Rapport de trois ONG sur les événements de Gdim Izik : Déficits de gestion de la chose publique et risques de dérives


Libé
Samedi 25 Décembre 2010

Rapport de trois ONG sur les événements de Gdim Izik : Déficits de gestion de la chose publique et risques de dérives
Pour élucider
les dessus des
événements de Gdim Izik
et Laâyoune, trois ONG ont réalisé une enquête
approfondie
en se basant sur des témoignages vivants et des
rapports officiels. Ils ont également présenté
la chronologie
des faits tout
en les analysant
objectivement. Pour ce faire, ils ont recueilli des centaines
de témoignages qu'ils ont
comparés avec
les rapports
officiels pour
en déduire
uniquement
les versions solides
et concrètes qui illustrent
réellement les tenants et les aboutissants de cette tragédie qui
a provoqué la mort de 13 personnes. Les quelque 36 pages de ce rapport apportent
les arguments nécessaires
pour contrecarrer les manœuvres
et les
manipulations
des ennemies
de notre intégrité
territoriale.
En voici le contenu du rapport.

Analyse et commentaires des faits:
Premièrement: au niveau du campement
1. L'idée du campement et la composition de celui-ci
Un groupe d'habitants avait déjà tenté, à deux reprises, de monter un campement vers la fin du mois de septembre 2010. Le premier campement, qui comptait 6 tentes, avait été monté à la périphérie nord de Laâyoune (route de Tan Tan). Quant au second, qui comptait 27 tentes, il avait été mis en place près de Gdim Izik à la périphérie Est de la ville.Les initiateurs de ces deux campements constituent le noyau qui a déclenché le mouvement de protestation qui a abouti au campement de Gdim Izik le 10octobre 2010. Ainsi, considérant que l'accord préliminaire conclu avec le wali de la région au sujet des revendications de logement et d'emploi pour un groupe de 30 à 40 personnes n'avait pas été respecté, les auteurs des deux tentatives ont fait circuler dans la ville une information incitant tous ceux qui n'ont pas bénéficié de logement et d'emploi à se rendre à Gdim Izikéquipés de leurs tentes. C'est ainsi qu'environ 6000 tentes ont été dressées dans le campement sur plusieurs étapes, particulièrement au cours des trois premières semaines, avec une capacité d'accueil de près de 20.000 hommes, femmes, jeunes, enfants et personnes âgées. Il y a lieu de signaler, concernant le nombre de tentes et de leurs occupants, ce qui suit:
- Des tentes ont été dressées puis occupées par leurs propriétaires;
- Des tentes ont été montées par leurs propriétaires mais restées depuis fermées et non occupées;
- Des tentes ont été érigées, mais leurs propriétaires ne les fréquentaient que les samedi et dimanche et les jours fériés;
- Des tentes ont été dressées pour le compte de personnes qui n'habitent plus dans la région du Sahara. Elles ont été dressées par leurs voisins, juste parce que ces personnes avaient habité Laâyoune par le passé;
- Des tentes ont été montées par des personnes non résidentes de Laâyoune, mais venues d'autres villes avoisinantes. Autant le nombre de tentes peut donc être déterminé, autant il est difficile de déterminer le nombre des protestataires du campement. Ainsi, s'il est vrai qu'entre 900 et 1200 personnes peuvent passer la nuit dans le campement, il est tout aussi vrai que ce nombre peut être multiplié par six en fin de semaine du fait des repos hebdomadaires. De ce fait, la population du campement était composée de personnes qui se sentent lésées en termes de logement et d'emploi, de personnes solidaires de celles-ci et d'autres catégories défendant des intérêts particuliers. Subdivisé en six circonscriptions comprenant chacune près d'un millier de tentes, le campement était socialement structuré selon le schéma suivant:
- Une catégorie ayant des revendications sociales;
- Des groupes plus ou moins liés au Front Polisario;
- Des groupes ayant des connexions avec les réseaux de contrebande et d'immigration clandestine et des repris de justice;
- Des catégories liées à des rivalités tribales, politiques et de représentation dans la région et leurs prolongements dans les institutions, et qui défendent ces mêmes positions et intérêts. Ayant considéré le campement comme terrain propice à l'exercice des rivalités et des enjeux de pouvoir, ces parties n'ont pas hésité à y transférer une partie de leurs bases et leurs collaborateurs, ce qui explique le grand soutien matériel et moral dont ont bénéficié les protestataires du campement;
