Rapport de la Commission de l’Internationale socialiste pour une Société mondiale durable (Septembre 2009) : D'une économie à haute teneur en carbone à une société à faible teneur en carbone


Libé
Mardi 20 Avril 2010

Rapport de la Commission de l’Internationale socialiste pour une Société mondiale durable (Septembre 2009) :   D'une économie à haute teneur en carbone à une société à faible teneur en carbone
A.  La création de la Commission de l’Internationale socialiste pour une Société
mondiale durable

La Commission de l’Internationale socialiste pour une Société mondiale durable a été créée conformément aux décisions prises par le Conseil de l’Internationale socialiste à l'occasion de ses réunions à Santiago, au Chili les 6-7 novembre 2006 et à Genève les 29-30 juin 2007.
Lors de ces rencontres, le Conseil a souligné que, si, durant ces récentes décennies, des changements importants dans le monde ont accru les opportunités de faire avancer la cause de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, par contre, les aménagements de l’architecture des institutions globales,  nécessaires pour surmonter les conflits et redresser les divisions sociales et les inégalités, n’ont pas encore été faits.
Au même moment, alors que les conflits sont devenus plus intenses et que de nouvelles menaces pour la sécurité sont apparues, le monde manque d’institutions multilatérales pour maîtriser efficacement le réchauffement global et le changement climatique.
Le Conseil a instauré une Commission pour une Société mondiale durable en vue d'élaborer une vision social-démocrate commune et de réfléchir sur les nouveaux défis environnementaux, politiques et sociaux qu’affronte le monde d’aujourd’hui.
Le travail de la Commission se situe dans la longue tradition d’efforts de l’Internationale socialiste pour promouvoir et garantir l’égalité, l’opportunité économique, la justice sociale, et le développement durable.
La conviction de l’Internationale de l'interdépendance du monde et d'une humanité commune, ainsi que sa présence dans chacun des continents, en fait une  plateforme politique unique et un acteur global, capable de concevoir et de mener à bien une stratégie mondiale pour la paix et la préservation globale.
Le travail de la Commission a été concentré sur trois priorités : a) évaluer les menaces du réchauffement global et du changement climatique et élaborer de nouvelles politiques énergétiques globales,  fondamentales pour toute réponse à cette menace ; b) envisager les possibilités de redresser les déséquilibres sociaux et les inégalités économiques au travers de nouvelles formes de gouvernance ; et c) proposer des améliorations dans la gouvernance globale comme fondement de la construction d’une société mondiale durable.
La Commission comprenait des membres des différentes régions du monde ayant de vastes expériences dans le domaine des services publics. Les coprésidents étaient Ricardo Lagos, ancien Président de la République du Chili (2000-2006) et Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies sur le Changement climatique et Göran Persson, ancien Premier ministre de la Suède (1996-2006) reconnu pour son action politique et ses compétences dans le domaine de la politique climatique. Les autres membres de la Commission étaient Hilary Benn, secrétaire d’Etat à l’Environnement, l’Alimentation et les Affaires rurales, Royaume-Uni ; Elio Di Rupo, Président du Parti socialiste, PS, Belgique, ministre d’Etat et maire de la Ville de Mons ; Mohamed El Yazghi, ministre d’Etat, ancien ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, de l’Eau et de l’Environnement, Maroc ; Sigmar Gabriel, ministre fédéral pour l’Environnement, la Conservation de la Nature et la Sûreté nucléaire, Allemagne ; Aleksandr Kwasniewski, ancien Président de la République de Pologne (1995-2005) ; Sergei Mironov, Président du Conseil de la Fédération russe, Président du Parti Une Russie juste; Cristina Narbona,  ancienne ministre de l’Environnement d’Espagne (2004-2008);  Beatriz Paredes, Présidente du Parti révolutionnaire institutionnel, PRI, du Mexique ; Anand Sharma, ancien ministre d’Etat des Affaires extérieures de l’Inde (2006-2009) ; Marina Silva, sénateur, ancienne ministre de l’Environnement de la République fédérative du Brésil (2003-2008) ; Martin Torrijos, ancien Président de la République de Panama (2004-2009), leader du Parti révolutionnaire démocratique, PRD ; et Nkosazana Dlamini Zuma, ancienne ministre des Affaires étrangères (1999-2009), actuellement ministre de l’Intérieur, République d’Afrique du Sud.
