Reconstruction. En avant toute !

Tirer profit de l’expérience d’Agadir et de celles entreprises à travers le monde


Hassan Bentaleb
Mardi 26 Septembre 2023

Reconstruction. En avant toute !
Après les phases secours d’urgence et hébergement et aide aux sinistrés, le Maroc entame  aujourd’hui -comme dans toute gestion de catastrophe-,  la troisième phase, à savoir celle de la  reconstruction et du retour à la normale. Il s’agit de l’étape la plus longue (et la moins médiatisée), qui  pose des problèmes de stratégie et d’urbanisme importants.
 
Forte expérience

Pour certains experts, le Maroc a déjà une expérience en matière de reconstruction avec l’exemple de la ville d’Agadir suite au tremblement de terre du 29 février 1960. Pour eux, cette expérience constitue un exemple de référence de reconstruction résiliente. « Avec une ville détruite à 75% et de très nombreuses victimes, cette catastrophe majeure a entraîné le développement de mécanismes juridiques, financiers, fonciers et de planification urbaine ad hoc pour une reconstruction rapide, résiliente et durable. Une administration autonome, le Haut-commissariat à la reconstruction d’Agadir, fut spécialement établie et un Fonds spécial pour la reconstruction d’Agadir créé, ainsi qu’un impôt de solidarité nationale destiné à l’alimenter », rapporte un document de l’OCDE. Et de préciser : « En deux ans, des plans d’urbanisme d’ensemble et de détails, ainsi qu’un plan d’aménagement pour l’établissement d’une nouvelle implantation pour la ville ont été développés sur la base d’étude de risque, et des mécanismes d’expropriation et d’indemnisation ont permis de mobiliser le foncier nécessaire. La nouvelle ville d’Agadir a ainsi été bâtie en appliquant les meilleurs standards de construction parasismique de l’époque, qui ont donné lieu à l’établissement de la norme d’Agadir. Si les modalités d’intervention des pouvoirs publics ont largement évolué depuis lors, cet exemple peut être conservé comme une source d’inspiration pour le relèvement et la reconstruction résiliente au Maroc ».
Coordination, objectifs réalisables et intégration des questions transversales la recette à suivre
 Agence de coordination

Pour d’autres experts, les contextes ont bien changé et le Maroc des années 1960 n’est pas celui des années 2000. Dans ce sens, nombreux sont ceux qui estiment que le pays doit tirer les leçons des expériences post-sismiques d’autres pays comme l’Indonésie, l’Italie et la Turquie, entre autres. D’après ces expériences, une meilleure planification des programmes de reconstruction post-sismique passe par l’obligation d’assurer que le code de construction antisismique est à jour et complet et  de s’efforcer de mettre en place un micro-zonage. Plus précisément, tout logement permanent ne doit être construit que dans une zone officiellement approuvée comme étant suffisamment éloignée des zones de failles et assise sur un terrain stable. Les gouvernements doivent également renforcer les principes de construction applicables aux bâtiments éducatifs et définir un ensemble de normes antisismiques spécifiques aux établissements scolaires.

L’expérience démontre également que pour garantir la qualité des bâtiments, et notamment des infrastructures publiques, « les gouvernements doivent non seulement mettre à jour des codes de construction, mais surtout s’assurer que ces derniers sont respectés ». A ce propos, l’exemple de la  Californie est cité puisqu’elle fait appel à une agence indépendante pour superviser la construction des établissements scolaires d’un bout à l’autre des projets, depuis l’étude initiale des plans jusqu’à l’inspection régulière des chantiers. « Dans ce domaine, le contrôle de la qualité passe par exemple par la transparence publique ou le contrôle externe des dépenses ». 

La reconstruction, suite au tsunami qui a frappé l’Indonésie en décembre 2004, a confirmé l’idée de créer une agence de coordination gouvernementale efficace, chargée de la coordination des efforts de réhabilitation et de reconstruction. Une telle agence peut assez rapidement assumer la coordination des efforts de reconstruction, en autant que les conditions suivantes soient réunies : 1) son personnel est hautement qualifié; 2) elle peut compter sur le soutien des plus hauts échelons du gouvernement; et 3) l’assistance technique de l’ONU, des donateurs bilatéraux et multilatéraux et des ONG lui est fournie. Munie de tels moyens, l’agence peut alors coordonner les systèmes d’information, l’enregistrement des ONG et la formulation d’un plan de redressement transitoire. 
 
Objectifs réalisables

La deuxième leçon à tirer, c’est la nécessité d’allouer suffisamment de temps pour la période de reconstruction. En fait, les projets de reconstruction posent autant de défis que tous projets de développement mais ils sont réalisés dans un contexte beaucoup plus difficile.    A ce propos, les spécialistes estiment que dans ce contexte, il faut s’assurer que l’envergure des projets et les résultats attendus de ceux-ci soient réalistes. Ainsi, il est important que les acteurs concernés soient réalistes lorsqu’ils définissent les résultats pouvant être atteints à l’intérieur de l’échéancier prévu. Il vaut mieux déterminer des objectifs réalisables et les atteindre –ou même les dépasser- plutôt que d’être exagérément optimiste dans la définition des résultats attendus.

A ce propos, il est souhaitable d’établir des indicateurs de résultats et de communiquer plus effectivement les progrès réalisés auprès du public qui veut connaître les résultats plutôt que les actions entreprises. Cette formation permet aussi d’améliorer la présentation des rapports.

Dans la mesure du possible, les indicateurs pour chacun des secteurs devraient être harmonisés pour permettre une compilation des résultats selon un cadre commun défini auparavant.

Questions transversales

Il faut également assurer une bonne intégration des questions transversales dans tous les projets. Les questions d’égalité entre les femmes et les hommes et les questions environnementales doivent être intégrées dans toute action de reconstruction. Certains acteurs peuvent ne pas avoir l’expérience ou la capacité nécessaires à l’intégration des questions transversales. Il est donc recommandé de fournir un appui technique, par exemple sous forme d’ateliers réunissant l’ensemble des acteurs.

Développer des stratégies de sortie figure aussi parmi les paramètres à prendre en considération. En effet, un des sujets souvent négligés suite à une catastrophe est  l’établissement de stratégies de sortie pour garantir la pérennité des interventions. Ainsi, il est de mise d’inscrire dans les accords de contribution l’exigence de développer, dès le début du processus, des stratégies de sortie pouvant être mises à jour, au besoin. Il faut vérifier l’adéquation entre les structures mises en place et les capacités locales de prise en charge, et ce afin d’assurer la pérennité des résultats atteints.

Reste, enfin, la question du financement qui exige un appui des modalités de financement et de coordination conforme aux principes de l’efficacité de l’aide. Les modalités de financement qui s’arriment aux plans nationaux et aux contributions des autres donateurs sont des mécanismes efficaces en termes de coûts et ont l’avantage de multiplier les occasions de dialogue de politiques. Elles sont particulièrement efficaces lorsqu’une agence de coordination gouvernementale est mise en place.

Hassan Bentaleb


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