Obstination vs détermination : Le bras de fer entre le gouvernement et les profs stagiaires se durcit


T. Mourad et A. Khallad
Samedi 23 Janvier 2016

«Le gouvernement, qui demeure ouvert au dialogue, ne compte pas faire machine arrière concernant les deux décrets régissant la formation et le concours d’accès aux Centres régionaux des métiers d’éducation et de formation (CRMEF)». C’est une position bizarre que le Conseil de gouvernement a prise lors de la réunion tenue jeudi à Rabat. Le paradoxe c’est que l’Exécutif, et notamment son chef, Abdelilah Benkirane, prône le dialogue avec les enseignants stagiaires tout en campant obstinément sur ses positions et en refusant de retirer les deux décrets qui sont à l’origine de la levée de boucliers  de ces mêmes enseignants. Pis encore, le gouvernement a également annoncé d’un ton menaçant qu’«il ne permettra aucune marche non déclarée conformément aux lois en vigueur», à savoir celle que la Coordination nationale des enseignants stagiaires au Maroc compte organiser ce dimanche à Rabat.
«Cette déclaration prouve le désarroi de l’équipe gouvernementale à propos de la gestion de ce dossier», nous a affirmé hier vendredi Mohamed Kanjaa, responsable de la Coordination locale de Kénitra et membre de la Coordination nationale des enseignants stagiaires au Maroc.
Il nous a également précisé que la décision prise par le gouvernement d’interdire la marche de dimanche n’est «qu’un cri dans le désert», puisque la Coordination nationale l’organisera comme prévu, avant d’ajouter que «toutes les manifestations et les deux marches nationales organisées ont été pacifiques et ont respecté les règlements en vigueur».
Il convient de noter que la Coordination nationale avait initié cette semaine plusieurs formes de protestation. A commencer par l’organisation lundi dernier de sit-in devant les délégations du ministère de l’Education nationale et les académies et ensuite par l’observation d’une grève de la faim mercredi dernier.
Dans ce cadre, les professeurs stagiaires à Essaouira ont observé un sit-in accompagné d’une grève de la faim devant le siège de la délégation provinciale du ministère de l’Education nationale.
Ils étaient quelques dizaines en tabliers blancs  à donner un signal fort de résistance devant les matraques législative et sécuritaire qui se sont abattues sur leurs jeunes têtes pourtant pleines d’espoirs et de rêve.
Opinion publique et syndicats ont, dans ce cadre, manifesté leur entière solidarité avec eux.
A cet effet, l’antenne locale du Syndicat national de l’enseignement affilié à la CDT leur a rendu visite pour leur réitérer le soutien sans réserve du mouvement syndical marocain à leurs revendications légitimes et raisonnables.
«Le gouvernement Benkirane essaie d’aiguiser la tension sociale en déclenchant des crises  injustifiables. On ne peut nullement parler de qualité de formation des professeurs sans les doter des moyens financiers requis, d’un côté et de l’autre, il convient de rappeler que l’école publique souffre d’un déficit en enseignants qui dépasse largement le nombre de stagiaires formés annuellement. Personne ne saisit encore les dessous de ces ratages gouvernementaux qui n’ont épargné aucun secteur!», s’est indigné un responsable syndical à Essaouira.
A noter que les deux décrets qui ont suscité l’ire des enseignants stagiaires sont le décret portant n°2.15.5882 qui sépare la formation et le recrutement, c’est-à-dire que les enseignants-stagiaires après leur formation dans les centres de formation seront obligés de passer un concours pour accéder à la Fonction publique. Ce qui constitue, selon leur point de vue, «une aberration».
Le deuxième décret porte, quant à lui, le n° 2.15.5889 et concerne la réduction de moitié des bourses mensuelles qui passent de 2.454,51 à 1.200 DH.
 

Le CNDH pour un élargissement du droit de manifester


Vers la fin de l’année dernière, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) avait adressé au gouvernement deux mémorandums demandant l'élargissement du droit aux manifestations à tous les citoyens et soumettant l’intervention des forces de l’ordre à une décision de justice.
 Parmi ses propositions phares, on retiendra l’octroi du droit d’organiser des manifestations sur la voie publique aux personnes physiques et morales, sachant que la loi en vigueur limite ce droit aux associations, partis, syndicats et organismes professionnels. Pour ces derniers (associations, partis, syndicats et organismes professionnels), le CNDH recommande de les dispenser de la déclaration préalable en vue de tenir des réunions publiques.
Les déclarations devraient par ailleurs, selon le Conseil, pouvoir être effectuées par les organisateurs par voie électronique et ceux-ci devraient avoir la possibilité d’introduire un recours en référé contre la décision d’interdiction de manifester auprès du tribunal administratif.
Quant aux mesures concernant le recours à la force, le CNDH avait recommandé que les interventions des forces de l’ordre soient effectuées sous le contrôle du procureur du Roi, mais aussi l’introduction d’une nouvelle disposition qui consacre explicitement les principes de nécessité et de proportionnalité.
Les menaces proférées par le gouvernement contre les enseignants stagiaires d’interdire toute «marche non déclarée conformément aux lois en vigueur » ne peuvent donc qu’augurer du résultat d’un fait qui n’est pas encore advenu pour préparer l’opinion publique à ce qui pourrait advenir. Rien, en effet, n’indique que les manifestants ont l’intention de ne pas souscrire à la loi, mais plutôt que l’Exécutif pourrait tout faire pour leur compliquer la tâche et, si nécessaire, les empêcher d’accomplir sereinement et avec diligence les formalités nécessaires.
Il n’en demeure donc pas moins qu’empêcher toute expression sur la voie publique d’un mécontentement qui semble de prime abord légitime, ou autoriser seulement ce qui agrée au gouvernement, n’équivaudra, en fin de compte, qu’à porter une atteinte directe à la liberté d’expression que rien ne justifie.


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