Lors de son Conseil à Genève, les 29-30 juin 2007, l’Internationale socialiste, dans l’optique de créer une Commission, a souligné qu’il y avait un nombre croissant de questions internationales qui ne pouvaient plus être résolues au niveau national, notamment le réchauffement global et le changement climatique, et a insisté sur le fait que ceci constituait « le plus grand défi de notre temps. La zone de danger n’est plus quelque chose qui concerne l'avenir. Nous y sommes dès maintenant».
Lors de sa première réunion à Londres, le 19 novembre 2007,  accueillie par le Premier ministre Gordon Brown, Leader du Parti travailliste britannique, la Commission a déclaré, « La terre demande l’attention de tous les habitants de la planète et le moment est venu pour des actions décisives qui feront la différence. Le réchauffement du système climatique est un fait indiscutable. L’impact considérable de l’activité humaine sur l’état de détérioration de l’atmosphère terrestre est également indéniable ». La Commission a souligné que la maîtrise du changement climatique « est la priorité la plus cruciale à laquelle nous somme confrontée ».
Depuis lors, l’urgence d’y apporter une réponse s’est grandement accentuée avec les flux réguliers de rapports et études, préparés par des scientifiques éminents et des spécialistes du climat à travers le monde, qui  démontrent que les effets négatifs du réchauffement global et du changement climatique interviennent de façon plus rapide et avec un impact  bien plus grand qu’imaginé au départ.
Il n’y a plus le moindre doute que les émissions de gaz à effet de serre doivent être radicalement réduits si l’on veut éviter que le changement climatique actuel n'entraîne un bouleversement climatique catastrophique pour l’équilibre délicat qui rend possible la vie humaine sur cette planète.
Une autre priorité, non moins importante, est de concevoir et de mener à bien un programme global visant à prendre les mesures nécessaires d’adaptation aux conséquences déjà inévitables du changement climatique, particulièrement pour les peuples les plus pauvres et les plus vulnérables de ce monde. Ceux-ci, par ce qui peut être qualifié d’injustice climatique, souffrent, dès maintenant, le plus des changements accélérés de la biosphère de la Terre, y compris des phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes, telles que la sécheresse, la désertification et l’augmentation du niveau des mers, alors qu'ils en sont les moins responsables.
La nécessité de répondre au défi du changement climatique est devenue plus pressante encore par le bouleversement financier global, qui est rapidement devenu une crise socio-économique mondiale d'une ampleur que le monde n’avait plus connu depuis la Grande Dépression. Cette crise a eu des conséquences directes et graves sur  la vie quotidienne des personnes partout dans le monde, et, là encore, a touché plus durement les parties les plus faibles et les plus vulnérables de la population mondiale.
A court terme, et dans la mesure où  il y a eu  des pressions pour édulcorer les politiques sur le changement climatique et pour revenir sur des engagements déjà pris, le ralentissement économique global a rendu plus difficile encore les décisions politiques à prendre. Pourtant, celles ci sont  nécessaires si l'humanité veut effectivement contrer la menace du changement climatique.
C’est la recette du désastre ! Plus grave, cette approche ignore le fait que la crise économique actuelle constitue une opportunité énorme pour l’humanité de tracer le chemin continu vers le développement écologique  durable,  qui viserait non seulement à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à mieux se prémunir contre les impacts du changement climatique, mais aussi  à mettre en place une globalisation plus équitable et plus juste, dans laquelle les marchés servent les gens plutôt que l’inverse.
De façon encourageante, il y a déjà eu une réorientation vers des politiques énergétiques plus propres et plus écologiques  de la part de l’Union européenne, de la Chine et plus récemment, et d’une façon très positive, de la part des Etats-Unis. Mais il ne s'agit là que des premiers pas sur le chemin qui doit aboutir au regroupement effectif, dans une coordination globale, des objectifs fondamentaux de la protection environnementale et de la reprise économique mondiale.
Accomplir ces tâches délicates demande non seulement une réelle détermination politique, mais aussi la restauration de la confiance des peuples dans la gouvernance aux niveaux local, national et international.
Concevoir des stratégies pour une préservation globale et créer les instruments gouvernementaux et institutionnels pour les mettre en œuvre, ne peut aboutir sans un engagement commun  de nous tous, en tant que véritables citoyens du monde.
