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Mon identité, je la veux à l’échelle du monde, je veux qu’elle s’abreuve aux philosophies des Lumières, je veux qu’elle porte l’empreinte de toutes les révolutions entreprises pour libérer l’homme de l’obscurité et de l’exploitation tout en sauvegardant le goût de ma terre, ses senteurs et les liens profonds tressés autour d’elle. Je ne porte pas la charge d’un semblant de legs plus lourd que son contenu réel, je ne suis pas attaché à une grandeur qui fut mais qui n’est plus à présent qu’illusion. Je ne suis ni andalou, ni défini par ces mélanges qu’on m’attribue au hasard des conjonctures, ni d’une des cités impériales qui donnent l’illusion de disposer d’un patrimoine à part qui semble doté de la capacité de traverser la durée mais qui n’est qu’un contentement de soi voilant le déclin et la médiocrité. Non, j’appartiens à ce Maroc profond et en nombre majoritaire, longtemps ignoré mais tellement présent dans notre histoire malgré l’absence qu’on lui notifie dans nos annales.
Je suis de ces paysages marqués par la dureté des éléments et les difficultés chroniques. J’y ai appris un certain nombre de choses auxquelles je tiens par-dessus tout : l’amour des miens, le don de soi, la persévérance et le courage, la solidarité et l’honneur. Aujourd’hui, c’est à ce Maroc oublié qu’il revient de construire le Maroc de demain qui ne verra jamais le jour sans lui, parce que ce Maroc marginalisé fait table rase des faux-semblants et des mirages et parce qu’il est dans l’obligation d’inventer non plus pour survivre comme auparavant, mais pour aller de l’avant. Ce Maroc-là est sans complexe, sans tares de consanguinité, sans cupidité dans l’art de partager. Il est prêt au risque, il est fait pour la mue, parce qu’il a des valeurs contrairement à l’idée qui en a été donnée, dont l’essentiel de celles-ci réside dans la fidélité et le don de soi. Ce Maroc-là est le producteur de l’individu libéré des tribus et des clans.
Il se trouve que cette métamorphose est aujourd’hui stoppée, parce que le catalyseur de cette transformation extraordinaire et féconde a été mis en pièces. L’école, c’est d’elle qu’il est question, ce creuset où les ingrédients de mon identité à venir sont réunis, a été tout bonnement détruite. Elle l’a été parce que les vautours détenteurs des identités surannées et mensongères l’ont voulu ainsi, pour arrêter net le processus de génération de la nouveauté, de la modernité qui est au cœur de mon identité faite de liberté et de conscience de l’indissoluble en moi. L’identité affichée et qui m’est accolée de nos jours n’est pas mienne, je refuse de la cautionner. La mienne est encore à échafauder, et j’attends d’en avoir les outils.