Projet de création d’un centre de transfert de déchets au cœur de la forêt de chêne liège : Crime écologique prémédité à la Maâmora


A.J
Mardi 9 Mars 2010

Projet de création d’un centre de transfert de déchets au cœur de la forêt de chêne liège : Crime écologique prémédité à la Maâmora
Lahcen, vingt ans, était sur un nuage. «Je voudrais être champion d’athlétisme», souhaite cet athlète de l’équipe junior des FAR inscrit au Centre national de football. Apparemment, ce jeune athlète était sans nouvelles de ce qui allait advenir de la forêt Maâmora où se trouve le Centre. Il ne savait pas que ce bout de paradis allait accueillir un centre de transfert de déchets. «Quoi ?», se demande-t-il, en portant un doigt sur sa tempe comme pour chasser un mauvais sort. «Oui, mais cette décharge peut-elle être limitrophe du Centre?», lance-t-il, le regard sombre. Décidément, il avait peur pour son avenir d’athlète. Mais «c’est tout l’avenir de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër qui est en danger», lui explique M. Bellahrech, un acteur associatif. Ce samedi, M. Bellahrech a dû écourter ses occupations de père de famille pour rejoindre un bataillon de militants formant un collectif associatif contre ce qu’ils appellent «le projet de massacre de la Maâmora». Pas moins d’une dizaine d’associations ont constitué ce collectif. «Espace Sala al-Jadida», «Association Amal Al-Maâmora», Association Al Assala A    Al-Maghribia», «Association Achbal Maâmora», «Association marocaine de l’éducation des jeunes», «Association Sala Al Mostakbal» … Objectif : s’opposer au projet d’installation du centre de transfert des déchets au cœur de la plus grande forêt de chêne liège au monde, initiée par l’ancien et validée par l’actuel Conseil de la ville de Salé. Un scénario catastrophique s’annonce. «Environ 70 camions à ordures vont décharger quotidiennement près de 400 tonnes de déchets sur la forêt Maâmora», alerte l’un des militants, en pointant les détritus qui commencent à débarquer sur le site. Les traces de ce «crime» annoncé, on pouvait aisément les relever sur les lieux. Ici, on pouvait trouver des sacs de ciments, ou de gypse, entre autres matières de construction ; là, des déchets ménagers «débarqués» à l’abri des regards indiscrets ; ailleurs, des chênes liège carrément coupés. Sur ce point, les militants se montrent précis et autrement vigilants. «L’installation du centre de transfert à la forêt Maâmora implique une grande opération de déboisement», mettent-ils en garde. Ce centre est prévu sur une superficie de 5000 mètres. «Sachant l’absence d’éclaircie de cette superficie à la forêt Maâmora, on peut imaginer facilement que cette opération va se faire aux dépens de plusieurs dizaines de chênes liège», avertissent-ils. Mais il y a plus grave. La crainte, la plus grande, est que cette opération serve de prétexte à une déforestation grandeur nature. Les militants montrent du doigt «le lobby de l’immobilier qui rôde autour d’une forêt pourtant classée sur la liste du patrimoine de l’humanité». Plusieurs pelleteuses avaient élu domicile aux alentours de la forêt. Des appartements de 60 mètres carrés y poussent comme des champignons. «De vraies cages à lapins présentés comme des logements sociaux», dénonce un riverain. Mais là est une autre question. Le projet de décharge menace, au-delà des résidences limitrophes, d’autres centres certes un peu lointains mais qui ne seraient pas à l’abri du danger. On évoque le Centre national Mohammed VI des handicapés, situé à environ 200 mètres de la décharge. On cite, également, la Faculté de Droit, l’aéroport de Salé, le centre récréatif Al Arjat … Le comble ? «La résidence Royale, située à l’autre bout de la forêt, ne sera pas épargnée par les odeurs nauséeuses qui seront dégagées», affirment les militants, qui disent être prêts à tout pour contrecarrer le projet. Interrogés sur leur modus operandi, ils révèlent leur plan de bataille. Tout a, d’abord, commencé par un sit-in au cœur du Conseil de la ville de Salé, lors de sa réunion en septembre 2009. Ce dernier aurait dû alors écourter cette réunion tellement les protestations étaient fortes.
Mais, paraît-il, la question dépasserait l’actuel Conseil de la ville. Contactés par «Libé», des responsables communaux ont affirmé avoir exploré toutes les possibilités de déplacement du centre vers un autre site que celui de la Maâmora, en vain. «Nous avons d’abord proposé que le centre soit aménagé sur la route d’Akrach, à Rabat. Mais malheureusement, il y avait une réticence de la part de l’Agence d’aménagement du Bouregreg. L’Agence a refusé que ce centre soit implanté à côté de la rivière, à la symétrie par rapport au site de transfert de Rabat», explique l’adjoint au maire de Salé chargé de la gestion déléguée, Abdellatif Soudou. «Devant le refus de l’Agence, notre commune a essayé de trouver d’autres sites à Laâyiada et Hay Essalam-Tabriket. Malheureusement, ces sites n’étaient pas techniquement éligibles», regrette  l’adjoint au maire. Et ce n’est pas fini. Toujours selon ce responsable, «nous avons décidé, - commune urbaine de Salé et collectif associatif compris -, de déplacer le site loin de la population côté échangeur autoroutier Rabat-Tanger-Meknès, mais là encore notre proposition n’a pas été acceptée par le Wali de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër». M. Soudou en réfère à une lettre qui leur aurait été envoyée par le Wali, dans laquelle ce dernier leur aurait signifié ce refus en ajoutant qu’il était pour le maintien du centre au niveau de la Maâmora.
«De tout cela, il ressort que le seul site qui reste est celui de la Maâmora», conclut M. Soudou, résigné.
Mais ce n’est pas de cette oreille que l’entend le Collectif associatif. Affirmant avoir déjà interpellé plusieurs institutions, -gouvernementales ou non gouvernementales, entre autres le ministère de l’Intérieur et le Haut commissariat aux eaux et forêts-, ce Collectif lance aujourd’hui une campagne de pétitions auprès de la population de Sala al-Jadida. La bataille ne fait que commencer … Car cette opération préfigure une série de sit-in qui seront couronnés par un grand rassemblement de protestation le 18 avril prochain, à l’occasion de  la journée mondiale de la Terre.
«Au moment où il est question d’élaborer la Charte nationale de l’environnement, voilà un projet anachronique qui risque de porter un coup dur aux efforts, déployés en amont et en aval, pour préserver notre environnement», font constater les militants associatifs. Déjà la forêt de Maâmora est soumise à de fortes pressions : surexploitation, surpâturage, braconnage, jets d’objets non-dégradables… Ce sont là autant de dangers qui planent sur l’écosystème Maâmora. «Le projet de décharge risque d’achever cet écosystème, ou ce qui en reste», renchérit le collectif associatif, soulignant que le seul poumon que représente la forêt pour la région est en danger d’asphyxie. 


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