Procès ubuesque de Me Maurice Buttin à Lille


Vendredi 21 Février 2014

Procès ubuesque de Me Maurice Buttin à Lille
Un procès ubuesque dans le cadre de l'affaire Mehdi Ben Barka, enlevé à Paris en 1965 et dont on n'a jamais retrouvé le corps. Ce n'est pas un suspect, mais l'avocat de la famille Ben Barka, Maurice Buttin, s’est retrouvé mardi dernier devant le tribunal correctionnel de Lille où le procès a été délocalisé, l’affaire demeurant en instruction à Paris.  Il est poursuivi pour violation du secret de l'instruction après une plainte déposée, c'est un comble, par l'un des suspects de l'enlèvement de Mehdi Ben Barka. 
Devant le palais de justice, des dizaines de personnes se sont attroupées en l’occasion pour scander «Justice pour Mehdi Ben Barka» en appuyant leurs slogans par des pancartes affichant le portrait de Mehdi Ben Barka.
La délégation composée de militants de la Ligue des droits de l’Homme, de Voie démocratique Maroc et de l’Association marocaine des droits humains est venue ainsi soutenir Maurice Buttin, qui se bat depuis cinquante ans au côté de la famille du regretté.
Ce qui se jouait au cours de cette audience fleuve va, en effet, bien au-delà de faits que Maurice Buttin n’a jamais niés. Il les a  même revendiqués. Tout comme, face au président Jean-Marc Lemaire, il explique avoir divulgué l’information à un journaliste, sciemment à la veille d’un déplacement présidentiel au Maroc de Nicolas Sarkozy. Il ne poursuit qu’un seul but : lutter pour que le dossier ne soit pas enterré. Il répétera : «Si j’ai fait ces révélations, c’est parce qu’au Maroc, depuis 2003, il y a des commissions rogatoires qui ne sont pas exécutées. Il fallait faire quelque chose…» Il dira que les mandats d’arrêt délivrés en France ne sont pas plus diffusés.
A 86 ans, Maurice Buttin est avocat honoraire. L’affaire Ben Barka demeure son seul dossier. Si sa convocation l’a blessé – «c’est surréaliste, on risque d’avoir comme seule personne réellement condamnée dans l’affaire l’avocat qui justement défend la famille Ben Barka», a dit son conseil Me Alexis Gublin –, Maurice Buttin a redoublé de combativité à l’audience pour faire avancer «l’autre» affaire. 
D’emblée, il réclame la comparution de son accusateur Miloud Tounzi qui a été condamné à perpétuité en 1967, mais que la justice n’a soi-disant jamais retrouvé. Il sera beaucoup question de cet homme dont l’un des deux avocats, Me Hamid Andaloussi, venu de Casablanca, a présenté comme un paisible retraité. Il y aura alors quelques remous dans la salle où nombre de militants sont venus à l’instar de Bachir Ben Barka, fils aîné de Mehdi Ben Barka qui, pour relancer l’enquête avait déposé une nouvelle plainte pour enlèvement, séquestration et assassinat en 1975. Le second avocat de M. Tounzi, Me Philippe Clément, veille à ce que les débats ne débordent pas sur l’affaire.
Dans une jolie passe d’armes, le procureur Douglas Berthe a d’ailleurs démonté ses arguments, s’appuyant sur le fait qu’au tribunal s’exerce la loi et qu’en l’occurrence, elle ne s’applique pas au cas Buttin. Il plaidera la relaxe tout comme le fera avec beaucoup de lyrisme Me Gublin en défense en concluant : «Mon client a fait ce qu’il a fait car il sait que dans un dossier comme celui-là, le silence tue».
L’affaire a certes été mise en délibéré au 15 avril, mais elle n’a jamais cessé de gêner au plus haut point la diplomatie française. En octobre 2007, alors que Nicolas Sarkozy effectuait un voyage d'Etat au Maroc, la presse avait révélé que le juge parisien en charge de l'enquête sur la disparition de Mehdi Ben Barka avait lancé des mandats d'arrêt contre le général Hosni Benslimane, Abdelhak Kadiri, Boubker Hassouni, Abdelhaq Achaachi et Miloud Tounzi, alias Larbi Chtouki.
Ce dernier avait d’ailleurs été condamné par contumace à perpétuité lors du procès en 1966. Il a néanmoins toujours soigneusement évité d’être entendu par le juge d'instruction.
En revanche, en 2007, il a déposé  plainte pour cette fuite concernant les mandats d'arrêt dans la presse française. Et c'est au titre de plaignant qu'il a donc été entendu au Maroc par un magistrat français. Le procès qui s'est ouvert mardi à Lille est vécu comme une offense par les parties civiles qui se battent depuis plus de 50 ans pour connaître les circonstances de la disparition de Mehdi Ben Barka. 