- Des groupes de migrants rentrés d'Espagne suite à la crise économique et financière;
- Une catégorie de personnes revenues des camps de Tindouf.Tenant compte de ce qui précède, le campement est devenu un espace de protestation mais avec des objectifs et des enjeux divers, où rivalisent des catégories et des groupes ayant des intérêts divers, différents, voire contradictoires…
2-Revendications et slogans des protestataires du campement
Dans la forme, le campement apparaît comme l'expression des revendications sociales de la première catégorie qui, composée essentiellement de chômeurs, de veuves, de divorcées, de nécessiteux, considère qu'elle a des droits à faire valoir en matière de logement et d'emploi…
D'un autre côté, le campement avait une seconde facette qui structure ses connexions avec l'étranger à travers des groupes ayant des liens avec le Front Polisario qui, à la faveur de slogans purement politiques, reproduits dans la littérature et les sites web de ce dernier, contrôlait la machine de la communication extérieure (internationale) du campement.A cet égard, la commission d'enquête, au terme des échanges avec les acteurs locaux, relève entre autres deux niveaux de revendications au sein du camp:
Les revendications sociales d'une catégorie de la population qui n'a pas accès à l'emploi et au logement malgré le fait qu'elle ait été recensée en tant que population de la région depuis 1974, contrairement à d'autres catégories qui ont bénéficié de l'emploi et du logement et se sont même enrichies.
Ce que l'on peut qualifier de slogans politiques affichés par des groupes ayant des connexions avec le Polisario, mais qui ne feront pas l'objet du dialogue avec les autorités puisqu'ils n'ont pas pris la forme de revendications...
Selon des acteurs de la société civile locale et des participants au campement, la présence de groupes plus ou moins liés, sentimentalement et politiquement, au Polisario, à côté de groupes en connexion avec les réseaux de contrebande et d'immigration clandestine et ceux ayant des antécédents judiciaires, ainsi que l'alliance conclue entre tous ces groupes, sur la base des intérêts communs, pour faire perdurer le campement est une donnée avérée, réelle et palpable durant toute la vie du campement.
Elle peut être assimilée, selon les mêmes acteurs, dans le contexte suivant:
 - Depuis un an et demi, les«activistes sahraouis défenseurs des droits de l'Homme»ont commencé à organiser des visites dans les camps de Tindouf par groupes et par étapes, pendant environ 15mois. Cette démarche visait l'activation d'une recommandation de la 12ème Conférence du Front Polisario, portant sur l'intensification de la résistance dans les territoires occupés.Toutefois, après la multiplication de ces visites dans les camps de Tindouf, avec la participation de dizaines d'activistes, il s'est avéré que cette formule n'a pas pu atteindre les objectifs escomptés, à savoir mobiliser et créer une opinion publique locale et internationale en pariant sur les réactions de l'Etat marocain, c'est-à-dire l'interdiction et la restriction des mouvements de cesactivistes à leur retour de leurs visites dans les camps de Tindouf en Algérie. Effectivement, un premier groupe d'activistes, composé de 7 personnes, fut arrêté le 8 octobre 2009. Après quelques mois, 4seront relâchés et seront poursuivis en état de liberté, alors que les 3autres seront maintenus en détention. Toutefois, les autres groupes continueront à circuler librement de et vers les camps de Tindouf. Finalement, il s'est avéré que cette formule visant,au-delà de la dénonciation réelle des atteintes aux droits de l'Homme dans la région, à faire escalader la tension dans la région, avait montré ses limites. L'évaluation de cette approche des «activistes des droits de l'Homme», selon certains avis et explications qui circulent dans la région, montre que celle-ci a produit un maigre résultat et a échoué à atteindre les objectifs qui lui étaient assignés, notamment à la lumière de la résolution 1920 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a réaffirmé le mandat original de la Minurso et recommandé le recensement de la population des camps de Tindouf à travers un programme d'entretiens individuels. Une allusion au fait que la population du camp comprend aujourd'hui, outre les réfugiés, des séquestrés et des gens que l'on a fait venir de régions et pays non concernés par le conflit.
