Avec une nostalgie du passé de la coexistence religieuse et de la spiritualité, Mme Rabiâa Benhima, issue d'une famille safiote ancestrale, se remémore des souvenirs des rituels du Ramadan dans cette ville séculaire. Depuis sa demeure au quartier "Plateau", dont les modes de vie ont connu de profonds changements, la septuagénaire Rabiâa fait défiler des images du passé sur le Ramadan chez les Safiotes, marquées depuis toujours par la coexistence religieuse et le respect de l'autre.
Coexistence et respect de l'autre
Certes, la vie a connu certaines mutations, mais la coexistence entre musulmans et juifs dans cette cité reste gravée dans la mémoire collective.
Un orchestre composé de musiciens de confession juive donnait, la veille de l'Aid Al Fitr, un récital devant les domiciles des représentants de l'autorité et des notables de la ville, exprimant ainsi de la façon la plus sublime, leurs félicitations aux populations musulmanes, raconte Rabiâa.
La coexistence religieuse a été, depuis toujours, l'une des spécificités de Safi qui aspire à développer son potentiel moderne, tout en préservant ses traditions spirituelles et religieuses.
Le premier jeûne
Fidèles aux traditions, les familles safiotes ne manquent pas de célébrer le premier jeûne de leurs enfants. Dès que le Muezzin appelle à la prière du Maghrib, l'enfant en habit traditionnel se voit mettre une bague argentée sous la langue et on lui donne du lait, des œufs et des pâtisseries marocaines sous une salve de youyous des parents et des proches qui lui présentent des cadeaux à cette occasion.
La table de rupture du jeûne
Le poisson reste, incontestablement, le plat principal de la rupture du jeûne chez la population de Safi connue pour son savoir-faire dans la préparation de délicieux et exquis plats. Des pâtisseries marocaines, notamment "El Maqroute", garnissent la table safiote. Il s'agit d'une pâte à base de semoule, de levure, du miel et des sept épices découpée en losanges.
Outre les pâtisseries vendues sur le marché local, la table safiote est ornementée par la soupe traditionnelle marocaine (Harira), des crêpes, du café, du lait, des œufs, des dattes et la chebbakia.
Rabiâa se rappelle aussi lorsque les jeûneurs mangeaient après le ftour, chacun selon ses moyens, une tête de mouton cuite à la vapeur, des brochettes de viande, du poulet ou du rôti et des fruits de saison. Le repas du shour, qui précède le début d'une nouvelle journée de jeûne, est tout aussi riche en glucose et autres éléments énergétiques aidant à résister à une nouvelle journée de faim et de soif.
Le " neffar " : un réveil au shour
Rabiâa se remémore également avec nostalgie les sons joués par le "neffar" qui déambulait dans les ruelles sombres de la ville et informait les riverains du début du mois sacré, de la mi-Ramadan, de la nuit Sacrée et de l'avènement de l'Aid Al Fitr.
En retour, cet artiste saisonnier bénéficie des largesses des populations qui gardent en leur mémoire un souvenir indélébile des mélodies jouées par le neffar.
Les pâtes maisons
Pour sa part, M. Haddi, un natif de Safi et un descendant de la Zaouia Darkaouia, s'enorgueillit de l'habileté des femmes de Safi qui préparent elles-mêmes les pâtes alimentaires lors de ce mois sacré, affirmant qu'il est indigne qu'une femme achète des pâtes au marché.
Les produits variés vendus désormais sur les marchés pourraient exciter le grand appétit des jeûneurs mais ils risquent de faire oublier aux nouvelles générations des saveurs et délices faits maison "made home".