Suspension de la pêche du poulpe : Le ministère de l’Agriculture attise la colère des pêcheurs


Hassan Bentaleb
Mardi 13 Septembre 2011

Suspension de la pêche du poulpe : Le ministère de l’Agriculture attise la colère des pêcheurs
La décision du département de la Pêche maritime, relevant du ministère de l'Agriculture, d’interdire, de nouveau, la pêche du poulpe jusqu’au 10 novembre prochain  fait grincer les dents des pêcheurs. Ces derniers estiment que la nouvelle période de repos biologique a été décrétée sans consulter les opérateurs ni prendre en compte la situation actuelle du secteur jugée préoccupante.
«Voilà une nouvelle décision qui risque de porter un coup dur à un secteur sinistré. Le département semble vouloir notre perte», nous a confié Abderrahmane El Boussri, président de l’Association professionnelle de la pêche maritime à Tan Tan.
Pour lui, la mesure  en question a été prise à l’improviste et  sans être  motivée. Ceci d’autant plus que cette décision intervient dans un contexte social et économique difficile pour les pêcheurs fortement impactés par l’augmentation des dépenses dues au mois de Ramadan, à la rentrée scolaire et à l’approche de l’Aïd El Kébir. « Une nouvelle période de repos biologique signifie un arrêt de travail pour plusieurs marins-pêcheurs et armateurs. Le hic, c’est que ces journées de chômage ne sont pas indemnisées», nous a-t-il précisé.
Même son de cloche du côté de Lhassan El Hadouti, marin-pêcheur d’Al Hoceima, qui a estimé que ladite décision est malvenue vu que le ramassage de l’été n’a rien eu de réjouissant au regard de la présence en mer de la région Nord d’un nombre incalculable de méduses.
M. El Hadouiti estime que la suspension de la pêche du poulpe risque d’impacter négativement le pouvoir d’achat des pêcheurs de la région, notamment, ceux restés sans travail.
Les professionnels vont plus loin. Ils s’interrogent sur l’utilité même du repos biologique. « On se demande à quoi sert l’interdiction, si les violations se font de jour et de nuit, au vu et au su de tout le monde ?», se demande Mohamed Benhssine, président d’une coopérative de la pêche artisanale à Oued Lao qui estime que le respect d’une telle mesure se fait uniquement par le secteur de la pêche artisanale alors que les chalutiers de la pêche côtière et hauturière n’hésitent pas à enfreindre les consignes d’interdiction en zones prohibées. «Comment peut-on croire à la volonté du département de combattre la surexploitation alors que les contrôles sont quasi inexistants  et que les sanctions en cas d’infraction sont dérisoires ?», a-t-il martelé. 
Pourtant, tous les professionnels du secteur sont unanimes à considérer que le plan d’aménagement de la pêcherie «poulpière» instauré depuis 2004 qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la stratégie Halieutis a montré ses limites et que ses résultats ont été en deçà des attentes.
Pour eux, ce constat reflète l’échec de la politique menée par le département de la Pêche maritime dans la gestion du secteur. « On a pris l’habitude de voir prendre des décisions à la hâte et selon la bonne humeur des responsables. On sait depuis longtemps que le département manque de visibilité et d’objectifs à long terme. Le risque, c’est que ce genre de gestion menace de ruiner le secteur et d’accélérer son déclin», a estimé M. El Boussri.
Pourtant, quelle que soit la position du département ou des opérateurs, la réalité de la pêcherie «poulpière» est dure à supporter. L’exploitation de cette espèce offre, selon les experts, l’image réelle d’une pêcherie composite où les différents intervenants (congélateurs, chalutiers côtiers et barques) sont en compétition continue à la fois pour l’espèce cible (poulpe), pour les marchés de destination, pour l’espace (zone et rayon d’action) et pour les classes d’âge et ce, en vue d’assurer un meilleur chiffre d’affaires à l’issue de chaque marée.
Les évaluations antérieures de la pêcherie du poulpe ont établi qu’il existait un état de surexploitation biologique et économique dû principalement à la surcapacité de pêche déployée dans nos côtes.
Ces mêmes experts estiment que le repos biologique et les fermetures de la pêche risquent d’entraîner des effets pervers parfois en contradiction avec les objectifs fixés initialement.
Ils pensent que les fermetures de la pêche, tout en permettant de retarder une dépréciation accélérée de la ressource, risquent d’entraîner en parallèle une modification de la stratégie de pêche.
A preuve, les extensions de la durée des périodes de fermeture, opérées par le Maroc depuis 1994 ont donné lieu à des surproductions de poulpe dépassant les capacités de congélation et d’absorption des marchés et, par là, à une dépréciation des prix de vente.


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