- La transition qui se fait aujourd'hui, au niveau de l'identité des «défenseurs des droits de l'Homme», qui deviennent des «défenseurs sahraouis» s'explique par le début d'une action tendant à s'approprier les revendications de certaines catégories sociales afin d'entamer, à travers elles, une action de mobilisation en direction d'autres groupes mis à mal par l'action des autorités dans le cadre de la lutte contre les réseaux de contrebande et d'immigration clandestine et leurs ramifications au niveau des crimes transnationaux.
- La transformation par les«activistes» des revendications sociales ne peut se concevoir sans la coordination et la mise en place d'alliances avec ces groupes. C'est ce qui explique le changement constaté, depuis l'année dernière, au niveau de l'identité de certaines personnes poursuivies ou condamnées par la justice dans des affaires de contrebande et d'immigration clandestine et qui purgent leurs peines dans les prisons marocaines.
3-Processus et mécanismes de dialogue
Depuis le lancement des première et deuxième initiatives de campement, des contacts ont été établis avec le wali de la région aux fins de l'informer des doléances du groupe. La réunion tenue dans ce sens a abouti à un accord préliminaire prévoyant l'octroi de cartes de la promotion nationale au groupe composé de 30 à 40 membres moyennant la levée de tentes et la poursuite du dialogue concernant le reste des revendications. Toutefois, cet accord n'a pas été concrétisé en raison du refus du wali de recevoir le comité de dialogue au rendez-vous fixé, selon les déclarations des membres de celui-ci, et en raison de non comparution du comité de dialogue au rendez-vous fixé, selon les déclarations du wali. Dans une première étape, et quelques jours après la mise en place des mêmes tentes à Gdim Izik, située à environ 12km à l'Est de Laâyoune, le Wali de la région ainsi que les représentants des autorités locales ont invité le comité représentant le campement au dialogue. Ce dernier posera, dès le départ, la condition de voir les chioukhs et les notables de la région exclus du dialogue. Dans une seconde étape, le dialogue sera mené par une commission composée de trois walis de l'administration centrale, la condition ayant été posée d'exclure tout représentant de la population locale de la composition de la partie officielle avec laquelle se fait le dialogue. Dans une troisième étape, le ministre de l'Intérieur présidera lui-même les séances de dialogue avec le comité, tenues respectivement le 29 octobre et le 4 novembre 2010. De nouveau, le dialogue sera subordonné à l'exclusion des représentants et des personnes originaires de la région de la délégation officielle. Autant il a été constaté, au fil des séances de dialogue (8 séances au total) que la proposition par la partie officielle de solutions pertinentes allait dans le sens de la reconnaissance et la satisfaction des doléances des protestataires, autant le plafond des revendications n'a cessé de s'élever et leur nature de changer à mesure que des progrès sont réalisés concernant les revendications initiales. En effet, suite à chaque retour au campement pour consultation, de nouvelles revendications apparaissent, ayant ceci de particulier qu'elles ne peuvent être satisfaites immédiatement mais à moyen et à long termes. Après validation des revendications au terme de la deuxième séance de dialogue tenue avec les représentants de l'autorité centrale le 26 octobre 2010 -et au vu du non recensement par les membres du comité de dialogue des personnes concernées par les revendications de logement et d'emploi-, une proposition sera formulée, selon des membres de ce comité, selon laquelle la wilaya supervisera cette opération sous des tentes érigées spécialement à cet effet, près du campement. Toutefois, selon les témoignages recueillis, les protestataires du campement n'ont pas été autorisés par les tenants du campement à accéder aux tentes dressées pour les besoins de cette opération. Suite à cette hésitation, la wilaya lancera son initiative portant sur la conduite du processus d'inscription en séance publique et sur la base des mêmes critères convenus, à savoir l'égalité, le mérite et la transparence, tout en accordant la priorité aux veuves, aux femmes divorcées et aux