Eveiller le sens de la responsabilité des personnes partout dans le monde demande une attention accrue pour la jeunesse, l’éducation et la conscience collective, étant donné que ceci est la clé du changement des façons de penser et de vivre des peuples, car en fin du compte, un développement durable et solidaire de la planète demandera aussi "une pensée durable."
Dans la lutte des familles pour survivre dans l'actuelle crise économique globale, le rôle des femmes doit être reconnu et encouragé, à chaque niveau et dans chaque domaine, car elles contribuent aux efforts pour s’adapter aux changements climatiques avec un sens inné de la préservation de la collectivité et de l’environnement. Cet apport ne peut être quantifié sur aucune échelle scientifique mais est indispensable si l’humanité veut s'assurer un avenir pacifique, juste et sûr.

B.  Réduire les émissions de gaz à effet de serre : établir des critères pour les réductions d’émissions
de carbone par pays

Les catégories des pays  membres du CCNUCC – annexe I et non-annexe I – doivent être redéfinies et élargies, mais la question reste de savoir si, pour y parvenir, il est nécessaire ou non de progresser sur les questions principales.
Les deux grands blocs ayant droit de vote se sont révélés être des entités lourdes et peu efficaces,  qui généralement échouent à prendre en compte les différents besoins et  capacités des Etats membres. Ceci est particulièrement vrai parmi les pays de la non-annexe I – vu que de grands pays, tels que la Chine, l’Afrique du Sud et le Brésil, ont des profils différents des plus petits pays, tant en termes de niveaux d’émission, qu'en ce qui concerne leur capacité de mitigation   – et  ceci est également le cas pour les pays de l’annexe I.
Afin de surmonter ces difficultés, le Plan d’Action de Bali s'est engagé, en principe, en faveur de responsabilités communes mais différenciées pour les pays en développement, statuant :  « Des actions de réduction appropriées au niveau national pour les pays en développement, dans un contexte de développement durable, soutenues et rendues possibles par la technologie, le financement et la consolidation des aptitudes, de façon mesurable, traçable et  vérifiable."
A cet égard, l’IS a soutenu le Plan d’Action de Bali, déclarant au Congrès de l’IS d’Athènes en juillet 2008 : «  Les engagements des nations individuelles devraient être basés sur les niveaux d'émissions passés, présents et futurs  et  la capacité économique du pays à les réduire, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées et en fonction de leurs capacités respectives. Les nations les plus riches, ayant le plus grand volume d’émissions, devraient réduire leurs émissions en premier, et davantage que les autres ».
L’IS a aussi affirmé lors de ce Congrès : « Une solidarité active entre le monde développé et en développement doit inclure un soutien technique et économique pour les pays les moins en mesure de réduire leurs émissions de gaz et de s’adapter aux impacts du changement climatique ». Mais  ceci est resté l'obstacle majeur dans les négociations actuelles du CCNUCC, et les lignes de division persistent entre les pays industrialisés et les pays en développement sur les questions cruciales qui doivent être résolues afin d'arriver à un accord à Copenhague.
Il parait donc, qu’alors que les catégories ont besoin d’être redéfinies, des percées majeures sur les questions principales doivent d'abord être faites au travers d’une plus grand conscience collective mondiale et d’un vrai leadership de la part des plus grands émetteurs, à la fois parmi les pays industrialisés et parmi les pays en développement.
Durant la plus grande partie de l'ère de la civilisation humaine, la quantité de dioxyde de carbone, le gaz le plus commun à effet de serre, dans l’atmosphère était d'environ 275 parts par millions. A la fin des années 1950, elle était déjà d'environ 315 ppm, et en 2008 elle a atteint les 385 ppm et a augmenté de plus de 2 ppm par année. Cela a entraîné une augmentation de la température globale d’environ 0.75 C au-dessus des niveaux préindustriels, et une hausse additionnelle de 0.6 C est considérée comme inévitable à cause du dioxyde de carbone déjà émis.
Une hausse de température d’environ 2 C au-dessus du niveau préindustriel est généralement considérée comme étant le maximum que la société humaine peut endurer. Il y a  quelques années encore, on  pensait que l'on pourrait empêcher la hausse de  la température  de monter au dessus de 2 C et  que les risques des retombées les plus graves du changement climatique pourraient être réduits de façon significative, si les niveaux de carbone dans l’atmosphère étaient stabilisés entre 450 ppm et 550 ppm.
