Réactions mitigées à l’initiative de l’USFP


Narjis Rerhaye
Mardi 1 Mars 2011

«C’était très chaud ! Nous avons eu une longue, une très longue journée. L’USFP n’échappe pas aux dommages collatéraux du printemps arabe ! » Ce dimanche soir,  derrière ses traits tirés, ce ministre usfpéiste pousse un « ouf » de soulagement : le parti de la Rose ne quitte pas le gouvernement. Du moins pas encore.
Cette session du Conseil national de l’USFP, tenue dimanche 27 février au siège du parti, devait être consacrée aux préparatifs du prochain Congrès national de l’Union socialiste des forces populaires. Cet ordre du jour sera balayé, ou presque, d’un revers de la main. Le printemps arabe et le mouvement du 20 février, au Maroc, se sont bruyamment invités aux travaux du Conseil national.  Très vite, c’est la question du retrait des Usfpéistes du gouvernement conduit par Abbas Al Fassi qui est au cœur des interventions de ceux et celles qui prennent la parole. Une partie du bureau national de la Chabiba ittihadia, des responsables du Conseil national, des militants, des mécontents se succèdent à la tribune pour tenir à peu près le même discours : en l’absence de réformes politiques et constitutionnelles réclamées aujourd’hui par l’opinion publique et en particulier par la jeunesse marocaine, l’USFP ne peut plus continuer de participer à un gouvernement impopulaire, « contre lequel des slogans sont scandés depuis les manifestations du 20 février ».
« En période de crise, le retrait du gouvernement de l’USFP se fait leitmotiv et devient un domaine de prédilection pour les militants. Mais dans le même temps, il convient de faire remarquer que nous sommes la seule formation politique qui a réuni son Conseil national, c'est-à-dire le parlement du parti, dans un contexte extrêmement délicat. C’était un vrai pari que de pouvoir s’en sortir sans trop de casse! », explique fièrement un dirigeant de l’Union socialiste des forces populaires.
Les partisans du retrait gouvernemental avancent en gros trois grandes raisons justifiant le passage à l’opposition de l’USFP. D’abord le mémorandum relatif aux réformes constitutionnelles   adressé, par les Ittihadis,  au Souverain en mai 2009, à la veille des élections communales,  et lequel n’a reçu aucune réponse. Ensuite, l’impopularité de l’exécutif est présentée comme un solide argument et enfin le nouveau contexte arabe et marocain qui ne saurait être occulté. Ce sont là autant d’arguments que les Usfpéistes, avocats du retrait du gouvernement, avancent « pour ne plus avoir à payer encore plus fort le prix d’une participation qui ne se fait plus dans le sens d’une nouvelle génération de réformes».
Toute la journée, c’est la bataille du vote sur un éventuel retrait du gouvernement d’Abbas Al Fassi qui occupe l’essentiel des travaux. Le Bureau politique s’en tient à sa décision : pas de vote sur une question qui n’était pas inscrite à l’ordre du jour.

