Mouad Moutaoukil : Aujourd’ ui plus que jamais,se confiner dans l’ amour peut être réellement salvateur


​Amour ou Amours? La question vaudrait apparemment le détour. Le premier, le singulier, est devenu la règle dans l’imaginaire de tous car mis à toutes les sauces et le deuxième, un pluriel aux allures d’un barbarisme, est une sacrée-profane exception. Mouad Moutaoukil, écrivain et étudiant en médecine,s’est aventuré avec “Amours”, un recueil de sept nouvelles, à braver ce singulier si cher à la littérature ambiante en racontant l’amour dans tous ses états, le pluralisant pour ainsi dire tout court. Quant à sa démarche, son leitmotiv et le pourquoi de son odyssée artistique, il les explique en ces cinq questions posées par la MAP

Libé
Jeudi 15 Avril 2021

La notion d’”Amour” au pluriel, connue de tous, se définit-elle elle-même ou a besoin d’un écrivain, jeune comme vous, pour le faire ?

Mon recueil ne s’est à aucun moment tracé pour fin de définir la notion de l’amour. Bien que connue de tout le monde, et depuis très longtemps, elle demeure une notion incernable, qui a besoin de la vision, de la pensée etsurtout du ressenti de chacun pour pouvoir éventuellement être définie.
La nouveauté qu’apporte mon recueil est probablement cette forme au pluriel qui est, à mon avis, la forme originale de l’amour. Aimer une seule fois au cours de sa vie, avoir une seule et unique passion est extrêmement rare et relève de l’utopie. Nous sommes des êtres débordants d’amour et de sensibilité. Je ne comprends pas pourquoi on s’acharne à vouloir vivre l’amour au singulier, cela va à l’encontre des valeurs de partage et de liberté que recèle en son cœur même ce concept.

Les sept nouvelles de votre recueil dénotent un style lapidaire mais néanmoins maniéré. Est-ce une façon de vulgariser ‘l’Amour’ pour les lecteurs ?

A travers mes nouvelles, j’ai voulu, plutôt que le vulgariser,sacraliser l’amour. On assiste actuellement à une banalisation de ce sentiment magique, on pense son ère révolue, on mène des vies chargées, pleines d’activités et d’occupations, mais dénudées d’amour. On croit qu’il est dépassé de parler d’amour, d’écrire sur l’amour, ou pire encore, d’aimer. On a presque honte de dire “je t’aime”, on le chuchote alors qu’on devrait le crier haut et fort, puisque finalement c’est ce qui fait notre humanité. Maintenant plus que jamais, se confiner dans l’amour peut être réellement salvateur.

Des termes scientifiques comme “énurésie”, “chancre” ou “crise d’asthme” etc..., sont finement employés dans certaines parties de votre œuvre. Ne dévoileraient-ils pas l’ombre du médecin que vous êtes et l’amour, peut-être, que vous vouez à votre métier ?

Certainement, tout écrivain s’inspire, qu’il le veuille ou pas, de son vécu et de ses connaissances. La médecine occupe une grande partie de ma vie, et de la vie de tout un chacun d’ailleurs. Je n’ai pas voulu enter dans les détails ou la technicité,maisil existe des concepts en médecine que tout le monde devrait connaître, et que j’ai essayé de mentionner dans l’une ou l’autre de mes nouvelles ; comme les premiers signes des maladies sexuellement transmissibles, le chancre syphilitique en l’occurrence, ou encore l’énurésie qui est un problème médical fréquent, mais n’est pas pris en charge correctement dans l’enceinte de nos maisons.

Céline disait que le style “c’est un, deux ou trois par génération”, pas plus. Estimez-vous que vous ayez réussi à forger un style unique au Maroc ? Allusion faite à votre introduction du poétique dans un recueil romancé de nouvelles. Je crois que chacun de nous possède son propre style qui, que ce soit un style qui mérite d’être lu ou étudié, relève de l’unique compétence des lecteurs. Je ne me suis jamais réellement attardé sur la question, je suis un grand passionné de polyvalence et de nouvelles expériences. Je fais toujours mes premiers pas en littérature et je ne cherche pas à trouver ma voie, mais plutôt mes voies. Si j’ai introduit la poésie dans l’une de mes nouvelles, je l’ai fait principalement par besoin.

Dans certains passages de ladite nouvelle, la prose s’est trouvée impuissante face à la force des émotions que je voulais décrire, la poésie est alors venue au secours. Je crois que la genèse de nouveaux styles, voire de genres littéraires,se fait pour la même raison. Il faut considérer les frontières entre différentes disciplines ou genres littéraires comme étant des ponts, et non des murs.

Maintenant que vos preuves sont faites dans le lapidaire. A quand un roman fleuve, et quelle serait son intrigue ?

L’écriture d’un roman est un projet qui me tient à cœur depuis assez longtemps. De temps à autre, je griffonne des idées, des passages, qui feront éventuellement partie de ce roman. Durant des années, je cherchais une forme adéquate que je crois maintenant avoirtrouvée. Le premier obstacle étant levé, j’espère que mon premier roman verra le jour prochainement.


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