personnes âgées. Suite à la diffusion par la télévision officielle de l'opération de distribution des lots de terrain et des cartes de la promotion nationale, les tenants du campement(les comités de dialogue, de coordination, d'organisation et de sécurité) ont considéré cette action comme étant dirigée contre le campement, surtout après l'apparition de certains bénéficiaires qui ne répondent pas aux critères susmentionnés. Les comités d'organisation, de coordination et de sécurité, en tant que tenants du campement, ont exigé la stricte application de la condition interne du fonctionnement du camp selon laquelle les protestataires du campement s'engagent à ne pas quitter le campement et à ne pas lever leurs tentes jusqu'à ce qu'une solution complète et globale soit trouvée pour tous. La réunion du ministre de l'Intérieur avec le comité de dialogue (campement), tenue jeudi 4 novembre 2010, déterminera en grande partie la tournure qu'allaient prendre les évènements par la suite. En effet, après validation de toutes les revendications sociales et celles à caractère urgent, ainsi que celles convenues pour être programmées ou examinées, le procès-verbal de la réunion, qui fixe les engagements de chaque partie, fut dressé aux fins d'être signé par les parties concernées par l'accord. Toutefois, le comité de dialogue relevant du campement hésita à signer le procès-verbal et demanda un délai pour retourner dans le campement pour consultation, muni d'une copie dudit procès-verbal. A leur retour,les membres du comité de dialogue formulèrent des observations supplémentaires sur le procès-verbal de la réunion, de même qu'ils produirent une liste de 200 personnes handicapées pour lesquelles ils demandèrent des cartes de la promotion nationale. Les observations furent acceptées et incluses dans le procès-verbal. La liste a également été approuvée, et concernant les cartes demandées, il a été convenu de procéder à leur distribution dans la soirée même. Toutefois, lorsqu'il fut question de procéder à la signature du procès-verbal, certains membres du comité de dialogue demandèrent à ce qu'on leur accorde quelques minutes pour effectuer des appels téléphoniques. Par la suite, les membres du comité de dialogue demandèrent au ministre de l'Intérieur, au wali de la région et leurs accompagnateurs de s'en tenir au procès-verbal sans signature, faisant ainsi valoir le principe de confiance. C'est ainsi que la matinée du vendredi 5 novembre 2010a été fixée comme date pour les représentants des autorités centrales pour entamer l'opération d'inscription dans le campement.Le lendemain, aux alentours de 10h du matin, et conformément à l'accord conclu la veille, le wali, accompagné d'autres représentants des autorités, originaires de la région et de la presse, se dirigèrent vers le campement. Néanmoins, l'accès à celui-ci leur sera refusé par le «Préfet» du campement dont la position n'a pu être contestée par le comité de dialogue. En effet, le comité de dialogue n'a pu reconnaître devant lui les engagements qu'il a pris et qui sont consignés dans le procès-verbal de la réunion. En guise de justification, le comité avancera plus tard le fait qu'il avait à peine commencé à communiquer avec les protestataires du campement afin de les mettre au courant des derniers développements des négociations.Cet incident est un indice majeur qui peut aider à comprendre pourquoi les solutions convenues au terme du processus de dialogue n'ont pu être concrétisées. En effet,la séance de travail tenue le jeudi 4novembre 2010 entre les parties prenantes au dialogue (le ministre de l'Intérieur, les walis et le comité de dialogue relevant du campement) a été sanctionnée par un accord et des engagements clairs au sujet de la satisfaction des revendications et l'inscription des personnes concernées, en contrepartie du démantèlement du campement. L'accord prévoyait aussi que toutes les parties allaient honorer leurs engagements à compter du vendredi 5 novembre 2010 à 10heures. En principe, l'aboutissement à des solutions lors du dialogue suppose que les réunions du comité de dialogue avec celles de coordination, d'organisation et de sécurité ainsi qu'avec l'ensemble des protestataires du campement soient tenues dès le retour de la séance de dialogue du jeudi soir (4 