Préférant le monologue télé au dialogue avec les parlementaires : Benkirane fait son one man show


A.S.
Vendredi 8 Juin 2012

Préférant le monologue télé au dialogue avec les parlementaires : Benkirane fait son one man show
Le fait est à inscrire dans les annales. C’est la première fois de l’histoire qu’un chef de gouvernement marocain impose à ses concitoyens de le voir seriner ses vérités sur toutes les chaînes de télévision et, surtout, de développer des sujets sur lesquels il a pourtant refusé de dialoguer avec les membres de la Chambre des conseillers.  
Imbu de son pouvoir, parce qu’il représente l’avis de l’autorité du moment, Abdel-Ilah Benkirane s’est généralement révélé d’une clarté limpide chaque fois qu’il s’est exprimé en tant que patron du PJD. Il a été, malheureusement, moins intelligible en formulant son opinion en tant que patron de l’Exécutif.
C’est donc à son corps défendant qu’il a avoué hier son incapacité à se mettre au diapason du principe de la continuité des institutions. Ce qui, au demeurant, est à ce point patent qu’il n’est plus à prouver. Mais il en a surpris plus d’un quand il a dilué la question de l’incapacité de son équipe à faire face à l’accumulation des problèmes sans en préciser l’étendue, ni les responsables. Qui a-t-il voulu mettre à l’index ? Le gouvernement dans toutes ses composantes ? Les partis de la majorité ? Tous les partis ? Toute la société ?
On est tenté de compatir quand on a entendu ses complaintes tirées un peu comme s’il avait été contraint au purgatoire du pouvoir. A en oublier que c’est lui qui nous avait promis monts et merveilles lors de la dernière campagne législative et a fait accroire aux électeurs qu’il possédait une sorte de baguette magique pour résoudre tous les problèmes en un tour de main.
Si le reste peut n’être que conjecture, une chose semble sûre : son discours populiste et sa nette propension à couper la parole aux deux journalistes commis d’office pour l’interviewer nous ont laissé un arrière-goût d’inachevé, voire de pathétique que ses péroraisons sur le panier de la ménagère ou les femmes n’ont pas réussi à dissiper.
Faisant tantôt dans l’arrogance, tantôt dans le monologue toujours orienté dans un sens précis, et la plupart du temps dans la logique fallacieuse, Benkirane n’arrive plus à convaincre malgré ses sempiternelles blagues et son sourire enjôleur puisque chaque fois que quelqu’un, fût-il un élu du peuple, a essayé de le prendre à la gorge il lui a toujours sorti sa sempiternelle ritournelle : «Donnez-moi du temps».
Or, ce n’est pas de temps que le Maroc a le plus besoin, mais d’action. Ceci d’autant plus qu’on n’en est plus au stade où l’on peut se permettre le luxe de disserter sur tout et n’importe quoi. La gouvernance suppose que les femmes ou les hommes du pouvoir connaissent leurs dossiers et surtout, qu’ils ne personnalisent pas les structures de leurs secteurs respectifs, comme le chef du gouvernement a essayé de le faire hier devant les caméras de toutes les chaînes publiques ou d’user à satiété d’une logorrhée qu’ils croient synonyme d’endoctrinement.
En outre, force est de constater que la manière de s’y prendre que Benkirane semble affectionner en a dérouté plus d’un et que son discours  ainsi que celui de certains de ses ministres dérangent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Nos partenaires ne parviennent pas à saisir le sens et la portée de pareilles  démarches et prises de position et se perdent alors en conjectures.
D’aucuns croient voir dans les divergences des discours tenus le signe de luttes intestines au sommet sur fond d’enjeux autour des futures batailles électorales. Mais connaissant les libertés que Benkirane prend depuis son arrivée aux affaires avec les règles protocolaires et les usages politiques et diplomatiques, pour ne rien dire du respect de la légalité constitutionnelle, beaucoup estiment, au contraire, que la lenteur mise pour initier les réformes dont le Maroc a un besoin urgent, relève, tout simplement, d’un caprice érigé en mode de gouvernance.
Le fait est que sa démarche a pris en otage tout un pays. Car il a beau seriner que le gouvernement continue de vaquer normalement à ses occupations, on voit mal comment la situation de crise rampante qu’il a créée pourrait impacter le climat des investissements et surtout en évaluer les conséquences à moyen et long termes.
Quand la facture parviendra aux prochaines générations, les fossoyeurs de l’avenir national ne seront peut-être plus là pour entendre le verdict de l’Histoire.
« En ces temps où les fous guident les aveugles », comme l’écrivait Shakespeare, on ne manquera certainement pas de perdre quelques plumes.
Mais un jour, quand le tour sera fait des victimes expiatoires de la crise dans laquelle le gouvernement Benkirane nous plonge chaque jour davantage, il faudra bien prendre acte de la fin d’une époque. Ce jour-là, la politique sera réhabilitée mais nous sortirons certainement meurtris de la misère conceptuelle dans laquelle le populisme triomphant est en train de nous enfoncer.


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1.Posté par BEHRI ABDELAAZIZ le 08/06/2012 16:08
BENKIRANE est en passe de devenir une école pour nos politicards. Au lieu de le stigmatiser, il faut s'en inspirer. Ainsi, si jamais les Usfpéistes reviennent au pouvoir, ils sauront comment faire. Un demi-siècle de mensonges et de forfanteries, c'est presque une seconde nature.

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