Mémorandum des partis de l’opposition au sujet du projet de loi organique sur les collectivités locales


Jeudi 9 Octobre 2014

Mémorandum des partis de l’opposition au sujet  du projet de loi organique sur les collectivités locales
Réitérant leur déception au vu du caractère nul et purement formel des négociations politiques avec les partis politiques, prétendues par le gouvernement à propos des lois se rapportant aux échéances électorales, et tout en rappelant les dysfonctionnements méthodologiques et pratiques en rapport avec la mise en place des projets de loi tel que spécifié dans le mémorandum politique commun sur la première mouture du projet de loi organique se rapportant à la Région et daté du 17 juillet 2014…
Et à l’issue d’un examen approfondi de la première mouture du projet de loi organique concernant les collectivités, les partis de l’opposition ont convenu de ce qui suit : 
- La première mouture du projet de loi organique sur les collectivités, tout comme celle relative à la Région, n’a pas mis à profit le cumul positif des expériences réussies ayant marqué la gestion locale et notamment celles accomplies depuis 2003, ni le bilan du débat public se rapportant à l’amendement de la charte communale actuelle marqué dans le présent contexte par les initiatives des élus, de leurs associations et des acteurs associatifs s’intéressant aux questions du développement territorial et de la démocratie participative, ce qui a constitué un plus considérable par rapport au contexte antérieur à la Constitution de 2011, du temps où un tel débat était géré par l’autorité gouvernementale chargée de l’Intérieur.
2-Les dispositions de la première mouture ne peuvent donner lieu à une application exemplaire des principes, des règles constitutionnelles et des objectifs pourvus de valeur constitutionnelle relatifs à la gouvernance des collectivités territoriales et à la démocratie participative; surtout celles stipulées par les articles 12, 13, 15, 19, par le premier paragraphe de l’article 30, ainsi que par les articles 136, 139, 140 et 145 de la Constitution.
3-Elle comprend des dispositions juridiques générales se rapportant au principe de filialisation, puisque ses articles 6 et 91 rappellent ce principe constitutionnel et ne présentent qu’un seuil minimum des conditions procédurales y afférentes, et ce sans pour autant définir, de manière précise, les modes de ses dispositions, les conditions et les paramètres à remplir auprès des conseils des collectivités et conseils des préfectures et des provinces. Ce qui constitue une violation de la première fonction de la loi organique consistant en une délimitation précise des modes, conditions et formes d’application des dispositions constitutionnelles, et ce dans la limite des dispositions de la loi organique.  C’est ce qui ressort des dispositions de l’article 146 de la Constitution.
4-Elle présente, sous diverses formes, un système de relations entre les conseils des collectivités et l’autorité de tutelle où la balance penche en faveur de cette dernière, en dépit du rôle essentiel que joue la justice administrative dans le contrôle judiciaire de la légalité des décisions et des résolutions de la commune. Et ce du fait que l’analyse des articles 80 à 84 de la première mouture indique qu’ils gardent les principes fondamentaux relatifs à la tutelle, exception faite de l’usage du terme de  contrôle de la légalité et des mécanismes de l’opposition et de recours au tribunal administratif.
Hormis cela, dans la première mouture figurent des termes imprécis, comprenant les dangers de l’élargissement de l’action de l’autorité du contrôle administratif n’allant pas dans le sens du second paragraphe de l’article 145 de la Constitution. C’est le cas du terme de «mission de contrôle administratif afférent à la légalité des décisions et résolutions de la commune», stipulé par l’article 9 de la première mouture en lieu et place du terme constitutionnel précis qui évoque «la pratique du contrôle administratif». 
S’inscrivent dans ce même cadre  les dangers de l’élargissement  effectif de la tutelle via le vaste concept «des remarques utiles et les clarifications  relatives aux délibérations  du conseil concernant les points inscrits à l’ordre du jour», stipulé par l’article 22 de la première mouture du projet de loi. Particulièrement si le gouverneur,   ou son représentant, prend l’initiative de son chef.  Ainsi, cette première mouture comporte un élargissement du champ du contrôle administratif  décrété par l’article 145 de la Constitution et ce au détriment du principe de gestion libre stipulé par l’article 136. 