novembre). A cet égard, des membres dudit comité ont déclaré à la mission d'enquête qu'ils n'avaient pas informé les protestataires du campement de la satisfaction de leurs revendications ce soir-là.Il en ressort, d'après ces acteurs locaux entendus, que le comité de dialogue apparaît comme une entité où se croisent et s'entremêlent les intérêts et les priorités des différents courants et tendances composant le campement. Le comité de dialogue semblait dépassé par les évènements et n'avait plus, de ce fait, le contrôle de la situation dans le campement concernant notamment les revendications sociales dont il était le porte-parole. Certes, le comité comprenait des membres porteurs de revendications sociales de la population, mais il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour trancher la destinée et le devenir du campement. Son rôle se limitait, de ce fait, à produire le discours social vis-à-vis des autorités locales et centrales et de la presse nationale couvrant la tendance qui vise à perpétuer le campement. En revanche, les avis pro-Polisario avaient d'innombrables canaux pour s'exprimer et défendre leurs positions politiquesséparatistes ou «indépendantistes» et les slogans connexes. Interrogés à ce propos, les membres du comité de dialogue expliquent cette situation par le fait que les tenants du campement ne pouvaient pas contrôler ce qui se passait sous les tentes, étant donné l'immensité du campement et la grande hétérogénéité des protestataires du campement. Ceci, sachant que d'autres voix et tendances n'ont pas été en mesure de s'exprimer ou même d'accéder au campement. A cet égard, l'accès au campement sera interdit aux journalistes de la chaîne régionale de Laâyoune. Il en a été de même pour les correspondants de «Jeune Afrique»et de «Reuters», dont l'un a dû faire l'objet d'un interrogatoire. Lors d'une réunion avec la mission d'enquête, trois jours après le démantèlement du campement et après les événements, un membre du comité de dialogue ayant pris part à toutes les séances de dialogue tenues avec les représentants des autorités a affirmé que ces derniers, en particulier le ministre de l'Intérieur, se sont montrés totalement compréhensifs et de manière inédite vis-à-vis de toutes leurs revendications. Paradoxalement, le comité a considéré l'acceptation de toutes les revendications comme un indice de non fiabilité et de non crédibilité des promesses et des engagements formulés, allant même jusqu'à afficher son étonnement devant la suite favorable donnée à l'ensemble de leurs revendications sociales. Le manque d'expérience et la non assimilation par certains membres du comité de dialogue de leur rôle dans l'homogénéisation du campement au cours de leur plaidoyer en faveur des revendications sociales faisait face à la certitude des autres composantes quant à leur rôle consistant à lever à chaque fois le plafond des revendications, freiner la résolution des problèmes et faire perdurer le campement. A travers toutes les séances de dialogue entre les représentants des autorités et ceux du campement, il s'est avéré que ce dialogue, dans la plupart des cas,avançait,  reculait ou bloquait, non pas uniquement en raison de la nature des revendications, mais essentiellement en raison des profils et du statut des parties prenantes au dialogue, puisque le comité de dialogue du campement persistait à refuser la présence de toute personne d'origine sahraouie parmi ses interlocuteurs officiels. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que la mise en place du campement doit être placée dans le contexte d'échéances nationales et internationales précises et étroitement liées, lesquelles constituent un élément majeur qui renseigne sur la manière dont le dialogue a été conduit et géré (visite du Secrétaire général des Nations unies au Maroc, visite de son Envoyé spécial, Christopher Ross, dans la région, tenue d'un nouveau round de négociations informelles). Pour ce qui est des échéances nationales, citons la célébration de l'anniversaire de la Marche Verte, la révision de la composition et des attributions du Conseil Royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS), le débat sur la régionalisation élargie et l'autonomie, les prochaines élections et les nouvelles nominations de walis.

