Organisation à Montpellier d’un Forum euro-méditerranéen sur les politiques des cultures

Les chantiers de l’Union pour la Méditerranée


Par Bouchra Boulouiz*
Vendredi 17 Juillet 2009

Organisation à Montpellier d’un Forum  euro-méditerranéen  sur les politiques des cultures
«Réorganisation des volets politiques, culturels et idéologique des relations entre les deux rives de la Méditerranée, renforcement du rôle des sociétés civiles et des peuples de la région », voilà ce que le conseiller de S.M. le Roi et président de la Fondation euro-méditerranéenne "Anna Lindh" pour le dialogue des cultures, André Azoulay, a souligné, lors du Forum euro-méditerranéen sur les politiques des cultures qui s’est déroulé à Montpellier les 2 et 3 juillet, avec le soutien de l’Union européenne, programme « l’Europe pour les citoyens », le Conseil régional Languedoc-Roussillon, et le réseau Euromedinculture.
Lors de cette rencontre à laquelle ont pris part plus de 700 participants et acteurs culturels, venus réfléchir, voire infléchir les politiques publiques, euro-méditerranéennes de la culture, M. Azoulay a rappelé que l'UPM en consolidant les coopérations culturelles ne perdra pas de vue les questions d'ordre politique dans la région, notamment le conflit israélo-palestinien.
En effet, peut-être que la culture en tant qu’Arts au pluriel est un luxe aujourd’hui, face à la décomposition de l’Irak, à l’instabilité libanaise, à la reprise des activités du PKK en Turquie, au pourrissement de la situation en Palestine, à la multiplication des acteurs non étatiques, depuis le Hezbollah libanais jusqu’aux groupuscules franchisés d’Al-Qaïda.
En effet, les problèmes du Moyen-Orient plus que tout autre problème, empoisonnent les rêves de paix et de culture, de bon voisinage ; et malgré leurs interdépendances, la question palestinienne demeure l’épicentre.
Selon le rapport Averroès 2007 qui inspira par certains aspects l’Union pour la Méditerranée, plusieurs facteurs militent en faveur d’une nouvelle lecture de la politique euro-méditerranéenne vue du Nord et vue du Sud.
Dans la plupart des pays rive sud, faut-il le rappeler, l’image des pays occidentaux, et surtout des Etats-Unis, s’est dégradée. D’autant que la plupart des régimes en place ne cherchent pas toujours par eux-mêmes à promouvoir la réforme et la démocratie.
Là encore, les mouvements islamistes représentent souvent la principale force organisée d’opposition, voire la seule alternative. La menace d’Al-Qaïda se renforce en Iran, et le Maghreb n’est pas à l’abri d’une poussée djihadiste.
Par ailleurs, la Méditerranée dans l’économie mondiale est en train d’être marginalisée. « La contribution des pays méditerranéens aux échanges mondiaux est en baisse (près de 4 %), les flux d’investissements sont minces (2 % du total des IDE), le dépôt de brevets est insignifiant (moins de ? %), l’investissement consacré à la Recherche/développement est dérisoire (moins de 1 % du PIB), et les échanges intra-régionaux sont les plus faibles du monde (moins de 12 %)», souligne le rapport Averroès. La pauvreté continue, le PIB par habitant croît très lentement, le chômage touche de plus en plus les jeunes diplômés, l’exode des cerveaux se poursuit. La croissance démographique exerce une pression considérable sur les budgets des Etats. Les flux migratoires sont irréguliers, donnant lieu aux exportations des conflits internes, des crispations identitaires.
Le processus de Barcelone traditionnel n’a pas pu réduire les écarts de prospérité, ni accru l’attractivité de la région pour les investissements directs étrangers, ni bénéficié d’un financement important ou mieux utilisé, au moins dans la première phase de MEDA 1.
