Stacey Abrams, super-héroïne des démocrates en Géorgie


Libé
Jeudi 7 Janvier 2021

Stacey Abrams, super-héroïne des démocrates en Géorgie
De Joe Biden aux candidats pour le Sénat, un même nom revient derrière les victoires démocrates en Géorgie: celui de Stacey Abrams, ex-parlementaire afro-américaine qui œuvre depuis une décennie pour mobiliser les électeurs issus des minorités de cet Etat longtemps conservateur, encore marqué par les plaies de la ségrégation. Les hommages progressistes, souvent hyperboliques, affluaient de toutes parts mercredi matin. Et résonnaient bien au-delà de la sphère politique. “Stacey Abrams est une déesse”, a tweeté en lettres capitales la chanteuse Cher. Elle est “une vraie super-héroïne”, a renchéri l’acteur Mark Ruffalo. “Quand est-ce qu’on lui érige une statue?”, s’enthousiasmait la footballeuse américaine Megan Rapinoe. Derrière ces accolades: la victoire des démocrates Raphael Warnock, qui deviendra le premier sénateur noir jamais élu en Géorgie, et celle revendiquée par Jon Ossoff, qui pourrait le suivre au Sénat américain.

Avec ces deux sièges, les démocrates pourraient reprendre le contrôle de la Chambre haute, et ainsi, donner au futur président Joe Biden tous les leviers du pouvoir. Félicitant les deux candidats démocrates pour leurs “victoires historiques”, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a livré un hommage appuyé “à toutes les organisations de terrain et bénévoles: cette victoire, c’est vous qui l’avait permise”. Derrière ces mots apparaissait au premier plan Stacey Abrams, fondatrice en 2019 de l’organisation FairFight, œuvrant pour permettre des élections “libres et justes”, après “The New Georgia Project”, qui avait permis l’inscription sur les listes électorales de dizaines de milliers d’habitants de la Géorgie. Son travail de terrain pour mobiliser les électeurs noirs et issus de minorités, en alliance avec d’autres organisations comme “Black Voters Matter”, a eu un impact clé sur la courte victoire en novembre de Joe Biden en Géorgie. Une première pour un candidat démocrate depuis 1992. “Il s’agit d’une coalition multiraciale, multiethnique et intergénérationnelle”, confiait-elle récemment au New York Times.

Diplômée en droit de la prestigieuse Université de Yale, ex-avocate fiscaliste, Stacey Abrams, 47 ans, a siégé à l’Assemblée de Géorgie pendant dix ans. Elle avait dirigé la minorité démocrate entre 2011 et 2017, première femme à y mener un groupe parlementaire et première personne afro-américaine à la tête d’un groupe parlementaire à la Chambre basse de cet Etat. Stacey Abrams avait brigué en 2018 le poste de gouverneur de la Géorgie, devenant la première femme noire candidate aux EtatsUnis à une telle fonction. Dix jours après le scrutin très disputé, elle avait reconnu que son rival républicain Brian Kemp, qui venait à peine de quitter son poste de responsable des élections en Géorgie, prendrait les rênes de cet Etat du Sud, longtemps conservateur. Mais non sans dénoncer les restrictions entravant selon elle le vote des minorités: des heures de files d’attente dans les quartiers afro-américains et des milliers d’inscriptions sur les listes en souffrance. Un discours passionné qui l’avait propulsée sur la scène nationale. “Je devrais être stoïque dans mon indignation et silencieuse dans mon rejet. Mais le stoïcisme est un luxe et le silence est une arme pour ceux qui veulent faire taire la voix du peuple”, avait-elle lancé.

Ironie, Donald Trump avait été saisi par sa “belle et dure” campagne, lui prédisant un “bel avenir politique”. Deux ans plus tard, elle a joué un rôle crucial dans la défaite du milliardaire républicain, en aidant son rival à remporter la Géorgie. Stacey Abrams avait été pressentie pour se lancer dans la présidentielle de 2020. Mais elle avait passé son tour. Puis elle avait figuré l’été dernier dans les pronostics pour devenir colistière de Joe Biden. En faisant campagne sans ambages pour sa candidature, qui ferait selon elle un “excellent” choix. C’est finalement Kamala Harris qui deviendra le 20 janvier la première vice-présidente noire des Etats-Unis. Face aux voix qui l’avaient trouvée trop directe, cette femme née en décembre 1973 dans le Wisconsin mais qui a grandi dans un autre Etat du Sud, le Mississippi, avait déclaré vouloir simplement “tenter de dire la vérité.”

“En tant que jeune femme noire qui a grandi dans le Mississippi, j’ai appris que si on ne lève pas la main, les gens ne nous voient pas”, avait-elle réagi sur CNN en avril dernier. “Mais il ne s’agit pas d’attirer l’attention pour être la colistière, il s’agit de m’assurer qu’on ne remet pas mes qualifications en doute parce que ce n’est pas juste à moi que l’on parle, on parle aux jeunes femmes noires, aux jeunes femmes de couleur, aux jeunes gens de couleur qui se demandent si eux aussi peuvent être vus.”


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