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Après des mois de retraite face à l'armée du Kremlin sur le front Est, l'Ukraine a lancé mardi une opération d'envergure inédite dans la région frontalière russe de Koursk, y pénétrant, selon des analystes, sur au moins une quinzaine de kilomètres et prenant le contrôle de plusieurs localités.
"L'objectif est d'étirer les positions de l'ennemi, de lui infliger des pertes maximum, de déstabiliser la situation en Russie -- car ils sont incapables de protéger leur propres frontières -- et de transférer la guerre sur le territoire russe", a déclaré samedi soir un responsable ukrainien du secteur de la sécurité, s'exprimant sous couvert d'anonymat.
L'armée russe a déclaré mercredi que l'Ukraine avait déployé environ 1.000 soldats dans le cadre de cette incursion qui a pris le Kremlin au dépourvu.
Interrogé sur cette déclaration russe, le responsable ukrainien a rétorqué que "beaucoup plus" de troupes de Kiev y participaient, "des milliers".
Dimanche matin, le ministère russe de la Défense a publié de nouvelles images censées montrer une frappe sur une colonne de blindés ukrainiens dans la région de Koursk, ainsi que la destruction d'un char.
Après des jours de silence sur l'opération, le président ukrainien Volodymyr Zelensky l'a reconnue pour la première fois dans son allocution quotidienne samedi soir, déclarant que Kiev cherchait à "déplacer la guerre sur le territoire de l'agresseur".
Face à cette attaque, la Russie a dépêché des renforts et instauré un régime "antiterroriste" dans trois régions frontalières de l'Ukraine, dont celle de Koursk.
Elle a annoncé samedi avoir évacué plus de 76.000 personnes de la zone affectée par l'incursion. L'Ukraine, pour sa part, a demandé l'évacuation d'au moins 20.000 civils de la région de Soumy, située en face de celle de Koursk.
Selon Moscou, Kiev a mené dans la nuit de samedi à dimanche une frappe de missile sur un immeuble résidentiel de la ville de Koursk, capitale de la région, faisant 13 blessés.
En réaction, la diplomatie russe a promis dimanche une "réponse sévère" des forces armées du Kremlin.
La Russie a envahi l'Ukraine en février 2022 et mène depuis lors une offensive incessante, occupant des pans entiers de l'est et du sud du pays et soumettant des villes ukrainiennes à des attaques quotidiennes d'artillerie, de missiles et de drones.
Dans la nuit, un homme de 35 ans et son fils de 4 ans ont ainsi été tués à Kiev, selon les secours, par la chute de débris de missile lors d'une attaque russe.
Selon le responsable ukrainien, l'incursion visait initialement à détourner les forces russes des régions ukrainiennes de Kharkiv (nord-est) et Donbass (est) pour alléger leur pression sur les troupes de Kiev, moins nombreuses et qui manquent d'armement.
Mais, pour l'instant, l'incursion ne semble guère avoir affecté le front Est, a admis ce responsable.
"En principe, la situation n'a pas changé. Leur pression dans l'Est continue, ils ne retirent pas leurs troupes de cette zone", même si "l'intensité" des attaques russes dans l'Est a "un tout petit peu baissé", a-t-il détaillé.
Selon lui, l'attaque a toutefois "pris les Russes au dépourvu" et "a vraiment renforcé notre moral, celui de l'armée ukrainienne, de l'Etat et de la société" épuisées par deux ans et demi d'invasion.
Tôt ou tard, selon lui, la Russie va "arrêter" les troupes ukrainiennes dans la région de Koursk, mais si "au bout d'un certain temps, elle n'arrive pas à reprendre ces territoires, ils pourront être utilisés à des fins politiques", par exemple, lors de négociations de paix, a encore estimé ce responsable.
Il a affirmé que la Russie préparait une attaque de missiles massive contre des "centres de décisions" en Ukraine pour riposter à cette offensive.
Les alliés occidentaux de l'Ukraine étaient prévenus de l'incursion, a-t-il par ailleurs indiqué.
"Vu que l'armement occidental est activement utilisé" dans cette opération "nos partenaires occidentaux participaient indirectement à sa planification", a-t-il dit.
La Maison Blanche avait déclaré mercredi qu'elle contactait l'Ukraine pour en savoir plus sur les "objectifs" de l'incursion.
Le responsable ukrainien a par ailleurs assuré que les troupes ukrainiennes respectaient le droit humanitaire international lors de l'incursion et qu'elles n'avaient pas l'intention d'annexer les zones qu'elles occupent actuellement.
"Il n'y a aucune idée d'annexion... Nous agissons dans le strict respect du droit international", a-t-il déclaré.
"Nous n'exécutons pas les prisonniers, nous ne violons pas les femmes, nous ne pillons pas", a soutenu ce responsable. "Boutcha, Irpine - tout cela n'a pas lieu et n'aura pas lieu", a-t-il ajouté en référence aux atrocités imputées aux troupes russes dans ces villes ukrainiennes début 2022.