Sur le plan politique, il n’a permis aucune Charte de Paix et de Stabilité, en raison des divergences entre les partenaires du Nord et du Sud. La participation d’Israël au Partenariat euro-méditerranéen avec d’autres pays arabes (considérée par les responsables de l'UE comme un acquis majeur) n’a pas empêché l’Etat hébreu de continuer sa colonisation des territoires palestiniens et arabes et de détruire les infrastructures du Liban lors de sa dernière confrontation avec le Hezbollah libanais, en 2006. Sur le plan culturel, la relation culturelle de l’Europe avec son environnement arabe et turc a beaucoup souffert de la stigmatisation abusive de l’Islam, surtout depuis le 11 septembre 2001, et par le débat identitaire européen, surtout lors des discussions sur le projet de la Constitution européenne, comme si être européen, c’est d’abord ne pas être arabe, turc ou musulman, dit en exergue le rapport Averroès qui épingle au passage la Politique de Voisinage de l’UE.
«Cimetière des illusions perdues», la PEV ne suscite pas l’enthousiasme des foules. Mais les Etats du Sud qui y souscrivent, semblent jouer le jeu, et tentent de maximiser leurs bénéfices tout en minimisant leurs sacrifices (surtout sur le plan politique).
L’éveil de la société civile
Le Partenariat euro-méditerranéen a toutefois permis l’éveil et la participation des acteurs de la société civile. Il a suscité un intérêt académique considérable et facilité le développement de réseaux d’instituts. Il a financé une Académie diplomatique méditerranéenne. Il a donné naissance à une Grande Fondation culturelle euro-méditerranéenne Anna Lindh dont la présidence est indirectement assurée par le Maroc. Il a impulsé la création de centaines d’initiatives, de centres de recherches, d’Instituts euro-méditerranéens (IEMED à Barcelone, EUROMED à Marseille) ou de Maisons de la Méditerranée (Marseille, Naples).
Il a sensibilisé beaucoup des habitants du Nord de l’Europe à la problématique méditerranéenne. Au Sud, les sociétés civiles se sont éveillées obligeant les Etats à faire des réformes, faisant de la revendication démocratique une affaire de tous et de toutes.
L’UPM représente une double alternative
« Alternative aux inadéquations des politiques méditerranéennes de l’Union européenne, demeurées rivées à des pratiques anciennes et des politiques désuètes qui avaient déjà démontré leur inefficacité (le commerce d’abord) de telle sorte que l’UE n’a pas pu devenir la force motrice capable de tirer les wagons méditerranéens, à l’instar du Japon en Asie », souligne le rapport.
Une alternative au fait que l’UE n’a pas su tirer les pays de la Méditerranée.
D’abord parce qu’elle ne s’y est que faiblement engagée, comparée à ce qui se fait ailleurs. (Le poids des pays en développement dans le PIB régional sud asiatique y atteint 23 %, contre seulement 12 % dans la région MED. Quant aux investissements directs à destination de la Méditerranée, ils dépassent à peine 1 % du total des IDE européens, contre 17 % des IDE des Etats-Unis en direction de l’Amérique centrale et latine et plus de 20% des IDE japonais en direction de leur périphérie asiatique).
Les politiques méditerranéennes de l’UE n’ont pas réussi à impulser un véritable système productif régional : peu d’échanges intra-branches, ce qui témoigne d’un niveau peu élevé d’intégration économique et, globalement, la part des partenaires méditerranéens dans le commerce extérieur des pays de l’UE tend à stagner. Sans oublier qu’en dehors du gaz et du pétrole, l’UE dispose d'un confortable solde commercial positif quasi chronique avec tous les pays de la Méditerranée.
La non-intégration productive constitue aussi un manque à gagner pour l’UE elle-même. En effet, le retard d’intégration économique productive entre l’UE et sa périphérie méditerranéenne se traduit par une perte moyenne pour l’UE estimée, selon les économistes, de 0,4 % à 0,6 % . Il y a un intérêt réciproque à développer de véritables réseaux de firmes transméditerranéennes et de promouvoir les projets qui conduisent à l’intégration productive pour un véritable marché de 700 millions de personnes dans 43 pays.