Le Bureau politique de l’USFP fait part de sa vive préoccupation

L’affaire de Maurice Buttin, l’avocat de l’USFP et de la famille du martyr Mehdi Ben Barka, a été au centre du débat de la réunion du Bureau politique de l’USFP tenue mardi dernier.
Lors de cette réunion, le Premier secrétaire du parti, Driss Lachguar, a tenu à souligner que le procès intenté à l’avocat à Lille est une tentative de voiler la vérité dans l’affaire de Mehdi Ben Barka enlevé et puis assassiné sur le sol français le 29 octobre 1965. Le Bureau politique a exprimé sa vive préoccupation quant à la voie suivie par  les autorités françaises qui, au lieu d’entreprendre  toutes les démarches à même d’élucider la vérité sur la disparition de Mehdi Ben Barka et son assassinat,  ont opté pour la poursuite en justice de l’avocat de la famille Ben Barka. 
Une poursuite qui  constitue un véritable obstacle pour connaître les circonstances de cette disparition qui ne peut plus tolérer atermoiement et silence.  Tout en rejetant ces pratiques qui n’ont pour objectif que  d’enterrer la vérité, le Bureau politique  annonce son soutien à Maurice Buttin et son attachement à dévoiler toute la vérité sur la disparition et l’assassinat du martyr de l’USFP.
La réunion du Bureau politique a été l’occasion pour débattre de la situation politique et sociale dans un contexte marqué par une gestion gouvernementale qui est loin de répondre aux défis à relever par le pays, et ce à tous les niveaux  et par  une volonté préméditée de vider le Parlement de sa substance et de l’empêcher de jouer pleinement son rôle de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer les politiques publiques.
Dans ce cadre, le Bureau politique met en garde contre la situation inquiétante que connaît l’institution législative qui par là même constitue  une véritable menace pour l’édification  du processus démocratique. De même qu’il déplore la décision du gouvernement qui a opté pour la libéralisation des secteurs stratégiques de la santé et de l’éducation ; laquelle décision aura sans conteste des répercussions négatives sur de larges couches de la société. 
A l’issue de cette réunion, il a été également décidé de constituer une commission élargie composée des membres des deux Groupes parlementaires, du Bureau politique et de membres de la Commission administrative, dans le but de présenter davantage de propositions lors de la prochaine session du Parlement.
 

Pétition de solidarité avec l’avocat de la famille Ben Barka

Procès ubuesque de Me Maurice Buttin à Lille
« Nous, associations et organisations signataires, sommes scandalisées d’apprendre que l’avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin, sera jugé le 18 février à Lille pour «  violation du secret professionnel ».
Force est de constater qu’au lieu d’agir dans le sens de la levée des blocages pour favoriser la manifestation de la vérité sur le sort de la disparition de Mehdi Ben Barka, les autorités judiciaires françaises n’ont mieux trouvé que de poursuivre en justice le plus ancien avocat de la famille Ben Barka qui prend en charge l’affaire depuis 50 ans. Elles reprochent à Me Maurice Buttin d’avoir divulgué des secrets de l’instruction à propos des mandats d’arrêt internationaux lancés contre les sécuritaires marocains en 2007*.
Cette plainte fait curieusement suite à celle de Miloud Tounsi, concerné par ces mandats d’arrêt, contre le journaliste Joseph Tual, spécialiste de l’affaire. Ce procès a, rappelons-le, été perdu par Miloud Tounsi.
Au moment où les blocages politiques continuent d’empêcher la justice de progresser dans l’établissement de la vérité, les autorités judiciaires françaises s’en prennent scandaleusement à l’avocat de la famille de la victime. 
  Par ces procédés d’intimidation,  on tente vainement d’empêcher la famille Ben Barka et son avocat de poursuivre ce travail acharné, entamé il y a presque 50 ans, et de rechercher la vérité quant aux circonstances exactes de la disparation du leader marocain. 
Cela confirme malheureusement la volonté de poursuivre la même politique de complaisance et de complicité avec les autorités marocaines pour que rien ne soit dévoilé sur ce crime abominable commis au cœur de Paris.
Les associations et les organisations signataires dénoncent ces procédés et réaffirment leur soutien à Maître Buttin et à la famille Ben Barka. Elles considèrent que rien ne pourra arrêter le combat engagé pour que triomphent la vérité et la justice.
Paris, le 13 février 2014
 
