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Cette affinité entre pouvoir politique et « bourgeoisie » n’est pas étrangère à cette dernière au regard de son histoire un peu lointaine. Il faut dire dans ce sens que ce qu’on qualifie actuellement de «bourgeoisie», est en vérité une «bourgeoisie opprimée» qui porte, surtout dans sa grande composante d’origine andalou-fassie, les séquelles de la Reconquista espagnole. Cela a fait de l’alliance avec le pouvoir politique en place une priorité pour les générations qui vont suivre, dans le seul et unique but : préserver les intérêts économiques et entretenir l’accumulation du patrimoine familial loin de tout projet économique, politique ou social. Cela dit, et en raison de l’histoire, de la formation et du développement de cette classe d’entrepreneurs, ses activités tournaient autour de la spéculation immobilière, des activités rentières, éventuellement quelques industries de transformation et portaient rarement sur des secteurs productifs, créateurs de valeur et de richesse. Cet état de fait soulève un problème conceptuel et une question de pertinence du concept de « bourgeoisie » et de son applicabilité à notre élite économique post-coloniale. Une bourgeoisie est par essence une classe sociale porteuse de projet politique, économique et idéologique…peut-on donc parler de bourgeoisie, et encore de bourgeoisie citoyenne dans le cas marocain ? A partir des éléments historiques, politiques et économiques cités plus haut, on dirait qu’on est plutôt en présence d’un groupe de personnes qui ont accumulé des richesses pendant et après le Protectorat et qui n’ont jamais été guidées par une vision nationale ou un projet de société permettant un développement économique et social et une démocratisation des institutions. Au contraire, on a assisté tout au long des années d’Indépendance au développement d’une « bourgeoisie » liée au pouvoir et aux intérêts étrangers, et dépourvue de tout sens national et incapable de proposer un projet, une vision…
Partant de là, l’exigence de réforme politique qu’impose la nouvelle Constitution, implique dans son sillage une réforme d’ordre économique qui ne peut aboutir que si notre « bourgeoisie » devient citoyenne et par voie de conséquence s’engage dans ce grand projet national de l’édification d’un Etat de droit. La « bourgeoisie » marocaine devrait faire des valeurs de patriotisme, de citoyenneté, de respect du droit et des institutions, de la prise de risque et de refus des situations de rente, ses valeurs d’avenir. La citoyenneté de la bourgeoisie devrait donc se traduire dans ses actes par le respect de la loi, et la lutte contre tous les avantages et privilèges fondés sur des critères de proximité avec les centres de pouvoir. La citoyenneté de la « bourgeoisie » passe aussi par sa participation à la lutte contre toutes les formes d’activités rentières et non productives, et l’orientation de l’investissement national en direction des secteurs créateurs de valeur, de richesse et d’emploi.
L’engagement pour ces valeurs est synonyme d’un engagement pour la lutte contre la corruption, la rente, la bureaucratie et la déviance contre l’initiative créative et innovante. Un tel engagement ne peut que déboucher sur une nouvelle configuration de la « classe » d’entrepreneurs marocains, capable de produire un positionnement social et politique, solide et cohérent, vis-à-vis du pouvoir de l’Etat, et consciente de son rôle de locomotive de l’économie nationale, et de sa responsabilité d’acteur incontournable dans l’accompagnement des projets structurants du Royaume.
Une bourgeoisie citoyenne est finalement une bourgeoisie qui gagne, qui accumule mais dans la légalité, la transparence, la responsabilité et l’engagement patriotique.
* Economiste et professeur à l’Université Hassan II, Mohammedia