Document coûteux, validité limitée et portée internationale modeste: Cher, trop cher passeport


Mehdi Ouassat
Vendredi 10 Janvier 2025

Document coûteux, validité limitée et portée internationale modeste: Cher, trop cher passeport
Le passeport est bien plus qu'un simple document administratif. Il est le sésame qui ouvre les portes du monde à ses détenteurs, le symbole de leur liberté de mouvement et un reflet de la place qu'occupe leur pays sur l'échiquier international. Au Maroc, malgré des avancées notables en termes de puissance régionale, ce document semble raconter une histoire bien différente : celle d’un privilège coûteux, d’une validité limitée et d’une portée internationale modeste.

Dans le dernier classement publié par Henley & Partners, le passeport marocain se hisse à la 69ᵉ place mondiale, permettant à ses détenteurs de voyager sans visa préalable vers 73 pays. Cette progression est loin d’être négligeable, surtout lorsqu’on se rappelle qu’il était classé 71ᵉ en 2023 et 80ᵉ en 2022. A l’échelle maghrébine, le Maroc domine le classement, surpassant la Tunisie (73ᵉ), la Mauritanie (84ᵉ), l’Algérie (86ᵉ) et la Libye (100ᵉ). Cependant, cette avance régionale cache une réalité plus amère. Comparé à d’autres passeports africains, comme celui des Seychelles (151 destinations sans visa) ou de l’Île Maurice (146 destinations), le passeport marocain reste limité. Plus encore, il ne fait pas le poids face à plusieurs pays européens ou asiatiques, où les détenteurs de passeports peuvent voyager librement vers plus de 180 pays. Au-delà du classement, ce constat soulève une question fondamentale : le prix élevé de ce document de voyage marocain est-il justifié par les avantages qu’il procure ?

Fixé à 500 dirhams, le prix du passeport marocain représente une charge significative pour les citoyens, notamment pour les foyers à revenu modeste. Ce tarif est d’autant plus difficile à accepter que la validité du document est limitée à cinq ans. Avec ses 40 pages seulement, le passeport marocain contraint également les grands voyageurs à renouveler leur document plus fréquemment, augmentant ainsi les coûts. Cette combinaison le place dans une position défavorable par rapport à d’autres pays, notamment africains, qui offrent des passeports plus accessibles et qui durent plus.

Prenons l’exemple du Ghana, où un passeport de 10 ans ne coûte que 180 dirhams. Le Kenya aussi propose un document de 66 pages valable pour une décennie, tandis que l’Eswatini délivre un passeport de 64 pages pour 380 dirhams. Les Seychelles, détenteurs du passeport le plus puissant d’Afrique, ne facturent que 500 dirhams pour un passeport de 10 ans, un tarif similaire à celui du Maroc mais pour une durée deux fois plus longue (cf encadré).

Ce qui rend la situation marocaine encore plus opaque, c’est le flou entourant le coût réel de ce document de voyage. En effet, le coût de fabrication d'un passeport biométrique ne dépasserait pas la moitié de ce que l’Etat demande à un particulier pour l’avoir. S’il existe plusieurs zones d’ombre qui entourent cet écart de prix, il n’a pas été possible d’obtenir une décomposition du coût complet du passeport biométrique par grands postes de dépense. Le ministère de l’Intérieur qui gère les demandes des passeports biométriques n’a jamais fourni d’information sur ce sujet. D’où un sentiment de flou permanent. Selon une source qui a sollicité l’anonymat, «le niveau de sécurité des passeports biométriques, les composants électroniques qui y sont intégrés, en plus de l'équipement nécessaire pour les services chargés de les délivrer expliquent la hausse de leurs prix». La même source justifie également le coût élevé du passeport marocain par la rapidité de sa délivrance. Mais il faut dire que certains pays font de l’express pour bien moins que les 500 dirhams demandés aux Marocains. L’Ouganda par exemple produit en 48h des passeports express d’une durée de 10 ans pour l’équivalent de 800 dirhams. En Zambie, le passeport express coûte 330 dirhams et couvre 70 pays. Le Rwanda, pour sa part, produit son passeport de 10 ans en 4 jours avec moins de 900 dirhams.

Face à ces constats, une question s’impose : comment un pays de la stature du Maroc, avec des ambitions régionales affirmées, peut-il rendre son passeport plus accessible et compétitif ? Plusieurs pistes de réforme méritent d’être explorées. Tout d’abord, allonger la durée de validité à dix ans permettrait de réduire la fréquence des renouvellements. Ensuite, augmenter le nombre de pages du passeport — au moins à 64 pages — répondrait mieux aux besoins des voyageurs réguliers, notamment les commerçants, les professionnels ou les expatriés.

En parallèle, une plus grande transparence sur les coûts de fabrication est essentielle. Les citoyens marocains ont le droit de savoir comment leur argent est utilisé, surtout lorsqu’il s’agit d’un document essentiel. Enfin, une réduction du prix, en ligne avec les standards africains et internationaux, enverrait un signal fort d’équité et de respect envers les contribuables. Le passeport n’est pas un luxe, mais une nécessité. Sa tarification devrait refléter une vision inclusive, accessible à toutes les couches de la société. D’autant plus s’il est classé à la 69ème  position des passeports les plus puissants et ne permet l’accès qu’à 73 pays sans visa ou avec visa à l’arrivée.

Mehdi Ouassat

Autres exemples édifiants

En Ile Maurice qui dispose du 2ème passeport le plus puissant du continent, donnant accès à 146 pays, ce document de voyage ne coûte que 190 dirhams. Le Botswana, 5ème pays africain dans l’indice de développement humain 2019 du PNUD, délivre des passeports à seulement 260 dirhams. Les Tunisiens et les Sud-Africains, eux, ont droit à un passeport avec une durée de validité de 10 ans pour moins de 300 dirhams. Quant aux Egyptiens, ils délivrent un passeport de 7 ans à 250 dirhams. La Namibie, l’Ethiopie, la Zambie, la Tanzanie et le Lesotho, quant à eux, demandent moins de 160 dirhams pour un passeport de 10 ans.


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