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membres affiliés, associations
professionnelles et
fédérations des
entreprises. Au risque de délaisser ses propres
affaires. Mohamed Horani nous a confié que la
présidence de l’organisation patronale est loin d’être un long fleuve tranquille.
Dans un entretien à bâtons rompus, le président de la CGEM, tout confiant dans le potentiel de croissance de l’économie marocaine, nous parle de la mutation que vit l’organisation patronale, de l’importance de la
responsabilité sociale des entreprises et des enjeux du développement durable du Maroc. Même si le contexte actuel de crise constitue une contrainte évidente, aucun sentiment de fatalité n’est admissible chez M. Horani
Libé : Qu’est ce qui a changé à la CGEM depuis votre élection ?
Mohamed Horani: Ce qui a changé à la CGEM c’est bien l’organisation elle-même. La mutation que vit la Confédération s’inscrit parfaitement dans la logique de restructuration et de modernisation de l’économie nationale. Nous avons adopté un nouveau mode de gouvernance, pour accompagner les différents plans structurants de l’économie de notre pays (Emergence industrielle, Maroc vert, Halieutis, Azur, Logistique…) et apporter notre contribution à la réalisation des différents projets de réforme en cours (éducation et qualification professionnelle, fiscalité et soutien à la PME, régionalisation avancée, indemnité pour perte d’emploi…). C’est ainsi que nous avons mis en place 8 pôles: relations internationales, développement régional, compétitivité, investissement, responsabilité sociale de l’entreprise, PME, environnement de l’entreprise et tourisme. Chaque pôle est chapeauté par un vice-président et mène un travail de fond. Cela demande un investissement personnel et plus de disponibilité. Il est de notre devoir de prendre en compte les enjeux que pose le développement durable du Maroc et de prendre conscience aussi des tendances lourdes qui créent de nouvelles contraintes.
Par ailleurs, je suis arrivé en 2009, dans une période de crise, et en 2010 on n’est pas encore sorti de l’auberge. Je pense que la CGEM joue parfaitement son rôle au sein du Comité de veille stratégique -CVS- où nous sommes très actifs. Nous avons aussi été présents dans toutes les stratégies. Notre souhait c’est de parvenir à améliorer l’attractivité du Royaume, en termes de compétences et ressources humaines qualifiées, de maîtrise des technologies, d’innovation et d’environnement des affaires. Je dois rappeler que grâce à son « Label », la CGEM poursuit ses efforts pour faire entrer le développement durable et la responsabilité sociale de l’entreprise dans le mode de réflexion de la gestion des entreprises.
Quelle est votre appréciation de la baisse de l’euro sur l’économie marocaine?
Vous savez, même si le contexte actuel de crise constitue une contrainte, le sentiment de fatalité n’est pas admissible. Tout plaide au contraire en faveur d’une réponse globale qui permet de préparer l’avenir en tirant tous les avantages du contexte d’aujourd’hui.
Cela dit, nous travaillons avec le gouvernement sur l’impact de ce qui est en train de se passer par rapport à l’euro. La crise qui touche l’Europe risque probablement d’aller plus loin. On l’a vu déjà avec les mesures d’austérité prises par certains Etats. Je dois avouer que l’impact de la crise est toujours là et personne ne maîtrise sa profondeur, malgré toutes les prévisions positives annoncées par la Banque mondiale. Ce qui est sûr, c’est que pour l’Europe la reprise sera encore plus lente. Et comme elle est notre principal partenaire économique, cela aura forcément un impact sur le Maroc. Mais notre pays ne doit surtout pas faire marche arrière par rapport à tout ce qu’il a établi comme réforme. Il ne faut pas qu’on temporise notre marche à cause de cette crise, bien au contraire, il faudrait accélérer les réformes et davantage la mise en œuvre des différents projets en faveur de l’entreprise.
Pensez-vous que le Maroc est capable de franchir sans casse cette phase difficile?
Absolument. Je disais qu’on a résisté à la crise. Les fondamentaux macro-économiques sont bons, mais on a une fragilité au niveau de la balance commerciale. Cela est évident et continue à s’aggraver d’une année à l’autre. Il est vrai, l’amélioration de l’économie nationale ne peut masquer les menaces financières et commerciales de la crise économique mondiale. Il y a certainement un effort à faire, à la fois, en matière de développement de l’offre exportable à forte valeur ajoutée, et de rationalisation des importations, si l’on veut aboutir à rééquilibrer la balance commerciale. Sur ce dossier un grand travail nous attend.
Le programme de logistique, signé devant Sa majesté le Roi, se limite uniquement à la logistique à l’intérieur du pays. On doit aussi revoir un certain nombre de stratégies qui font mal à l’exportation. Je rappelle que le CVS a été créé en 2009 pour faire face à la crise, et l’une des caractéristiques de ce comité c’est qu’il est capable de prendre des mesures rapides. On s’est mis d’accord d’en faire une instance de développement et non de crise. Cette cellule nous a permis d’avoir un bon tableau de bord qui nous permet de piloter l’activité économique tout en gardant un œil sur le monde et nous nous sommes mis d’accord sur la grande priorité qui est de dynamiser nos exportations. Il y a une commission qui travaille sur le sujet pour proposer des solutions rapides.
Vous avez insisté sur la problématique fiscale en matière de recherche-développement ?
Oui, et même de manière plus forte. Comment voulez-vous créer de la valeur ajoutée sans recherche et développement ? J’ai toujours insisté sur la nécessité de renforcer la vitalité des PME ainsi que leurs efforts de R&D. Il faut encourager les entreprises à faire de l’innovation et donc nous demandons un crédit d’impôt pour la recherche, ce qu’on appelle CIR. Ce crédit d’impôt est de 30%. Il est à rappeler que 50% de la recherche est assurée par le public, et l’autre moitié par le privé. Le rôle du privé dans la recherche est énorme et si nous ne mettons pas des mesures incitatives, il y aura problème.