Aujourd'hui, les études scientifiques les plus réputées démontrent que la planète réagit plus rapidement que prévu aux hausses relativement faibles de la température globale  déjà   enregistrées, et que si l’humanité veut éviter un changement climatique incontrôlé et maintenir la planète habitable pour la vie humaine, les niveaux de carbone devront vraiment baisser de l’actuel 385 ppm, à un niveau aussi bas que 350 ppm, si ce n’est encore plus bas. Cela veut dire qu'à l'approche de Copenhague, les nations doivent chercher les moyens de réduire les émissions de manière beaucoup plus significative qu’originellement discuté lors de  la Conférence de Bali.
Au Congrès d’Athènes en juillet 2008, l’IS s'est prononcé en faveur  de l'objectif de 2 degrés Celsius comme  pierre angulaire pour tout accord intégral à atteindre à Copenhague en 2009, et ceci dans les prochaines 10 à 15 années, les émissions globales de GES devant faire l'objet de transformations progressives en conformité avec l'objectif de 2 degrés Celsius.
Pour atteindre cet objectif, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a proposé que les pays industrialisés réduisent d'ici 2020 leurs émissions de 25-40 pour cent au-dessous des niveaux de 1990. Toutefois, les pourcentages actuellement discutés sont bien insuffisants par rapport aux propositions du GIEC. Ceci reste un point majeur du différend entre les pays industrialisés et les pays en développement, plusieurs de ces derniers faisant pression pour que les pays industrialisés s’engagent au-dessus de 40 pour cent de réduction, barre la plus haute du GIEC, alors que les nations les plus pauvres  et les états des petites îles poussent  jusqu'à 45 pour cent.
Au même moment, de nouvelles études continuent à être faites qui préconisent qu'une réduction comprise entre 25-40 pour cent ne serait pas suffisante pour atteindre l'objectif de 2 degrés Celsius. Ainsi, par exemple, en avril, le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américain a signalé que les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter en 2008 en dépit du déclin économique global. Toujours en avril, une étude de l’Institut de Potsdam sur la recherche de l’impact du climat en Allemagne a conclu que « moins d’un quart du combustible fossile en réserve peut être brûlé et être émis entre maintenant et 2050, si le réchauffement global doit être limité à 2 degrés Celsius. »
Les négociations du CCNUCC menées depuis Bali ont abouti à peu de progrès substantiels sur cette question clé et de sérieux doutes subsistent quant à la possibilité d'atteindre l'objectif de 2 degrés C, étant donné l'essor des émissions  de carbone et les contraintes politiques. Une détermination maximale pour atteindre l'objectif des 2 degrés C est et doit rester le but principal, et des efforts doivent être maintenus en ce qui concerne la limitation des dommages et  l’adaptation.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre est une responsabilité commune. En même temps, les engagements de chaque pays individuellement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre doivent être basés sur les niveaux passés, présents et futurs des émissions et sur la capacité économique du pays de les réduire conformément au principe des « responsabilités communes mais différenciées »,  tel que défini par le Protocole de Kyoto.
Par le protocole de Kyoto, les pays industrialisés s’engageaient à réduire leurs émissions à un certain pourcentage au-dessous de la quantité qu’ils émettaient en 1990, même si la base de 1990 avait peu ou pas de relation avec la science climatique. De plus, la méthode principale utilisée par les pays développés pour atteindre les objectifs de réduction – échanger des crédits de carbone sur les marchés de carbone internationaux – n’a résulté, jusqu'à ce jour, en aucune réduction substantielle des émissions.
En même temps, alors que les pays industrialisés ont essayé, avec un minimum de succès, de réduire les émissions comme prévu par le Protocole de Kyoto, les pays du monde en développement ont, en fait, augmenté les niveaux de leurs émissions. A l'approche de Copenhague, il est clair que les pays riches industrialisés doivent s’accorder sur des objectifs nouveaux et plus significatifs de réduction des émissions, là où les pays en développement, particulièrement la Chine et l’Inde, doivent également s’engager à réduire leurs émissions, même si les objectifs sont numériquement plus bas.
Les récentes initiatives de la Chine et d’autres pays en développement, la nouvelle ligne politique des Etats-Unis en matière de changement climatique, et les  volontés manifestes de ces deux pays - les deux plus grands pays du monde  émetteurs de gaz à effet de serre - de discuter des possibilités d'une voie commune vers la réduction des émissions, sont des signes  positifs.
