Sahara marocain, Algérie, Grand Maghreb et Al Qaïda


Par Dr. Hassan FAOUZI *
Jeudi 25 Novembre 2010

Le Maghreb est en panne, alors que les pays de cette région poursuivent leur quête solitaire de partenariats bilatéraux "stratégiques", et d'appuis extérieurs à leurs politiques internes et étrangères. La question du Sahara marocain, qui structure dans une large mesure les politiques maghrébines du Maroc et de l'Algérie, connaît un statu quo en dépit du Plan d'autonomie marocain présenté en avril 2007 au Conseil de sécurité de l'ONU.  
La situation sécuritaire, malgré une sensible amélioration en Algérie, semble à nouveau se dégrader depuis 2007 et préoccuper de plus en plus l'ensemble des Etats du Maghreb, menacés par un terrorisme qui porte désormais le label d'Al Qaïda. Mais alors que cette menace aurait pu constituer un élément fédérateur de la coopération intra-maghrébine, on assiste au contraire à l'instauration d'un climat de méfiance, se traduisant par une course aux armements aussi coûteuse que dangereuse (A. Baghzouz 2007).  
De tout temps accaparé par les élites politiques dirigeantes, le projet d'édification de l'Union du Grand Maghreb peine à sortir de sa longue inertie.
Aujourd'hui, seize ans plus tard, les dirigeants maghrébins n'arrivent pas à se mettre autour d'une même table pour débattre de l'avenir de leur région dans le contexte d'une mondialisation qui ne laisse pourtant pas beaucoup de place aux Etats-nations (A. Baghzouz 2007) ni aux mini-Etats.  Les véritables causes de cet immobilisme sont à rechercher dans la nature même des régimes maghrébins qui, imbus d'un nationalisme étriqué (A. Baghzouz 2007), se sont dotés d'une organisation institutionnelle trop raide, mais la cause la plus visible en est le différend maroco-algérien sur le Sahara marocain.  
L'approche " top-down " de l'intégration maghrébine n'a par ailleurs pas permis l'épanouissement d'une société civile maghrébine qui s'emparerait du projet unitaire et qui pourrait participer à la recherche d'une solution pacifique au conflit maroco-algérien sur le Sahara marocain. L'instrumentation étatique du mouvement associatif dans les pays maghrébins n'est pas pour faciliter l'émergence d'une société civile à l'échelle régionale (A. Baghzouz 2007).  
L'absence d'un moteur de l'intégration maghrébine, à l'instar du couple franco-allemand qui a été un facteur capital dans la construction européenne, se fait sérieusement sentir au moment où les deux Etats maghrébins les plus à même d'endosser ce rôle, le Maroc et l'Algérie, se trouvent dans une situation de rivalité sans cesse aiguisée par le conflit du Sahara marocain.  
Ces deux " faux frères " qui nourrissent des ambitions de plus en plus grandes de leadership du Maghreb, en se disputant le soutien des grandes puissances, ne peuvent avoir que des relations antagoniques.  La " guerre froide " entre le Maroc et l'Algérie prend parfois la forme de guerre de déclarations, où les accusations réciproques et le désir de discréditer le voisin au regard de la communauté internationale sont récurrents.
Mais ce qui est épidémique, c'est l'ingérence algérienne dans les affaires intérieures marocaines et ses plans machiavéliques pour déstabiliser le Maroc, paralysant ainsi la construction maghrébine. L'Algérie ne se contente pas de réaffirmer son soutien aux séparatistes en ces temps de grâce financière, mais s'applique à faire échec au Plan d'autonomie proposé par le Maroc, entravant ainsi le recouvrement de l'intégrité territoriale du Royaume (A. Baghzouz 2007).  
Cependant, force est de constater qu'aux yeux de la société algérienne et des autres sociétés maghrébines et arabes en général, qui aspirent à la paix et au développement, l'ingérence algérienne est incomprise et sa politique est désormais de plus en plus disqualifiée.  
C'est donc sur fond de tension continue sur le flanc occidental du Maghreb, que toute la région doit faire face à de nombreux défis sécuritaires. Mais les pays maghrébins, fortement divisés, au lieu de joindre leurs efforts pour une gestion efficace des phénomènes sécuritaires transnationaux (terrorisme, drogue, criminalité organisée…), en sont encore à privilégier une approche nationale de ces menaces.
Pire, du fait de leurs politiques de fuite en avant, et du climat de méfiance qui règne entre eux, ils favorisent la prolifération des risques, dont la course aux armements n'est pas le moindre (A. Baghzouz 2007).  
Dans une interview au journal espagnol "El Pais", publiée le 13 mars 2007, le président algérien a tenté de rassurer l'opinion en affirmant que " l'affaire du Sahara ne peut en aucun cas constituer un casus belli entre l'Algérie et le Maroc ". Mais, alors, que signifient les gros contrats d'armement conclus par ce pays à la faveur de l'embellie financière ? La modernisation de l'armée ? Ou la préparation d'une guerre ? Par-delà un affrontement direct algéro-marocain très peu probable (A. Baghzouz 2007).  L'Algerie qui ne cesse de renforcer son arsenal de guerre, au détriment des budgets sociaux et de développement, a mené en avril 2007, des négociations avec Moscou pour l'acquisition, pour 7 milliards de dollars, d'autres matériels militaires, notamment une frégate porte-hélicoptères, des navires et des avions de chasse. Il s'agirait, selon Dimitri Vassiliev, expert du centre moscovite d'analyses des stratégies et des technologies, du " plus grand contrat militaire conclu par la Russie postsoviétique ".  