Pour signer ce texte, veuillez envoyer un message à cherbib@gmail.com ou ayadahram@orange.fr  
 
* Les cinq personnes visées par ce mandat d’arrêt international sont le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, Abdelhak Kadiri, ancien patron de la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, l’un des membres présumés du commando marocain qui aurait enlevé Ben Barka, Boubker Hassouni, infirmier et agent du Cab 1, une des unités des services marocains ultrasecrète, et Abdelhaq Achaachi, également agent du Cab 1. »   
 
 
 

La question de Bachir Ben Barka à l’Etat marocain

Procès ubuesque de Me Maurice Buttin à Lille
Dans un entretien téléphonique avec Bachir Ben Barka, fils du martyr Mehdi Ben Barka, ce dernier a confirmé que sa famille, via ses avocats, avait réclamé à maintes reprises une commission rogatoire pour qu’un juge français puisse venir au Maroc en vue d’auditionner tous les responsables marocains dont les noms sont cités dans cette affaire, y compris Miloud Ettounzi Chtouki. Après l’avis favorable de la justice française concernant ce dossier, la réponse de l’Etat marocain était qu’il ignorait les adresses desdits responsables, ainsi que celle d’Ettounzi et le lieu où il se trouve. Aujourd’hui, celui-ci a une adresse, ainsi qu’un lieu de contact qu’est le bureau de son avocat marocain, connu et inscrit au barreau de Casablanca. Partant de là, Bachir Ben Barka s’interroge sur la réponse qu’apportera l’Etat marocain sur la question de la commission rogatoire sur ce dossier.
 

Le témoignage de Abbas Bouderka

Procès ubuesque de Me Maurice Buttin à Lille
Dans un entretien téléphonique avec Abbas Bouderka au sujet de l’audition du présumé Miloud Ettounzi dans le cadre des séances d’audiences publiques de l’Instance équité et réconciliation, il nous a déclaré ce qui suit :
« Dans le cadre de notre mission à l’Instance équité et réconciliation, nous avons auditionné le citoyen marocain Miloud Ettounzi, ancien fonctionnaire de la Sûreté nationale, sur l’affaire de l’enlèvement et de la disparition du martyr Mehdi Benbarka. Il a prétendu en premier qu’il n’avait aucun lien avec ce dossier. Mais lorsque nous lui avons posé des questions précises, il est resté  évasif. Alors quand nous lui avons sorti des preuves irréfutables, il a apporté des réponses sur certaines, ce qui a prouvé son implication.A la question s’il avait voyagé à Paris en octobre 1967, sa réponse était affirmative, confirmant qu’il avait fait, sur ordre de Dlimi, le voyage en compagnie de l’étudiant marocain El Ghali El Mahi  qui collaborait à l’époque avec le CAB1. Et d’ajouter qu’ils étaient accueillis à l’aéroport Orly à Paris par Antoine Lopez chez qui ils avaient dîné et passé la nuit (Antoine Lopez est un maillon essentiel dans l’exécution de l’opération de l’enlèvement du martyr Mehdi Ben Barka). A la question s’il avait rencontré en France les quatre accusés français (Andre Loné, Georges Boutchiche, Jean Palis et Pierre Debaie) qui avaient des antécédents judiciaires et qui sont impliqués dans l’affaire d’enlèvement, il a répondu qu’il avait rencontre quatre citoyens français en tant qu’hommes d’affaires et qui avaient l’intention d’investir au Maroc.
A la réponse à une dernière question lors d’une audience qui a duré plus de 3 heures et demie, s’il avait déjà voyagé avec un passeport au nom de Chtouki, il a répondu clairement : oui. Et c’était la seule réponse où il n’avait tenté aucune esquive »
 


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1.Posté par benoutiq rachid le 22/02/2014 07:52
tout le monde connait la fin tragique du general oufkir et celle du general dlimi. la vraie et réelle justice est celle devine ou les vrais criminales ne peuvent y echapper.
sauf DIEU seul connait la vérité . on ne peut pas savoir la vérité sur des faits qui datent de plus de 50 ans.
les personnes soit disant impliquées doivent avoir le courage de dire la vérité et divulguer ce qu'elles savent au moins pour leurs consciences soient tranquilles. demander pardon aux victimes .demander clemence à DIEU ; si'elles sont vraiment coupables ; on est tous des faibles ; c'est la nature humaine.

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