Les Marocains ne sont-ils pas si actifs pour consommer 177 milliards de centimes en aphrodisiaques afin de se mettre au diapason ? A en croire ce chiffre de la consommation annuelle de différents types de stimulants en vogue, le budget alloué à l’achat de ces médicaments de confort est beaucoup plus important que ceux alloués aux différents départements ministériels, à savoir la santé, l’enseignement et l’emploi. Une somme considérable qui équivaut aux budgets des grands chantiers nationaux, tel Tanger-Med. Les dernières statistiques de certains laboratoires spécialisés en la fabrication de ce stimulant tant consommé sont inquiétantes. «La consommation en aphrodisiaques a augmenté de 19% durant le deuxième semestre de l’année 2010, pour atteindre 1,5 million de boîtes de stimulants masculins et 564.710 boîtes d’aphrodisiaques féminins. Et ce, contre 1.260.500 boîtes de stimulants masculins et 441.180 boîtes de stimulants féminins consommées durant le premier semestre de la même année. Cela dit, la consommation annuelle en boîtes a atteint les 2.760.500 aphrodisiaques masculins et 1.005.890 aphrodisiaques féminins», nous a confirmé une source proche de l’un des neuf laboratoires marocains qui produisent ce type de médicaments. Ces derniers ne fabriquent que trois marques dont les prix sont à la portée de tous. Les tarifs varient de 200 à 575 DH la boîte pour les produits masculins et de 420 à 930 DH la boite pour les aphrodisiaques féminins. Ainsi, le chiffre d’affaires annuel de ce commerce en vogue depuis quelques années au Maroc est estimé à 1.774.402.700 DH. Ce qui représente pratiquement le double de la consommation de l’année précédente. Notons, par ailleurs, que la consommation féminine en aphrodisiaques a augmenté de 28% durant le deuxième semestre de l’année dernière pour s’élever annuellement à 684.005.200 DH contre 1.090.397.500 DH consommés par les hommes. Ce qui montre que les Marocaines s’intéressent, elles aussi, davantage à la sexualité. Des magazines spécialisés encouragent ce type de commerce en offrant leurs pages publicitaires aux différentes marques commercialisées sur le marché marocain. Une grande campagne de communication pour inciter les gens à la consommation de ces médicaments, vendus sans ordonnance en infraction avec la loi en vigueur, est ouvertement lancée depuis plusieurs mois. Des SMS aux mailings, les responsables de la communication autour des aphrodisiaques choisissent bien leur cible. Sélectionnés selon leur appartenance aux catégories sociales capables de s’approvisionner en ce type de pillules et selon leur âge, ils reçoivent chaque soir des SMS montrant l’importance de ce produit pour le bonheur conjugal et la stabilité des couples. Ils proposent même des promotions pour créer le besoin chez leur cible.
Rida ADDAM
Suite page 3
Rappelons que les médecins jugent mal ce comportement illégal. Pour les quelques spécialistes contactés par Libé, il s’agit bien d’un business très juteux car les pubs jouent sur des facteurs incitatifs des deux sexes pour créer le besoin de consommation. Mais il faut savoir que «les aphrodisiaques provoquent des effets indésirables chez le consommateur. Souvent le cœur et les reins sont attaqués suite à la consommation sans avis médical… Il est donc déconseillé de consommer ce type de médicaments sans l’avis des médecins, notamment chez les gens qui n’ont pas de problèmes spécifiques», précisent-ils.
Notons par ailleurs que le budget colossal consacré à la consommation d’aphrodisiaques durant l’année précédente ne représente que les ventes effectuées dans des points autorisés, souvent des pharmacies et des parapharmacies. Le marché de la contrebande pèse, quant à lui, selon des sources douanières, 300 millions de DH. Les saisies réalisées par ce département dépassent les 100 millions de DH. Ce qui montre encore une fois que même les catégories sociales aux petits et moyens revenus ont leurs habitudes chez les détaillants de quartiers qui offrent ces produits parmi leur gamme de psychotropes et d’extasie. Un marché qui accompagne également la gamme diversifiée de produits naturels qu’offrent les herboristes dans tous les quartiers du pays. Le fameux marchant ambulant de «Khoudanjal», ce thé dopé de supposés aphrodisiaques naturels, que l’on trouve devant toutes les mosquées du pays. A chacun sa manière de doper ses sens pour espérer être au diapason. Surtout quand on lie le bonheur conjugal aux rapports sexuels réussis. Comment? La réponse à cette question se trouve dans les SMS de la pub mensongère que reçoivent les gens chaque soir et dans les centaines d’e-mails que l’on subit chaque jour.