Omar Mounir, vice-président de l’APEFEL

«L’annonce du nouveau système des prix d’entrée sur le marché européen a mis à mal le secteur des fruits et légumes»


réalisée par Naîma Cherii
Vendredi 16 Mai 2014

Omar Mounir, vice-président de l’APEFEL
 
La commission de l’agriculture au sein du Parlement européen a adopté, le 7 avril dernier, une proposition de règlement portant sur la réforme de l’organisation commune des marchés des produits agricoles, qui prévoit la modification du régime des prix d’accès des fruits et légumes marocains aux marchés européens. Cette mesure qui a été qualifiée par le ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime d’«unilatérale», alors qu’elle concerne deux parties liées par un accord, menace le secteur des fruits et légumes et notamment celui de la tomate qui est conditionné par un système de commercialisation à l’export qui est très contraignant.
Le chef du gouvernement est lui aussi monté au créneau pour demander  à l’UE  de trouver rapidement des solutions concrètes pour préserver les acquis contractuels du Royaume et d’agir en conformité avec l’Accord agricole liant le Royaume à l’Europe. 
Pour leur part, les producteurs et exportateurs nationaux des fruits et légumes ne savent plus où donner de la tête. Selon Omar Mounir, président de l’APEFEL, «les gens ne savent plus ce qu’ils vont faire. Est-ce qu’ils vont semer ou non ?  Est-ce qu’ils vont planter ou non? Sur quelle quantité faut-il miser et comment vont-ils procéder ?». Autant d’interrogations auxquelles il faut apporter des réponses précises avant que le mal ne soit fait et qu’il entraîne avec lui le secteur vers d’insondables abysses. 
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il rappelle, entre autres, que «le marché européen est le principal marché pour les exportations des fruits et légumes, que rien qu’au niveau de la tomate, le Maroc y écoule quelque 400.000 tonnes et que, globalement, nos exportations vers ce marché sont de l’ordre de quelque 500.000 tonnes, soit 17% du PIB national». 
Ce qui rend difficile de le changer du jour au lendemain. «Il faut du temps pour trouver d’autres débouchés. Il faut aussi trouver la logistique qu’il faut pour conquérir de nouveaux marchés. C’est dire que ce n’est pas une question que le Maroc peut régler» avec la célérité requise.


Libé : Pour commencer, comment se comporte le secteur des fruits et légumes marocains ?
 
Omar Mounir : Je dois d’abord souligner que le secteur des fruits et légumes est l’un des plus sensibles et des plus difficiles. Il joue un rôle très important au niveau national, notamment sur le plan économique. En tant que Marocains, nous avons signé des accords avec l’Union européenne dont les derniers ont été signés en février 2012. Ces accords, dois-je le souligner, prévoient un certain nombre d’échanges portant sur une panoplie de produits qui vont rentrer de part et d’autre d’une façon libre. Mais il y a des produits qui sont soumis à des restrictions, à savoir cinq produits dont la tomate qui fait grand bruit. A noter que même avec ces accords, il y a des lobbies européens qui essaient toujours de bloquer les exportations marocaines là où ils peuvent le faire. En ce qui concerne les nouvelles mesures annoncées par l’UE en avril dernier, nous avons appris que des négociations sont actuellement en cours, comme l’ont d’ailleurs déclaré les responsables au niveau de la délégation européenne à Rabat. Mais il faut souligner que tous nos points de vue n’ont pas été pris en considération. Est-il à souligner que le Maroc essaie toujours de régler les choses à l’amiable avec l’UE  tout comme avec ses autres partenaires. Rien n’a encore filtré. Malgré tous les efforts déployés aussi bien par le ministère que par la profession, les professionnels sont arrivés à décréter ce qu’on appelle le système des prix d’entrée des fruits et légumes sur le marché européen. C’est ce qui a d’ailleurs fait déborder le vase. La réaction ne se fait pas tarder de part et d’autre. C’est une réaction qui prévoit un avenir sombre pour le  secteur des fruits et légumes marocain. 
 
