personne pour transférer la tutelle exercée sur une tierce personne. Une exploitation d’autrui dans des activités d’exploitation sexuelle, de la mendicité, de l’esclavage ou du travail dans des conditions d’esclavage, ou du prélèvement d’organes.