Chronologie des évènements

Voici la chronologie des événements de Gdim Izik et Laâyoune, selon les témoignages recueillis par les enquêteurs des trois ONG:
 10 octobre: environ 173 personnes ont manifesté contre le wali de la ville de Laâyoune en signe de protestation contre des promesses non tenues concernant la distribution des cartes de la Promotion nationale. Les 173 personnes ont monté environ 40 tentes à quelque 12 km de la ville de Laâyoune. C'est le début de la mise en place du campement de Gdim Izik.
11 octobre: le nombre de tentes dans le campement a atteint 300 tentes. Ce jour même a été marqué par la formulation des doléances relatives au logement et à l'emploi pour les habitants originaires de la ville de Laâyoune, avant d'étendre ces revendications à l'ensemble de la population.
12 octobre : le nombre de tentes a atteint 800.
14 octobre : prémices d'un dialogue entre les représentants de l'autorité et le comité de dialogue du campement.
17 octobre : un communiqué du gouvernement, publié par l'Agence Maghreb Arabe Presse (MAP), considère que la mise en place du campement est motivée par des revendications socioéconomiques.
18 octobre: cinq chioukhs et notables de Laâyoune rencontrent le comité de coordination du campement, mais la réunion n'a pas abouti à des résultats concrets. Entre-temps  de plus en plus de personnes se déplacent vers le campement pour y installer des tentes.
19 octobre: arrivée à Laâyoune d'une commission centrale du ministère de l'Intérieur, composée de trois walis que sont Mohamed Tricha, Brahim Boufous et Mohamed Ibrahimi. 
21 octobre: début du premier round de dialogue entre les trois walis et le wali de la région d'un côté, et le comité de dialogue de l'autre côté.
22 octobre : expulsion d'une personne nommée (M.D.) du campement par les tenants du campement.
23 octobre : accompagné de 5 autres personnes, M.D. tente d'accéder au campement par derrière. Là, il tomba sur un point de contrôle de la Gendarmerie Royale et tenta de forcer le passage au volant d'un 4x4. Il s'en est suivi des coups de feu ayant entraîné la mort de l'enfant Najem El Gareh (14 ans).
24 octobre: ouverture d'une enquête par le procureur du Roi sur les circonstances de la mort de l'enfant.
25 octobre: achèvement du bouclage du campement par les forces de l'ordre.
26 octobre: publication du premier communiqué du comité de dialogue signé par trois personnes, condamnant l'utilisation de balles réelles contre Najem El Gareh et réaffirmant les revendications sociales des protestataires du campement. Tenue de la deuxième réunion entre les représentants de l'autorité centrale et le comité de dialogue.
27 octobre: tenue de la troisième réunion. Le comité de dialogue a demandé un délai de cinq jours pour terminer le recensement.
28 octobre: les autorités locales commencent à distribuer des lots de terrain et des cartes de la Promotion nationale.
29 octobre: arrivée du ministre de l'Intérieur dans la ville de Laâyoune et tenue d'une réunion avec les chioukhs des tribus, les notables et les élus de la ville.
31 octobre: tenue de la quatrième réunion entre l'autorité centrale et le comité de dialogue.
2 novembre: réunion entre le ministre de l'Intérieur et le comité de dialogue. 
