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C'est un merveilleux spectacle cinématographique à voir "sans modération" comme un spectateur du samedi soir. Danny Boyle nous propose en effet un patchwork où l'émotion est au rendez-vous à chaque scène, voire à chaque plan. Le film fait ainsi un tabac, récolte les prix et caracole à la tête du box office. Danny Boyle est un cinéaste éclectique; il a aligné jusqu'ici une filmographie qui alterne des œuvres fortes qui ont marqué les cinéphiles, je pense en particulier à “Trainspotting” ou encore des produits qui surfent sur les codes dominants pour offrir un film standard comme “La plage”. Mais c'est toujours un cinéma percutant où chaque plan fait mouche…cet éclectisme nous semble être sa marque, sa touche d'écriture puisque dans “Slumdog millionnaire” nous retrouvons un éclectisme esthétique qui passe par des références au néoréalisme dans toute la partie en flashback sur l'enfance de Jamal; des séquences mélodramatiques qui empruntent au cinéma indien et des moments d'action avec suspense, poursuite, règlement de compte et gangstérisme. Mais cette construction protéiforme aboutit in fine à un film spectaculaire certes mais où le cinéma joue pleinement le pari de l'émotion. Une émotion qui rejoint un horizon d'attente chez le spectateur d'aujourd'hui marqué par la crise du capitalisme. Les spectateurs d'aujourd'hui s'y retrouvent donc à travers la fabuleuse histoire de Jamal, cet anonyme qui sort des bas fonds pour gagner des millions mais à travers aussi des signes de notre temps: l'emprise de l'argent, le cynisme des médias, la permanence de l'amour. Cette dimension enferme peut-être le film dans un certain manichéisme où le bien finit par triompher…ce qui n'est pas toujours le cas dans la vie de tous les jours. Mais s'il y a de la réalité dans le cinéma, le cinéma n'est pas la réalité.
Mais de quoi s'agit-il? C'est l'histoire de Jamal, jeune serveur de café dans Mumbay; le hasard l'amène à participer à la fameuse émission "Qui veut gagner des millions". Contre toute attente, et malgré les magouilles d'un animateur cynique, Jamal parvient à répondre à toutes les questions; au seuil de l'ultime question qui va lui permettre de toucher une super cagnotte, la police vient l'enlever l'accusant de tricherie. Pour l'establishment médiatique, il est impossible qu'un jeune issu des couches populaires, qui n'appartient pas "aux héritiers" au sens que lui donne Bourdieu, c'est-à-dire n'ayant pas acquis le capital culturel transmissible entre les couches dominantes, gagne au concours. Cet enlèvement de Jamal et son arrestation par la police vont déterminer le dispositif narratif du récit filmique. Acculé par les questions et la torture du policier, Jamal va nous livrer son secret que le film va décliner par une série de flashbacks: l'officier va alors jouer de relais du spectateur en relançant à chaque fois l'interrogatoire devenu moteur du récit pour, petit à petit, adhérer à l'image de l'identification et de l'empathie nées chez le spectateur, à la thèse ahurissante dans sa simplicité et sa sincérité que développe Jamal.
Chaque séquence de l'émission correspond à un épisode de la vie d'un jeune pauvre de la banlieue. Chaque question posée par l'animateur réveille chez lui un souvenir de sa jeune et tumultueuse vie. Prétexte enfin pour le film d'offrir une radioscopie des maux de l'urbanisme, des mœurs médiatiques et du désir de vie qui anime la jeunesse…
Un message reçu cinq sur cinq grâce à une esthétique captivante : montage alerte et vif : la séquence d'ouverture est dans ce sens emblématique du programme esthétique du film: montage parallèle, plans serrés et rapides, caméra mobile…mais aussi grâce à un cast époustouflant avec Dev Patel dans le rôle de Jamal et la gracieuse Freida Pinto dans le rôle de Latika. A voir absolument sur…grand écran.