Il y a la pression fiscale, mais aussi le coût des ressources financières?
La CGEM dispose d’un baromètre trimestriel. Aujourd’hui, nous sommes à notre 4ème trimestre. C’est pratiquement les mêmes tendances observées depuis sur les questions concernant les raisons d’inquiétude de l’entrepreneur marocain et qui est une question ouverte. Systématiquement dans les 4 enquêtes réalisées, la première raison invoquée c’est la concurrence déloyale avec 38%, suivie de la crise comme deuxième raison avec 18%. Il faut comparer les chiffres. Le problème du financement vient, lui, en 4ème position, bien derrière les autres parce que le financement connaît beaucoup de problèmes comme le crédit TVA, il faut que l’Etat active le remboursement de ses crédits. Ce n’est pas normal, car une entreprise n’a pas les moyens de financer l’Etat.
Deuxième chose, on est en train d’étudier avec le gouvernement un projet qui va réglementer les délais de paiement et là je dois absolument rendre hommage au gouvernement qui a eu une réactivité immédiate. Autre mesure qui me paraît extrêmement importante et dont on n’a pas beaucoup parlé, c’est le scoring de l’entreprise par rapport à l’accès au crédit. La décision est donc plus objective et va pousser les entreprises à améliorer leur rating.
Est-ce qu’il y a vraiment une évolution ?
Le Maroc a mis en place le «Crédit Bureau» depuis octobre 2009. C’est un grand pas pour le pays et ça va pousser les entreprises vers une culture de transparence. Il est de mon devoir de défendre les entreprises, mais ces dernières doivent être transparentes dans leur bilan pour qu’elles puisent travailler dans la confiance et la sérénité. Il y a des évolutions, sans aucun doute, avec l’adoption d’une loi sur la réglementation des délais de paiements, l’accès des PME aux marchés publics, la neutralité fiscale en matière de fusion-absorption d’entreprises, sans oublier la mise sur pied des nouveaux mécanismes de financement de la mise à niveau (avec les fonds Moussanada et Imtiaz). D’où l’intérêt pour la PME d’améliorer son scoring vis-à-vis des banques.
Et en matière de qualification des ressources humaines?
Comme chacun sait, le développement dépend de plus en plus du niveau de formation. L’accès à la connaissance constitue un facteur concurrentiel déterminant.
Il y a 3 semaines, j’ai reçu à la CGEM, des associations marocaines qui m’ont impressionné par leur démarche. Elles accordent des bourses d’études à des étudiants brillants mais qui sont dans le besoin. Ainsi, ces étudiants ont été inscrits dans des écoles privées et reçoivent 900 DH mensuellement. Cela dit en passant, on a des relations avec de nombreuses universités.
On doit accompagner ce système pour lui faire part de nos besoins, si l’on tient compte des diplômés futurs. On a essayé aussi de trouver un accord pour la réglementation des stages qui restent extrêmement importants. On s’est mis d’accord sur un contrat-programme que toutes les entreprises doivent respecter. Les ressources humaines s’imposent, car beaucoup d’entreprises ont compris l’importance des stages. L’intégration des nouvelles recrues dans l’entreprise est aussi importante. Il faut qu’il y ait aussi des incitations en termes d’accompagnement pour le crédit d’impôt et pour encourager les entreprises à jouer le jeu.
Quelle est la position de la CGEM par rapport au projet de réforme de la retraite ?
On ne peut ne pas être solidaire avec le système global, on est prêt à jouer le jeu. On est capable de soutenir, donc nous sommes ouverts à toutes propositions, malheureusement, je n’ai pas tous les éléments techniques.
On parle de l’allongement de la durée du travail ?
Sincèrement, j’ai retenu une des recommandations des experts, c’est que même si on rallonge la durée du travail ça ne va pas avoir l’effet escompté. J’aimerais voir d’autres solutions.
La solution, selon les experts, c’est de créer de l’emploi.
Dans notre approche (comme dans celle des experts), on s’accorde à dire qu’il faut qu’il y ait un système généralisé, un système de base pour tout le monde.
Il ne faut pas oublier qu’il y a l’informel social, qu’il faut essayer de formaliser et l’informel déloyal qui est encore plus grave. Ce sont de vrais problèmes auxquels on doit trouver des solutions. L’informel est un réel handicap. Notre économie est ainsi privée de l’apport d’entreprises qui peuvent, une fois intégrées et formalisées, favoriser de nouvelles activités et proposer des projets économiques de développement au plan local. A mon avis, il est essentiel d’améliorer l’environnement dans lequel le secteur informel évolue. C’est un défi pour notre économie, car je suis convaincu que ces activités dites informelles constituent un gisement de richesses considérables et d’emplois.
Quelles sont les propositions de la CGEM par rapport au projet de loi de finances 2011 ?
Ce qui est important, cette année, c’est la nouvelle formule de la proposition de la CGEM. Jusqu’à l’année dernière, la Confédération se contentait de faire une série de propositions transversales valables pour l’ensemble des secteurs et supportées par la commission fiscale de la CGEM. Cette année, on change de méthode.
On va présenter une vraie vision de l’économie parce qu’on ne peut pas ne pas prendre des positions par rapport à des orientations de la politique économique du pays et qui touchent directement l’entreprise. La nouvelle démarche de la CGEM procède de la volonté d’engagement et du sens de la responsabilité.