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Ce quinquagénaire de Strasbourg (est de la France) a déjà plongé en Polynésie par une nuit de pleine lune au milieu de 18.000 mérous, mais il révèle aux spectateurs de ses films que l'aventure et la beauté se trouvent tout autant au coin de la rue, comme au fond des anciennes carrières à graviers envahies par les eaux.
L'Alsace, frontalière de l'Allemagne et de la Suisse, est la région de France qui en compte le plus. Et loin de l'idée reçue selon laquelle les gravières seraient des trous stériles, le scientifique souligne qu'"une faune et une flore aquatiques de qualité exceptionnelle s'y développent, à condition qu'on les laisse tranquilles".
L'été dernier, il a passé une nuit entière dans la gravière de Plobsheim, au sud de Strasbourg: huit heures et demie sous l'eau, en remontant une seule fois à la surface. Une expérience extrême - à même de donner le frisson à tous ceux qui craindraient un tête-à-tête nocturne avec un silure - dont il a tiré le documentaire "Une nuit sous l'eau".
Sa passion puise sa source dans les parties de pêche à la truite où il accompagnait, enfant, son père ouvrier. Mais l'envie le prit très vite de quitter la berge pour aller voir sous l'eau. Il se mit à la plongée, une discipline bien peu commune à l'époque en Alsace. A 55 ans il est aujourd'hui maître de conférence à l'Université de Strasbourg et concilie recherche scientifique et vulgarisation en réalisant des films sur ses plongées.
"On peut faire de la science en restant dans son laboratoire et en publiant dans des revues en anglais, mais on ne touche pas le grand public", explique ce touche-à-tout qui se définit comme "un homme de terrain", rapporte l’AFP. Ses yeux brillent quand il évoque les bryozoaires, de petits animaux fixes vivant en colonies, observés au fond d'une gravière.
Contre les carpodromes
En matière de documentaire, son coup d'essai fut un coup de maître: il voulait présenter ce film dans la catégorie "amateurs" du Festival de l'image sous-marine d'Antibes (sud-est de la France) et en est finalement reparti avec la Palme d'or en 2007. Depuis, Serge Dumont s'est professionnalisé.
Ce vendredi d'hiver, sa silhouette mince bardée de 80 kg de matériel s'apprête à plonger dans la gravière d'Holtzheim, près de l'aéroport de Strasbourg. Une fois dans l'eau, il retrouve pourtant toute sa légèreté. La caméra flotte devant lui, il la pousse sans la tenir. Avec son système de recycleur d'air qui n'émet pas de bulles, il se fond dans le milieu sans le troubler.
"Il a la patience du pêcheur et la patience du cinéaste, il est capable de faire 10-15 heures de plongée pour arriver à filmer précisément la séquence qu'il recherche, un brochet immobile sous la glace, une grèbe huppée en train de chasser", admire le Dr Bernard Schittly, médecin spécialiste de la décompression qui l'a assisté lors de sa nuit sous l'eau.
"Parler de la biodiversité, c'est bien, mais la montrer, c'est encore mieux. Je me suis pris au jeu de montrer des images, j'ai essayé de donner un peu de poésie à tout cela", explique Serge Dumont.
Ces images à l'esthétique très léchée ne sont pas gratuites. Il s'agit notamment de faire comprendre aux communes que transformer les gravières en "carpodromes" aux innombrables carpes abondamment nourries conduit à une catastrophe écologique: toute autre forme de vie s'en trouve détruite.
"Il faut communiquer, informer, éduquer, ce n'est pas sciemment que tout est bousillé", insiste Serge Dumont, qui donne de nombreuses conférences sur ce thème.
Malgré son évidente sensibilité écologiste, le chercheur reste indépendant de toute organisation, ce qui permet à son discours de mieux toucher les pêcheurs.
Parmi ses succès figure la rédaction d'une charte du plongeur responsable en eau douce, aujourd'hui diffusée dans tous les clubs de plongée de France.