La répartition équitable entre toutes les nations du monde des objectifs en matière de réduction des émissions, sera la question clé à résoudre pour arriver à un accord sur le nouveau traité sur le changement climatique. Un pas en avant serait un système basé sur des émissions par habitant, avec des objectifs nationaux basés sur la population, ladite "contraction et convergence", formule créée par le Global Common Institute.
Une autre alternative et potentiellement la plus prometteuse est basée sur les «droits de l'effet de serre/développement » (GDRs - Greenhouse development rights), élaboré par EcoEquity et l’Institut de l’Environnement de Stockholm, qui élargit l’agenda du changement climatique en intégrant la reconnaissance du droit au développement des pauvres du monde, aussi bien dans les pays du Sud que dans ceux du Nord. Les obligations nationales en matière climatique devraient être déterminées en fonction d'un « seuil de développement » basé sur les niveaux de pauvreté et les disparités des revenus à l’intérieur des pays et selon la quantité  de gaz à effet de serre que les pays produisent.
Quelque soit la méthode adoptée, il est clair que négocier les détails et s’accorder sur les moyens d’action sera un exercice difficile et que la communauté internationale doit faire le meilleure usage du temps qui reste avant Copenhague afin de résoudre cette question fondamentale.

C. Réduire le recours à l'énergie productrice de gaz à effet de serre

L’enjeu est aussi de mettre en place  une politique énergétique mondiale commune qui prendrait en considération les niveaux variables de développement économique à l’échelle nationale. Aucun effort ne doit être ménagé pour promouvoir le recours aux énergies propres, plus efficaces et renouvelables,  comme alternatives à la dépendance actuelle  aux énergies fossiles, pratique qui n’est pas seulement destructrice pour l’environnement, mais aussi une cause première de tensions géopolitiques et de conflit.
Mettre un prix approprié sur les émissions de carbone, et garantir son payement, est fondamental pour promouvoir le passage d'une énergie à haute teneur en carbone à une énergie carbonique basse,  tout en assurant la sécurité des ressources énergétiques de remplacement, nécessaires au développement économique durable.
Les marchés d’échange de carbone offrent certains avantages mais n’ont pas encore produits des réductions d’émissions substantielles, comme souligné précédemment, et il est clair que les seuls marchés,  comme c'est le cas pour l’économie dans son ensemble, sont insuffisants et n'apporteront pas les aides financières et les ressources nécessaires pour réaliser la combinaison indispensable d'une réduction significative d'émissions, d'adaptation aux conditions climatiques déjà changeantes, de la sécurité énergétique et d'une  croissance économique équitable et écologique.
D’autres instruments de régulation des émissions qui pourraient être mis en place à l’échelle mondiale doivent être pris en considération, y compris une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre, à la fois au niveau national et mondial. Toutefois, les taxes carbones devraient être envisagées avec circonspection afin d’éviter des lacunes et, particulièrement, d’empêcher les compagnies qui produisent ou brûlent des combustibles fossiles de transférer l’augmentation de leurs coûts vers les  secteurs les plus pauvres de la population.
Le marché du carbone est utilisé en Europe et fait partie de la législation actuellement proposée par les Démocrates au Congrès des Etats-Unis. Toutefois, des questions ont été soulevées quant à son efficacité, non seulement comme instrument national et régional,  mais surtout par rapport à son fonctionnement global, notamment en ce qui concerne la réduction urgente des émissions dans le monde.
 En principe, une taxe carbone imposée sur les émissions de GES basée sur une quantité émise, encouragerait  les émetteurs à réduire leurs émissions et les entrepreneurs à créer des alternatives. Dans un premier temps, la taxe carbone  affecterait les producteurs, mais étant donné que l‘augmentation du coût du carbone se répercute sur les économies, cette politique devrait promouvoir la transformation en technologies à faible teneur et l'utilisation efficace des énergies à tous les niveaux.