Mais concrètement quelle est la situation du secteur des fruits et légumes après l’annonce du nouveau système des prix d’entrée sur le marché européen ?
 
Il faut dire qu’il y a actuellement un doute.  Les prix n’étaient pas du tout bons aussi bien pour les agrumes que pour les tomates. Avec l’arrivée de ce nouveau système,   il y a un marasme général. Aujourd’hui, vous pouvez constater sur le marché marocain, des tomates qui se vendent  à 10- 15 DH la caisse de 30 kilo. Ce qui résume tout ce que je peux vous dire sur ce sujet. Cette décision-là ne peut entrer en vigueur qu’en octobre de cette année. Elle ne concerne donc pas la campagne actuelle. N’empêche que pour le moral des professionnels, le marché a chuté davantage. Ainsi, il y a le facteur psychologique qui explique cette chute. A signaler aussi que ce n’est pas maintenant que les professionnels marocains essaient de préparer la campagne de l’année prochaine qui va commencer en octobre prochain. Mais comme ils ont vu qu’il y aura des restrictions en octobre, les gens ne savent plus ce qu’ils vont faire. Est-ce qu’ils vont semer ou non?  Est-ce qu’ils vont planter ou non? Sur quelle quantité faut-il  miser et comment vont-ils faire? Jusqu’à présent, il n’y a pas encore de décisions qui peuvent répondre à leurs attentes. 

A l’APEFEL, a-t-on pensé à un autre marché autre que celui de l’Union européenne ?
 
On doit être objectif. Il faut savoir que le marché européen est le principal marché pour les exportations des fruits et légumes.  C’est le plus important. De grandes quantités sont écoulées au niveau de ce marché. On ne peut pas le changer tout de suite. Pour cela, il faut d’abord trouver d’autres marchés qui soient de la même importance. Faut-il le souligner, rien qu’au niveau de la tomate, on écoule quelque 400.000 tonnes sur ce marché. Et globalement, les exportations marocaines sont de l’ordre de quelque 500.000 tonnes sur ce marché européen (soit 17 % du PIB). Ce n’est donc pas facile de changer de marché du jour au lendemain. Il faut du temps pour trouver d’autres débouchés. Il faut aussi trouver la logistique qu’il faut pour conquérir de nouveaux marchés. C’est vous dire que ce n’est pas une question que le Maroc peut régler du jour au lendemain. 
 
En tant que professionnels, comment expliquez-vous la décision de l’UE?
 
Nous pensons qu’il y a actuellement des informations qui circulent au niveau de Bruxelles pour voir ce qu’il faut faire au sujet de ces nouvelles mesures annoncées en avril dernier. Mais les responsables de l’UE, savent très bien qu’au niveau juridique, ils ont commis des erreurs. On essaie de temporiser en disant que c’est une décision qui touche à tous les produits provenant du monde entier et qui vont rentrer à l’UE. Mais pour le cas du Maroc, il y a une exception. Nous avons signé des accords avec l’UE et ça n’a rien à voir avec leur décision. Mais, en ce qui nous concerne, on ne veut pas faire monter les enchères. On espère que les  négociations seront positives. Certes on va défendre nos intérêts en tant que professionnels du secteur. Mais nous attendons  les deux semaines qui viennent pour voir ce que nous pouvons décider et aussi ce que va faire l’Etat marocain. C’est la période des élections au Parlement européen et on attend donc de voir qui sera élu à la présidence de celui-ci et quelle sera la majorité au sein de cette instance. Ce que nous avons constaté, c’est que même les pays qui votaient toujours dans toutes les instances internationales en notre faveur ont cette fois-ci voté contre le Maroc. C’est cela qui nous fait peur, car il y a une montée des gens qui veulent à tout prix éliminer le Maroc.
Du côté des responsables marocains, je dois dire que jusqu’à présent, on s’entend bien avec le gouvernement sur ce sujet. On est arrivé à dire que c’est une question qui touche tous les marocains. C’est une décision politique qui va donc être prise à ce sujet.


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