3 novembre : arrivée de nombre de parlementaires de la région.
4 novembre : le comité de dialogue et d'information du campement annonce, dans un deuxième communiqué, qu'il ne cautionne aucune solution factice ayant pour but de leurrer les médias et de colporter des mensonges sans aucune solution radicale du problème. Réunion entre les représentants de l'autorité centrale et le comité de dialogue, sous la présidence du ministre de l'Intérieur. Retour du comité au campement pour concertation avant de signer le procès-verbal. Fin du dialogue entre les parties par l'approbation de donner une suite favorable aux doléances sans aucune formalisation en raison du refus du comité de dialogue de signer le procès-verbal. Il a également été convenu que le wali de la région effectue, le lendemain vendredi, une visite dans le campement afin d'y donner le coup d'envoi de l'opération d'inscription afin de mettre en œuvre les termes de l'accord.
5 novembre: le wali de la région, en compagnie de nombre de représentants des autorités, se voit refuser l'accès au campement par le soi-disant «préfet» du campement. Publication d'un communiqué du ministère de l'Intérieur faisant état de l'existence d'éléments séquestrant des enfants, des femmes et des personnes âgées dans le campement et agissant selon un agenda extérieur.
6 novembre: discours Royal à l'occasion de l'anniversaire de la Marche Verte.
7 novembre: annonce de la décision du procureur du Roi de démanteler le campement afin d'assurer la sécurité physique des participants au campement. Envoi des camions-citernes (eau) dans le campement et grand déploiement de forces de sécurité. Rassemblement de la population et de voitures devant le poste de contrôle à la sortie de Laâyoune en direction du campement. Frictions entre les forces de l'ordre et quelques personnes. Quelques personnes ont déplacé cette tension à la ville de Laâyoune vers dix-neuf heures. Difficulté des communications entre le campement et la ville et saturation des réseaux de téléphonie.
8 novembre: à 6 heures du matin, des hélicoptères survolent le campement.
6 h15 : survolant le campement, les hélicoptères demandent aux protestataires, à travers des haut-parleurs, de quitter le campement et de se diriger vers les bus qui devaient les transporter vers la ville de Laâyoune.
6h30 : entrée du premier groupe des forces auxiliaires et de gendarmes dans le campement pour procéder à son démantèlement, mais ceux-ci ont dû faire face à la résistance de certains membres du campement. Entrée du deuxième groupe des forces de l'ordre, appuyé par les canons à eau et les gaz lacrymogènes. Démantèlement du campement en 55 minutes. Affrontements entre des membres du campement et les forces de l'ordre pendant une heure et demie.
7h30 : à Laâyoune, un grand nombre de familles des protestataires du campement descendent dans l'avenue Smara. Des actes de violence par des personnes à bord de voitures 4x4, armées de machettes, de coutelas et de cocktails Molotov. Absence des éléments des forces de sécurité. 
11h30 : intervention des groupes d'habitants pour empêcher les responsables d'actes de violence et de saccage d'atteindre la place Dcheira. La contre-violence a consisté à saccager les boutiques et les maisons dans les quartiers  «Colomina» et  «Skikima», incendier des voitures privées, faire exploser des bouteilles de gaz et attaquer des personnes avec des armes blanches et des bâtons.
13h00 : début de l'intervention des forces de l'ordre dans la ville. Annonce du premier décès à l'hôpital d'un civil  fauché par une voiture de police qui roulait à toute allure. Annonce, par les autorités, du décès de cinq membres des forces de l'ordre. Un grand nombre de blessés, parmi les forces de l'ordre et les civils. Mise à feu de plusieurs établissements publics, maisons, magasins et voitures.
9 novembre: afflux de divers types de forces de l'ordre sur la ville et déploiement près des quartiers touchés par les actes de violence et de saccages.
10 novembre: un communiqué du ministère de l'Intérieur précisant le nombre de morts, de blessés et de personnes arrêtées.


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