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Hasard du calendrier ou jeu de l'Histoire, cette célébration, qui intervient au lendemain du 72ème anniversaire de la présentation du Manifeste de l'Indépendance (11 janvier 1944), résonne plus qu'un symbole. Elle restitue, en filigrane, les airs d'un hymne fondateur à la gloire de l'Homme, de la terre et de la mémoire, celles d'un Maroc fort de son ancrage, riche de ses multiples affluents et résolument ouvert au large.
"La célébration du Nouvel An amazigh, dit Idh Yennayer, qui coïncide avec le 13 janvier de chaque année, équivaut à rendre justice à la mémoire et à la culture amazighes en tant qu'affluents essentiels, parmi d'autres composantes de l'identité nationale", souligne, d'emblée, Ahmed Sabir, ex-doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines (Université Ibn Zohr d'Agadir).
Dans un entretien accordé à la MAP, l'interviewé relève qu'"il importe de se rendre à l'évidence et de rendre justice à la mémoire et à la culture amazighes en leur donnant un droit au chapitre pour leur permettre de contribuer à l'enrichissement de l'identité marocaine forte de ses diverses composantes".
Ceci est d'autant plus important, note-t-il, que nombre de discours Royaux n'ont cessé de rappeler cette éternelle "richesse de l'identité marocaine avec ses multiples affluents arabo-islamique, amazigh, hassani et autres formes d'expression, dont les rituels juifs, qui ne doivent souffrir d'aucune exclusion".
Mais d'où vient cet "Idh Yennayer"? En quoi est-il si important en termes de rituels? D'où tient-il toute cette résilience à l'érosion des temps?
S'il est une lapalissade que "Idh Yennayer" renvoie, indistinctement, à la nuit marquant le nouvel an agricole, il n'empêche que d'autres interprétations s'y sont associées.
Sur ces origines brumeuses, M. Sabir, un chercheur connu pour des écrits de haute facture en la matière, fait observer que Idh Yennayer renvoie en langue amazighe à la veille de Yennayer marquant le début du calendrier agricole et non au calendrier grégorien.
Cette date "rendrait également l'écho de l'intronisation du roi amazigh sheshong dans l'Egypte antique".
"Preuve en est que la région égyptienne de Siwa commémore encore cette fête amazighe", dira-t-il, sans préciser les circonstances et le contexte historiques de cette intronisation de Sheshonq Ier, fondateur de la XXIIe dynastie pharaonique (environ 1000 av. JC).
C'est que, "lorsqu'on parle de mémoire, on évoque nécessairement l'identité, les racines et les origines, car celui qui n'a pas d'origine n'a pas d'avenir", soutient Khalid Al Ayoud, enseignant-chercheur et acteur associatif.
D'identité précisément, M. Al Ayoud évoque la fameuse "Tagulla" (une sorte de purée à base d'orge ou de maïs) qui, de par sa composition et sa texture, marque l'adieu d'une saison agricole et présage le meilleur. Dans des régions exportatrices de migrants, comme le Souss, des retrouvailles se scellent, des amitiés se tissent, des alliances se nouent autour d'un mets très spécial : "Orkimen", un plat à base de sept céréales (maïs, orge, fèves, lentilles, etc.). Tout un symbole!
"C'est que Orkimen clôt une année agricole avec ce qui reste de céréales, tout en aiguisant l'appétit pour une année qui s'amorce", explique le même chercheur, notant que la préparation de ce plat avec des pieds de chèvre ou d'agneau renvoie à une autre dimension identitaire, celle de l'agriculture et de l'élevage en tant que sources de subsistance.
Alors que les politiciens se démènent pour des lois organiques sur la langue amazighe et le Conseil national des langues et de la culture marocaine, "Tagulla", un mets délicieux servi avec un mélange de miel et d'argan ou de miel et de beurre, reconquiert un espace de plat-symbole, à l'image d'une tarte: Celle du Nouvel An amazigh.
Qu'à cela ne tienne, mais à l'aune d'une année législative, qui s'annonce fort palpitante, il importe de rappeler que la tradition veut qu'un noyau de datte soit dissimulé dans "Tagulla" et quiconque tombe dessus est considéré comme "Ighermi", le chanceux de l'année sur tous les plans.