Professeur à la Haskayne School of Business de l'Université de Calgary, Piers Steel a mené une large recherche à ce sujet et a abouti à une estimation inquiétante : 95% de la population mondiale serait victime de procrastination un jour ou l'autre. Et selon le professeur Joseph Ferrari de l'Université de DePaul à Chicago, 20% de la population mondiale est atteinte de procrastination chronique. D'après ce spécialiste, il ne s'agit pas d'un problème de gestion du temps : les personnes qui sont sujettes à ce phénomène savent parfaitement évaluer les délais. Simplement, elles choisissent de ne pas les respecter. Il s'agirait selon lui davantage d'un problème de self-contrôle et d'autorégulation. D'ailleurs, les procrastinateurs ont aussi tendance à boire davantage d'alcool que la moyenne, ce qui est un signe de manque d'autorégulation.
Dans Psychology Today, Ferrari explique également que la procrastination trouve sa source dans l'éducation. C'est un phénomène acquis et non inné, qui trouve souvent son origine dans une éducation autoritaire. Un père dur et enclin au contrôle provoquerait chez ses enfants une difficulté à se réguler, "à internaliser leurs propres intentions et donc à apprendre à agir sur elles".
Selon Piers Steel, auteur du livre L’Équation de la procrastination, le phénomène aurait trois racines principales, qui correspondent toutes à un manque de motivation. La motivation serait en effet le contraire absolu de la procrastination. Le manque de motivation pourrait provenir de trois sources. Tout d'abord, des problèmes d'anticipation et un manque d'espoir dans sa propre réussite : le procrastinateur s'attend à échouer dans sa tâche, et donc il ne l'accomplit pas. Il s'agit d'une forme de manque de confiance en soi. Cette hypothèse est partagée par Joseph Ferrari, qui remarque que les procrastinateurs cherchent parfois activement des distractions, qui sont un moyen pour eux de réguler leurs émotions et d'oublier leur peur de l'échec.
Il peut aussi s'agir d'un manque de considération pour l'activité en question : si ce travail n'a pas de valeur, pourquoi l'accomplir? Enfin, étonnamment, un excès d'impulsivité peut aussi mener à la procrastination, selon les recherches de Piers Steel : "Les personnes qui agissent sans réfléchir, qui sont incapables de garder leurs sentiments sous contrôle, qui agissent par impulsion, sont aussi celles qui procrastinent".
Pourquoi ? Parce que le plaisir ne saurait attendre, contrairement aux autres obligations. Pas question d'attendre une gratification différée en s'attelant à une difficile besogne pour espérer, plus tard, être récompensé. Plutôt que de réviser pour un examen, les impulsifs préfèrent se jeter immédiatement sur les plaisirs faciles, comme regarder la télévision. La tentation du présent est trop forte, et quand bien même le plaisir de réussir un examen serait plus intense, il reste trop éloigné.
Ainsi, les personnes atteintes de "Troubles du déficit attentionnel" (ou ADHD) sont particulièrement sujettes à la procrastication. Ces personnes présentent un déficit de concentration, souvent associé à une hyperactivité : elles ont toujours trop de choses en tête, en trop de choses à faire. Un défaut qui est encore accentué si, pour couronner le tout, vous devez attendre longtemps avant de bénéficier des récompenses et autres bénéfices liés à l'accomplissement de la tâche. C'est le facteur "délai" : plus la récompense risque de se faire attendre, plus la tâche est retardée par le procrastinateur impulsif, qui – paradoxalement - déteste attendre.
La combinaison de ces différents facteurs à parmi à Steel d'établir sa fameuse "équation de procrastination" : "Motivation = (Espoir x Valeur)/ (Impulsivité x Délai)". Comme l'indique la formule, plus l'espoir de réussite et la valeur accordée à la tâche sont faibles, plus grande sera la procrastination. Plus grands seront l'impulsivité et le délai avant la récompense, plus la tendance à la procrastination augmentera.