Une alternative au fait que les pays du Sud ont traîné les pieds en matière de réforme
D’autre part, l’UPM serait l’alternative à la faiblesse du Sud qui n’a rien fait pour promouvoir l’intégration sous-régionale. Hormis l’accord d’Agadir auquel participent le Maroc, la Tunisie, l’Egypte et la Jordanie, ces quatre pays n’ont pas de frontières communes et l’accord demeure largement velléitaire et virtuel.
Le pari d’une identité et d’un marché régional
L’Union pour la Méditerranée, son appellation officielle est «Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée», organisation internationale intergouvernementale à vocation régionale, fondée à l’initiative du président français Nicolas Sarkozy le 13 juillet 2008 dans le cadre de la présidence française de l’Union Européenne, rassemble des États riverains de la mer Méditerranée et l’ensemble des États membres de l’Union européenne (27 pays européens et 16 pays riverains y compris la Turquie, la Mauritanie, la Macédoine, la Jordanie, l’Albanie, la Principauté de Monaco, Bosnie, la Croatie et la Libye.) A Rome le 20 décembre 2007, José Zapatero, Nicolas Sarkozy et Romano Prodi signent un accord qui remet en marche le processus d’approche euro-méditerranéen. Le 13 mars 2008, le Conseil européen approuve officiellement le projet. En juillet 2008 le sommet à Paris se tient les 13 e 14 juillet, et institue l’Union pour la Méditerranée. Il a vu la participation des premiers ministres et des présidents de 43 Nations adhérentes, exception faite du Président libyen Omar Kadhafi qui a exprimé des critiques et préfère être membre observateur. Pour le moment l’Union pour la Méditerranée est constituée par un sommet biennal qui prévoit la réunion des premiers ministres des nations adhérentes. Les ministres des Affaires étrangères de ces nations se réunissent annuellement. La présidence est alternée. Les lieux de réunion aussi, entre rive Nord et rive Sud. Le choix du siège est Barcelone. Un secrétariat général, avec la fonction de gérer les fonds communs et de contrôler les projets est déjà en place.
Aujourd’hui, six initiatives sont déjà prises : la dépollution de la Méditerranée, la construction des autoroutes maritimes et terrestres pour améliorer la fluidité du commerce entre les deux rives, le renforcement de la protection civile, la création d’un plan solaire commun, le développement d’une université euro-méditerranéenne, inaugurée à Portorose, en Slovénie, et une initiative de soutien pour les petites et moyennes entreprises. La présidence pour 2008 revient au Président français Nicolas Sarkozy et au Président Egyptien Hosni Moubarak. Le drapeau de l’Union est constitué par deux bandes horizontales, la partie supérieure est blanche, la partie inférieure est bleue. L'intervention militaire israélienne à Gaza de décembre-janvier, a ralenti les premiers élans de « l’Union des Projets et de solidarités concrètes ». Mais pour son premier anniversaire le 14 juillet 2009, le processus politique de l’UPM semble reprendre grâce à la politique au Proche-Orient de Barack Obama.
Le Maroc entre atlantisme et méditerranéisme
S’il est vrai que l’Océan Atlantique arrose la mer Méditerranée, il est frappant de remarquer que la marginalisation de la France dans sa périphérie immédiate, le Maghreb, va de pair avec l’offensive commerciale des Etats-Unis pour conquérir de nouvelles parts de marché.
Il est possible que la guerre économique entre la France et l’Union européenne d’une part et les Etats-Unis d’autre part, peut transformer la région (Maroc et Maghreb), en « marché captif », seulement ni le commerce ni les affaires ne peuvent prendre la place de l’Identité, de la Mémoire, de la Civilisation, notre manque à gagner véritable, inscrit dans la chute de l’empire musulman et de l’empire Ottoman.

*Vice-présidente du Réseau Euromedinculture de Marseille


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