Un des objectifs des taxes carbone, est de permettre la prévision des prix de l’énergie et d'être un stimulant plus efficace pour amener les marchés à produire une technologie d’énergie propre ; elles pourraient être mises en œuvre plus rapidement que des systèmes de bourse compliqués ; elles sont transparentes et compréhensibles et donc plus susceptibles de gagner le soutien du public ; leur mise en œuvre laisse beaucoup moins de marge à la manipulation et à l’exploitation par des intérêts particuliers; les taxes carbone traitent les émissions des GES dans tous les secteurs et non seulement l’industrie de l’électricité comme c’est le cas pour  certains systèmes de bourse ; les revenus des taxes carbone pourraient être reverser au public au travers de dividendes ou de taxes progressives - autrement dit, des sommes d'argent qui interviennent dans les marchés de carbone pourraient être mieux utilisées pour réduire des taxes régressives, protéger les foyers pauvres  et aider les familles à utiliser moins d’énergie ; les pays auraient plus d’une raison de renforcer de telles taxes et ainsi la conformité serait un problème de régulation moins grave qu’avec un permis de carbone compliqué et volatile et des systèmes de compensation.
L’argument a aussi été avancé qu’une taxe carbone appliquée globalement pourrait offrir de meilleurs espoirs pour réduire l’actuelle division entre les pays développés et en développement. L’idée serait d’essayer de fixer un prix uniforme pour le carbone, partout et de la façon la plus directe possible. La taxe pourrait être ajustée annuellement par un organisme mondial, similaire en structure et en objectif à la Cour internationale climat/environnement,  dont question dans ce rapport. Conformément au principe de responsabilités communes mais différenciées, les pays en développement qui optent pour la taxe pourraient recevoir un pourcentage des revenus de la taxe carbone des pays développés pour aider à financer les transferts de technologies, la préservation des forêts et l’adaptation aux changements climatiques déjà existants. Ainsi, afin d’encourager les petits pays en développement à y prendre part, ils pourraient être autorisés à participer, dans un premier temps, sur base d’une taxe moins importante ou minimale. Concernant la mise en œuvre efficace, une taxe carbone globale, pourrait mieux fonctionner si elle était appliquée aux points clés où les flux de carbone sont les plus concentrés – par exemple, les raffineries de pétrole, les lignes de gaz, les  charbonnages, les terminaux de gaz naturel liquides, et les aciéries, l’industrie de l’aluminium et chimique. Une taxe uniforme sur les émissions de GES appliquée à un nombre relativement restreint de grands sites permettrait une meilleure surveillance et pourrait être révisée lors de l'évaluation annuelle des politiques économiques et fiscales déjà mises en œuvre par le FMI.
Enfin, parce que la taxe carbone est le système potentiellement le plus transparent, le plus sûr et le plus équitable, elle peut mieux répondre à une approche globale du changement climatique basée sur la conscience collective internationale et la solidarité, sans lesquelles l’objectif de préservation ne pourra pas être atteint, peu importe comment les chiffres sont additionnés. Il faut également prendre en considération les approches sectorielles qui appliquent des normes similaires de contrôle d’émission  dans les industries ayant des normes similaires de production, par exemple, l’aviation, l’acier et la navigation.  Le Plan d’Action de Bali  réfère à « des approches sectorielles coopératives et à des actions spécifiques par secteur » comme élément potentiel du régime de mitigation des GES post 2012. Mais la question de l’approche sectorielle demeure complexe et la preuve a été donnée qu'elle provoque des divisions.
Plutôt que de traiter l’ensemble des économies et tous les types de GES sous un régime unifié, une approche sectorielle impliquerait la création d’une série d’accords internationaux pour traiter séparément les différents secteurs et les gaz. Les accords secteur-niveau seraient basés sur des critères standards globaux pour des secteurs spécifiques ou des catégories de sources de GES. Les pays en développement seraient inclus et pourraient bénéficier de certaines mesures incitatives pour les aider à les réaliser, alors des restrictions commerciales pourraient être imposées pour faire  respecter les  accords dans les secteurs de commerce sensible.
Certains estiment qu’un premier avantage de l’approche  sectorielle,  est qu’elle traiterait la question “de la fuite de carbone”, quand l'activité économique dans les industries à grande consommation d'énergie à l'échelle mondiale, tels que l’aluminium, le ciment et l'acier, se déplace d’une région avec des « pointes carboniques » et  vers une autre qui n’en a pas. L’environnement  bénéficierait du fait que les industries seraient amenées à agir selon les mêmes normes, partout dans le monde, a-t-on souligné. D’un autre côté, une approche sectorielle serait, selon quelques uns, économiquement moins efficace et plus compliquée à gérer qu’une approche économique large. De plus, beaucoup de pays en développement craignent qu’une approche sectorielle ne leur imposer des objectifs de réduction,  sans garanties claires d’une assistance financière ou de transferts de technologies. Il y a aussi la question de savoir comment une série d’accords sectoriels séparés pourrait être coordonnée et mesurée afin d’assurer que les niveaux de réduction d’émissions nécessaires pour atteindre les 2 degrés Celsius soient satisfaits.
