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La jeunesse de cette merveilleuse gratification de géographie humaine qui s'appelle Rachid ou Redouane, Amina ou Zohra, d'un côté comme de l'autre, souffre de quelque chose de terriblement douloureux qui la pénalise dans son droit d'identification et d'essor.
Combien sont-ils venus au monde, filles et garçons, depuis le prometteur Sommet de Marrakech en 89? S'ils sont vivants, ils sont majeurs et vaccinés. Et donc, au moins ceux-là, ils ont le droit qu'on arrête de leur raconter des histoires de danger terroriste, de périls armés fous furieux sur leurs territoires respectifs, communs en vérité. En cette dixième commémoration des attentats du 11 septembre, ils n'ignorent pas qu'ils résident à Casablanca ou Oran, que la menace fanatique peut frapper partout après le raid sur le Pentagone.
Car pour ce qui concerne la foi musulmane, son apprentissage dans le respect de soi et d'autrui commence dans la famille et à l'école grâce aux parents et maîtres qui inculquent ses principes et concepts. Cette jeunesse-là le comprend profondément aujourd'hui, tant en Algérie qu'au Maroc. Mieux, des anciens connus par le passé résolument radicaux qui dirigeaient le Front islamique du salut, qui sont parents ou grands-parents, rencontrés, n'hésitent plus à se prononcer sur le ridicule frontalier clos depuis plus de dix-sept ans, «alors que des Européens s'ignorant leurs langues vont et viennent à l'envi d'un pays à l'autre pour s'entremêler leurs cultures et leurs savoirs», raconte un ancien responsable d'un grand parti algérien dans une aérogare bruxelloise.
Maintenir hermétique une voie de circulation de plus de mille quatre cents kilomètres d'aubaine de confrontation fraternelle est un acte de flagrant mépris au devenir d'un Maghreb solidaire œuvrant pour le développement de ses richesses humaines et matérielles, pour l'essor de ses capacités dans le travail de la terre, de la manufacture et dans les services.
Le Maghreb n’a-t-il démontré ses compétences de modernité dans la rive Nord de la Méditerranée, en Amérique du Nord ou au Moyen-Orient? Il faut laisser se complaire dans la cécité pour ne pas admettre la diaspora maroco-algérienne dans les élites métropolitaines de France et de Navarre, dans tous les domaines de l'excellence, en politique, en économie, dans l'agropastoral et dans la culture.
Beaucoup de choses ont été avouées, à tort ou à raison, dans les débats ayant trait à la valorisation du colonialisme français dans l'Histoire globale ou dans ses particularités - le Maghreb pour ce qui concerne le sujet - mais on ne raconte quasiment jamais le phénomène inverse: dans la diachronie de l'enchevêtrement civilisationnel, peu importe le fort ou le faible, l'incontournable apport des populations du Maghreb dans l'édification de l'Europe puissante telle qu'elle est aujourd'hui. Avec, pour des exemples au hasard, depuis une Rachida Dati et Fadila Amara jusqu'à un Tahar Ben Jelloun, Mohamed Arkoune et Assia Djebar en passant par un Gad, Kad, Zizou, mais aussi, ici et là, un Albert Camus, Enrico Macias, Patrick Bruel, Pierre Cardin, etc., pour ne pas oublier les pieds-noirs, évidemment.
C'est surtout comprendre que l'intérêt du Maghreb moderne doit échapper aux considérations qui contournent l'entendement. Qu'on dresse n'importe quelle espèce de figure de gouvernance, avec les emblèmes philosophiques qu'on veut montrer - la politique c'est la politique - le jeune de Rabat ou d'Alger, de Laâyoune ou de Tizi Ouzou, possède un avenir à construire. Yacine ou Karima, Moha ou Aouicha, la nature ne les a pas programmés pour attendre la prostate ou l'ostéoporose pour voyager en toute liberté dans leur Maghreb qu'ils regardent à la dérobée dans les chaînes du satellite. Soyons sérieux au moins quand on fait semblant d'être sérieux. Nous promouvons fièrement la langue de Syphax et de Massinissa, d'un côté, et nous obligeons notre sang frais avide d'émancipation à user de mesquineries dans les bornes, de Figuig à Béni Nsaf et à un pas plus loin où sans longue vue on voit El Hoceima, pour visiter l'autre côté de sa patrie. D'aucuns parmi les candidats juvéniles aux expéditions maritimes périlleuses, de guerre lasse, se résignent à se sentir cyniquement condamnés à envier les voisins de l'autre côté de la mer qui ont le droit de prendre le petit déjeuner à Barcelone, le repas de midi à Bordeaux et le dîner à Bruxelles.
Alors, jetons les maudits passeports à la poubelle et exhibons haut les tickets d'autobus ou les billets de train, comme des cartons rouges dans les frontières des Zouj Bghal en disant aux gardes-frontières : « Nous sommes Maghrébins, nom de Dieu, Mais vous, vous êtes qui ? »
* Libre penseur algérien