Relents de fascisme


Par Karim Ayad
Mercredi 8 Mai 2013

Relents de fascisme
Le très vénérable Conseil des oulémas du Royaume (CSO) vient d’émettre ce mois-ci une fatwa digne des plus grands takfiristes. Rien de moins que la condamnation officielle à mort pour tout Marocain qui renierait la foi musulmane. La peine de mort qui fait débat et qui n’est plus mise à exécution depuis de nombreuses années, ressurgit curieusement chez le CSO comme châtiment religieux suprême.
Si la Constitution garantit dans son article 25 « la liberté d’expression, de pensée et d’opinion » à tout citoyen marocain, ledit Conseil a l’intention de tuer pour délit d’opinion rejoignant ainsi les cheikhs salafistes, les talibans, l’Inquisition espagnole, l’Etat d’Israël et les Omeyyades sur la liste des entités ayant institutionnalisé l’assassinat au nom de Dieu et légitimé le meurtre religieux pour crime de foi.
Il s’agit là ni plus ni moins de terrorisme de pensée.
Preuve en est que l’un des plus fervents intellectuels de la scène marocaine à dénoncer systématiquement les élucubrations théologiques des islamistes égarés, le Pr Ahmed Assid, subit une attaque sans précédent de la part des Fizazi, Kettani et autres illuminés autoproclamés exécutants de la volonté divine sur terre.
Celui qui dénonce aussi bien la décision précitée du CSO que toutes les importations hypocrites, qui se font par certains prêcheurs et prétendus penseurs, de la foi musulmane sous des formes étrangères à la société marocaine, se voit qualifier par certains d’«ennemi d’Allah» et de «criminel» par d’autres. Bientôt, c’est le bûcher qu’ils lui dresseront !
Ce mois d’avril est définitivement fasciste au Maroc. Un fascisme institutionnel, d’abord, prôné par le CSO et qui encourage par son irresponsabilité flagrante un autre fascisme beaucoup plus insidieux, plus vil et plus individuel : celui des cheikhs de la salafiya et du courant takfiriste sous-jacent qui ne tarderont pas – au rythme où vont les choses- à exécuter froidement tout intellectuel virevoltant qui oserait jeter un pavé dans la mare saumâtre des islameux.
Nous aurons alors droit à notre propre tragédie «Choukri Belaid» en version marocaine.
Le Conseil des oulémas a des chats beaucoup plus gros et autrement plus corrompus à fouetter que ceux consistants dans les relations particulières qu’un citoyen lambda  peut ou ne peut pas entretenir avec Dieu. Les indices économiques dégringolent, la misère menace, l’ignorance gronde, la criminalité sévit, la jeunesse perd ses frêles repères et le monde bouillonne.
Aujourd’hui plus que jamais, notre pays a besoin des voix de toutes ses composantes, de garantir leurs droits constitutionnels d’expression et de pensée à tous ses citoyens, en général, et à ses intellectuels en particulier. Il lui faut recadrer les débats sur les vrais problèmes qui minent le développement socioéconomique et si la communication à une large échelle entre les diverses institutions représentant le citoyen est impérative, elle l’est tout autant que la condamnation stricte et totale de toute forme de violence (verbale ou physique) pouvant entraver ce dialogue.
Enfin, les exemples actuels de l’Irak, d’Afghanistan, de Tunisie et d’Egypte nous amènent à cette conclusion amère : quand l’Américain clame que Dieu est de son côté, son pays s’apprête à gagner des milliards de dollars et à faire couler du sang «ennemi».
Quand c’est l’islamiste  qui clame que Dieu est de son côté, c’est le sang de ses compatriotes qui s’apprête à couler et les caisses de son Etat, à se vider !


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