Il est possible d‘incorporer utilement certains éléments d‘une approche sectorielle dans un accord général sur le climat. Mais étant donné ses complexités inhérentes et les effets de polarisation constatés jusqu'ici ceci devrait être vu comme secondaire par rapport à la tâche fondamentale de se concentrer sur des terrains d’accord et de jeter les ponts nécessaires pour arriver à Copenhague à un accord global intégral basé sur des engagements larges et partagés.
En même temps, des mesures incitatives doivent être prises pour rendre les productions d'énergies renouvelables et à faible teneur en carbone plus attractives, et en cela, le rôle des politiques, des gouvernements et du secteur public est crucial. Les marchés sont une composante dynamique de l’économie mondiale, mais la crise financière globale a rendu évident que les marchés peuvent être surévalués et  nuisibles, s’ils ne sont pas régulés de façon adéquate. Ainsi, le défi du changement climatique démontre clairement le besoin d’un nouvel équilibre entre les gouvernements, les marchés et la société.
L’énergie solaire, éolienne et la puissance géothermique sont parmi les ressources d’énergie renouvelables les plus prometteuses. Exploiter l’énorme puissance du soleil au travers de panneaux solaires et autres technologies est une source d’énergie propre sûre et sans limites. Augmenter l’investissement public dans ce domaine en prenant des mesures incitatives  pour son utilisation et son développement dans le secteur privé, pourrait accroître de façon substantielle le  pourcentage toujours faible que l’humanité retire actuellement de l’énergie solaire. L’énergie éolienne est aussi une source d’énergie propre et renouvelable grandement sous-utilisée. L’Europe est à mi-chemin dans ce domaine, notamment grâce à l’exploitation du vent au large, et tend à générer un quart de son électricité au travers de turbines à vent au large dans un peu moins d’une décennie. Des politiques publiques, qui, comme dans ce cas, promeuvent l’utilisation de l’énergie éolienne et la participation des compagnies du secteur privé dans sa production contribuent à montrer la voie à suivre pour d’autres régions du monde dans leurs efforts pour bénéficier de l’énergie éolienne.
L’énergie géothermique est également un champ d’exploitation prometteur, compte tenu notamment des récentes découvertes d’énormes réserves d’énergie de chaleur dans l’écorce terrestre. Aujourd’hui, l’exploitation de l’énergie géothermique est encore peu opératoire dans le monde, mais les nouvelles réserves découvertes sont un potentiel énorme, si les politiques et mesures incitatives appropriées sont appliquées.
La création récente  de l’Agence Internationale pour les Energies renouvelables (IRENA) avec une participation initiale de plus de 100 pays, est un développement positif. Le rôle de l’IRENA est d’assister à la fois les pays en développement et les pays développés dans la transformation en économies d’énergies renouvelables, grâce à des soutiens financiers et technologiques.
Dans le contexte des problèmes climatiques, l’énergie nucléaire a fait l’objet d’un intérêt renouvelé  car elle est une source d’énergie faible en carbone 24 heures sur 24. Selon l’Agence Internationale de l’Energie atomique (AIEA), l’énergie nucléaire procure actuellement 14 pour cent des réserves électriques globales.
Toutefois, une grande inquiétude persiste à propos de la puissance nucléaire,  notamment en ce qui concerne les problèmes persistants en matière de sécurité et de possibilités de stockage des déchets ; les questions potentielles de sécurité et de risques environnementaux si les secteurs de la puissance nucléaire devraient accroître rapidement ; les coûts élevés des capitaux, qui s’intensifient encore, particulièrement durant la crise économique globale en cours, et qui ont généralement excédé le coût des énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire ; dans certains pays les « encombrements » dans la production de composantes clé requièrent la construction de centrales ; le long délai de construction ; et l’utilisation à grande échelle de l’eau alors que nous connaissons des pénuries d’eau à cause du réchauffement global.
Ces inquiétudes sont à la base de l’argument selon lequel le monde devrait 


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