Un mémorandum de l’USFP resté sans réponse royale

Les conciliabules et le travail des coulisses prennent la relève. Un accord est trouvé autour d’une déclaration politique qui sanctionnerait les travaux de cette session houleuse du Conseil national. Une déclaration qui sera rédigée par une commission restreinte composée de membres du Bureau politique et du secrétariat national du Conseil national. « Pour ceux qui savent lire, la déclaration que nous avons adoptée est aussi claire que forte. L’USFP conditionne sa participation gouvernementale au déclenchement d’une nouvelle génération de réformes dont celles constitutionnelles. Cette position n’est pas nouvelle chez nous. Nous l’avons dit lors de notre 8ème Congrès et nous l’avons redit en décembre 2009 lors de notre Conseil national tenu à Bouznika. Quitter le gouvernement est une décision extrêmement importante pour nous et une telle décision doit s’inscrire dans une nouvelle situation politique. L’USFP est au gouvernement depuis 1998, et ce pour contribuer à jeter les bases d’un Maroc moderne et démocratique. Ces réformes doivent aujourd’hui toucher la Constitution et les institutions », soutient un cacique usfpéiste blanchi sous le harnais.
Dans la déclaration politique adoptée dimanche 27 février aux environs de 20 heures –et qui a tout de même fait quelques mécontents- un appel est lancé aux forces de gauche, aux alliés traditionnels de l’USFP ainsi qu’aux partenaires de la majorité gouvernementale pour que soit enclenché un agenda de réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles qui serait adressé au Souverain.
Et ce dimanche 27 février, les alliés et partenaires de l’USFP dans le cadre de la majorité gouvernementale avaient les yeux rivés sur les travaux agités du Conseil national de ce parti. Dans les états-majors de la majorité, les portables ont crépité jusqu’à la fin de la soirée pour savoir si le parti d’Abdelouahed Radi allait quitter l’Exécutif et mettre ainsi  à mal la coalition gouvernementale. Alliés historiques et partenaires de la majorité, iront-ils pour autant jusqu’à faire front commun avec l’USFP dans la revendication d’une nouvelle génération de réformes ? La question se pose avec acuité. Au PPS, par exemple, on s’inscrit résolument dans le cadre d’une nouvelle génération de réformes et ce depuis, explique le leader de cette formation politique, les élections législatives de 2007 et les pratiques que connaît aujourd’hui le champ politique. « Nous avons lancé cet appel lors de la conférence nationale du PPS tenue en 2008, nous l’avons rappelé à l’occasion de notre Congrès qui a eu lieu en 2010 et plus récemment encore dans un communiqué du bureau politique du PPS. Agir avec nos partenaires pour enclencher le processus d’une nouvelle génération de réformes est aussi clair que souhaitable. C’est pourquoi il est grand temps d’activer la Koutla », a déclaré le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah, à « Libération ».

Réformes constitutionnelles : le oui mais de l’Istiqlal et du RNI

A l’Istiqlal, c’est une  circonspection teintée de méfiance qui est de mise. « L’USFP doit d’abord régler ses problèmes en interne avant d’aller plus loin », déclare sous le sceau de l’anonymat un Istiqlalien proche du premier ministre qui parle volontiers d’« un parti prêt à passer à l’opposition pour redorer son blason à l’approche des élections législatives ». Ce lundi 28 février, les troupes istiqlaliennes sont promptes à le rappeler : la revendication des réformes n’est pas chose nouvelle. « Notre 15ème Congrès en fait clairement référence. Mais nous le répétons : toute réforme de la Constitution ne peut se faire qu’en coordination avec l’institution monarchique ».
C’est étrangement le timing des réformes qui pose problème au Rassemblement national des indépendants. Pas question pour les ouailles de Salaheddine Mezouar de faire preuve de réaction au lendemain des manifestations du mouvement du 20 février. « Tout le monde est d’accord sur le principe de la réforme. Mais il faut savoir précisément de quelles réformes et de quel modèle de Constitution nous parlons. On négocie sur la base d’un modèle clair, pas sur des slogans scandés lors de manifestations. Il y a aussi la question du timing. On ne réagit pas à chaud alors que le pays traverse une crise sociale. Aujourd’hui, le Maroc a besoin de toutes ses forces vives, de tous ses partis, de tous ses enfants, pour dépasser ce qui se passe. Nous devons travailler main dans la main », fait valoir Rachid Talbi Alami, membre du Bureau exécutif du RNI.
A l’USFP, on est déjà ce lundi matin dans l’après-conseil national. Le processus va être déclenché dans les tous prochains jours. Un calendrier de rencontres avec les forces de gauche, la Koutla et les autres partis de la majorité  pour leur présenter les propositions de réformes constitutionnelles est à l’étude. Le prochain Conseil national de l’USFP se réunira le 19 mars prochain. Le temps presse d’autant que le Bureau politique du parti de la Rose doit tenir informés les militants du Conseil national de toutes les démarches entreprises pour répondre aux aspirations de réformes d’une jeunesse sur laquelle le vent d’un printemps arabe a soufflé. 


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