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Si l’affaire «Ouzzine et la pelouse inondée du stade Moulay Abdellah» a révélé des dysfonctionnements et irrégularités à la face du monde, elle a aussi et surtout montré l’incapacité du chef du gouvernement à remplir les pouvoirs que lui confère la Constitution. « Force est de le reconnaître. Abdelilah Benkirane s’est volontairement placé en deçà de ses prérogatives de patron de l’Exécutif. C’est comme s’il refusait d’occuper et de remplir l’espace que lui donne la Loi fondamentale. Son incapacité à user de l’ensemble de ses prérogatives est un bien mauvais service rendu à la démocratie », explique ce politologue de la place.
Cette incapacité du chef du gouvernement à faire usage de tous ses pouvoirs, et notamment de l’article 47 de la Constitution, s’est cristallisée à l’occasion de l’affaire du ministre de la Jeunesse et des Sports au lendemain du scandale planétaire du Mondialito. Alors que l’opinion publique n’en finissait pas de proclamer sur tous les tons et à tous les modes son indignation, Abdelilah Benkirane a fait montre d’un incroyable déni de la réalité lors du dernier Conseil de gouvernement. « Ce qui s’est passé n’est pas grave. C’est juste une affaire embarrassante. Une pelouse qui a coûté 22 milliards inondée, cela peut arriver à tout le monde. Le gouvernement a son bilan. Il a ses réalisations. Rien ne doit nous détourner de cela », dira-t-il en substance à ses ministres. « Pas un mot sur les responsabilités. Pas un mot sur le principe de la reddition des comptes. On était tout simplement dans la troisième dimension. On avait l’impression que le chef du gouvernement avait tourné la page de cette affaire qui a fait le tour du monde en donnant une bien triste image de notre pays», confie un ministre encore surpris par autant de sollicitude en direction d’un ministre au moins responsable politiquement d’un Mondialito qui a tourné au mauvais vaudeville.
La majorité plutôt que
la bonne gouvernance
En tenant un tel discours, et c’est le plus grave, Benkirane a surtout soutenu un ministre appartenant à sa majorité. A-t-il sacrifié les intérêts du pays en ce qui concerne notamment la bonne gouvernance sur l’autel de la coalition gouvernementale qui lui est visiblement plus chère? A-t-il cédé aux pressions du Mouvement populaire et aux menaces de la dame de fer des Harakis qui se trouve être la belle-mère du ministre de la Jeunesse et des Sports? A l’évidence, Benkirane n’a revêtu pour la circonstance que ses habits de chef de la majorité. «Même le fait qu’Ouzzine soit juge et partie dans le cadre d’une enquête ouverte sur ce scandale ne l’a pas gêné. On aurait tellement voulu qu’il soit plus strict au niveau des principes et des procédures, lui qui est à la tête d’un gouvernement qui se vend comme le porte-voix de la transparence», commente ce ténor de l’opposition avant de pointer «les occasions ratées d’un Exécutif qui se fait, à chaque fois, sonner la fin de la récré par le chef de l’Etat».
Et vendredi 19 décembre, l’agence Maghreb arabe presse donne l’information en tout début d’après-midi. Le Roi a ordonné au chef du gouvernement de suspendre le ministre de la Jeunesse et des Sports de toutes ses activités ministérielles liées à la Coupe du monde des clubs champions et à qui il a été fermement demandé de ne pas assister à la finale qui a eu lieu samedi à Marrakech sous la présidence du Prince Héritier. Le chef de l’Etat a enfin appelé à l’ouverture d’une enquête approfondie pour déterminer les responsabilités dans les dysfonctionnements qui ont conduit à un tel scandale. Ce qui signifie en clair que l’enquête diligentée par le ministère de la Jeunesse et des Sports n’a rien de légitime.
«Dans la réaction du Roi qui est intervenue 24 heures après la tenue du Conseil de gouvernement et au cours duquel Benkirane n’a pris aucune décision, il y a eu lieu de noter que la responsabilité est un élément de langage important. Pas question de sacrifier les lampistes. Un ministre est responsable de son secteur ».
En attendant la prochaine
colère Royale
« Pourquoi Ouzzine, qui n'est certainement pas le seul mais le premier responsable de cette mascarade, n'a pas eu le courage de démissionner de lui-même ? Pourquoi Benkirane ne l'a pas démis de ses fonctions, comme le lui permet la loi ? Aurait-il soufflé cela en haut lieu et laisser le "haut lieu" s'en occuper ? Tout cela pose la question cruciale de la responsabilité. Jusqu'à quand vivra-t-on dans l'amateurisme et le colmatage des brèches en attendant la prochaine colère Royale? Quand nos responsables deviendront-ils autonomes, dignes et capables d'assumer leurs actes jusqu'au bout ? Quand sauront-ils s'imposer non par les discours mais par le sens du devoir ? », s’interroge avec beaucoup de justesse l’intellectuel Driss Ksikess sur sa page facebook.
En sonnant la fin de la récréation, l’institution monarchique a actionné les leviers constitutionnels. Le double principe de la responsabilité et de la reddition des comptes est convoqué tout en veillant à la préservation d’un autre principe important dans un Etat de droit, la présemption d’innocence. Mohamed Ouzzine n’a pas été limogé. Il est suspendu de ses activités ministérielles en lien avec le Mondialito.
La jurisprudence Ouzzine
« On aurait voulu que des mécanismes institutionnels puissent avoir autant de pouvoirs que l'institution monarchique pour sanctionner les mandataires politiques et autres technocrates. Si la jurisprudence "Ouzzine" permet de démettre un ministre de ses fonctions à cause d'un flagrant délit de négligence ou de corruption, la constitution de dossiers similaires -preuves à l'appui- ferait que la purge au sein de l'Etat ne prenne pas beaucoup de temps pour que cela s'inscrive dans un phénomène de refondation», commente sur la Toile l’avocat activiste Omar Bendjelloun.
Au final, le ministre de la Jeunesse et des Sports a été interdit de finale. Il n’a pas non plus assisté au dîner de gala offert vendredi soir. Les Harakis, eux, affichent profil bas, bottent en touche dans un communiqué daté de samedi 20 décembre où ils expriment leur solidarité avec le ministre Ouzzine tout en attendant les conclusions de l’enquête. Fini les menaces de retrait de la coalition au cas où le ministre haraki serait limogé. Au final aussi, c’est un spectacle d’une majorité prenant de l’eau de partout qui est donné à voir aux Marocains, un gouvernement qui tangue entre irresponsabilité et déni de la réalité et enfin un espace constitutionnel que Benkirane s’interdit d’occuper.