Pour autant, Washington, Paris et Madrid, qui soutiennent les thèses marocaines, demeurent vigilantes dans leurs rapports avec leurs partenaires maghrébins au nom du principe de l'équilibre stratégique dans la région.
Tout en flattant ces Etats susceptibles de leur acheter des armes, ils craignent que le suréquipement d'un pays, si riche soit-il, au détriment des autres, contribue à briser cet équilibre indispensable à la sauvegarde de leurs intérêts (A. Baghzouz 2007).  
Le Maroc, quant à lui tente de se rattraper sur la qualité en misant sur le nec plus ultra en matière d'aviation de guerre. Quand on sait que les fournisseurs traditionnels du Maroc sont, outre la France, les Etats-Unis et l'Espagne, il y a lieu (pour l'Algerie) de craindre la performance des armes livrées par ces puissances.  
Chaque Etat qui renforce son potentiel militaire déclenche un sentiment d'insécurité chez le voisin qui, à son tour, amplifie son arsenal " défensif ", et ainsi de suite. Un vrai cercle vicieux aussi coûteux que dangereux pour la paix.
Jean-Jacque Rousseau n'avait-il pas alerté que " toutes les horreurs de la guerre proviennent des soins qu'on avait pris pour les prévenir " ?  Dans un pareil climat, comment peut-on parler de l'édification du Grand Maghreb ? A défaut d'une union maghrébine des peuples, on est en train d'assister à la naissance du " Grand Maghreb du terrorisme ". Puisant sa vitalité dans la misère, l'exclusion et le désespoir d'une jeunesse marginalisée par les gérontocraties maghrébines, le phénomène terroriste, par nature transnational, se développe dans toute la région. Prospérant au plan maghrébin dans le terreau fertile du sous-développement et de la corruption.
Une nouvelle topographie du terrorisme est ainsi en train de voir le jour au Maghreb. Ce " Maghreb du terrorisme " est une réalité et en même temps un défi aux Etats encore désunis de la région (A. Baghzouz 2007).  Al Qaïda au Maghreb profite des conflits artificiels engendrés par Alger et le Polisario pour sous-traiter ses activités terroristes dans la région du Sahara entre l'Algérie, la Mauritanie et le Mali.
C'est établi, le séparatisme et le terrorisme vont de pair. Ils finissent toujours par se joindre, s'accoupler et agir en totale complicité, les exemples ne manquent pas.
En Afrique du Nord, cette liaison dangereuse s'est faite sous l'étendard du terrorisme islamiste avec l'assistance logistique des séparatistes du Polisario, structurés en bandes armées et pompant un supplément de ressources dans le trafic en tout genre.
Le triangle frontalier ou le triangle de la mort entre la Mauritanie, l'Algérie et le Mali s'est transformé en un vaste no man's land où se conçoivent et s'opèrent les actions terroristes, sous couvert intégristes et avec la participation du Front Polisario. L'arrivée dans ses rangs d'une nouvelle génération de militants imbibés d'intégrisme, le Polisario est en train de chavirer vers l'islamisme radical et le terrorisme.
Au moment où certaines sources préviennent d'un possible embrasement terroriste au Maghreb, l'Algérie des généraux et de la vieille garde va-t-elle continuer de tourner le dos au Maroc et continuer à soutenir les thèses du morcellement du Mahgreb ?
Je reprends un proverbe québécois qui dit "qui a un toit de verre ne lance pas de pierres chez son voisin"; le cas de la Kabylie au nord et les Touaregs au sud: le gouvernement algérien en sait quelque chose.  Je ne trouverai pas mieux pour finir que les propos de l'ex-ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner qui disait à propos du différend historique qui oppose son pays à l'Algérie : "La génération de l'indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple". Certes, il y a cette vieille génération, mais il y a aussi la nouvelle génération qui prône l'ouverture, le dialogue et l'union avec le Maroc et qui s'oppose à la création d'un Etat fantôme.  

* Chercheur en Géo-physique, Environnement, Aménagement de l'Espace et Paysages.
Nancy, France. 


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1.Posté par Bouatlaoui Otman le 26/11/2010 06:27
Je pense que les Marocains,doivent cesser de rêver, du grand Maghreb, oublions cette histoire, c'est presque humiliant d'être toujours à la demande d'ouverture des frontières pour vendre nos tomates, cela n'a aucune valeur ajoutée, sauf pour les industriels et investisseurs étrangers qui veulent occuper les marchés, mais pour nos intérêts géo stratégiques, devenons l'inde, ou le Brésille, devant un pays avec des technologies de pointe, vendons des logiciels, formons des élites dans toutes les spécialités , cela n'a pas besoin de frontières ni de routes. Dirigeons notre regard vers le sud, vers le nord, vers le nouveau monde les deux Amériques. Nos frontières sont restées des siècles fermées avec l'Algérie aux temps des turcs. Mettons nous dans la position d'une île isolée la Nouvelle Zélande, le Japan, les Maldives, soyons plus créatifs, les nouvelles routes sont informatisées.

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