5- Elle ne comporte guère de mécanismes de discrimination positive à même d’élargir la représentativité politique des femmes conformément aux objectifs et principes constitutionnels édictés dans les articles 19 et 30 de la Loi suprême. Notamment au niveau des bureaux des conseils communaux où le mécanisme de discrimination positive ne concerne que les postes de vice-présidence (article 16 de la mouture).  
6- Elle abandonne le principe structurant de la planification communale qui constitue un acquis. Particulièrement  après la modification de la Charte communale de 2009 en faveur du concept de programme d’action communale  comme il appert de la nouvelle dénomination de la commission permanente chargée du budget, des affaires financières et de la programmation (articles 24, 38, 86).  
Les partis de l’opposition ont pris note avec regret de l’absence des principes fondamentaux relatifs à la définition de la procédure d’élaboration des plans de développement communaux.  Une mesure qui aurait pu devenir effective avec un minimum d’imagination juridique  et la préservation des limites constitutionnelles séparant le champ de la loi et celui du pouvoir organisationnel.     
7- N’établit qu’un lien limité entre les outils de la planification et de la programmation financière et ceux de l’évaluation pour le développement  au niveau de la commune.  Même si elle établit un lien  conformément aux dispositions de l’article 87 entre le programme d’action de la commune et la programmation pluriannuelle comme indiqué dans l’article 130  en ce qui concerne les programmations pluriannuelles relatives à l’équipement, cette première mouture  n’établit pas de corrélation entre ces outils et le principe d’évaluation mentionnés par l’article 245 qui demeure d’un caractère général et imprécis, au moins en ce qui concerne le volet afférent à la planification et à la programmation visant le développement.
8- S’est basée sur une logique restrictive dans la mise en œuvre de l’article 139 de la Constitution du fait qu’elle comporte des conditions élargissant le domaine du pouvoir discrétionnaire en matière d’acceptation des pétitions. Parmi ces conditions figurent le concept imprécis de «l’intérêt direct de la commune» pour les personnes physiques  et de «la relation entre l’activité de l’association concernée avec le sujet de la pétition» pour les associations. Ces deux concepts sont mentionnés dans l’article 45 de la première mouture du projet de loi organique.
9- Elle n’a pas exploité les expériences découlant de la participation citoyenne  des enfants initiée par quelques communes urbaines et rurales en partenariat  avec l’UNICEF, et ce dans l’objectif d’élaborer un outil de démocratie participative particulier aux enfants et respectueux des dispositions de la Constitution et de  la Convention internationale des droits de l’enfant.          
10 - Comprend une mise en œuvre limitée du principe constitutionnel concernant la sanction  des cas relatifs aux conflits d’intérêts tel que stipulée par l’article 36 de la Constitution. 
Dans son article 54, la première mouture du projet de loi ne contient aucune disposition explicite relative à la déclaration des conflits d’intérêts, alors que ce mécanisme est devenu l’un des éléments essentiels à même de garantir la transparence de la prise de décision dans les conseils des collectivités territoriales de bon nombre de pays démocratiques. 
11- Elle n'a pas mis à profit le nouvel environnement normatif représenté, en particulier,  dans les dispositions des articles  136 et 145 et également dans le deuxième alinéa de l’article 140 de la Constitution, en vue d’une nouvelle répartition des compétences  de la police administrative entre le Président du Conseil communal et le représentant de l’autorité administrative locale.  
12- Elle ne présente aucune vision nouvelle à propos des rôles des conseils des arrondissements à la lumière de l’expérience actuelle d’une part, ou à propos des mécanismes de développement des programmes de mise à niveau urbaine dans les grandes villes concernées par ce système d’autre part.
Garder la première mouture du projet de loi organique dans sa version actuelle ne permettra pas à notre pays d’appliquer le principe de la gestion libre au niveau des collectivités territoriales tel que stipulé par la Constitution de 2011.
Partant de tous les éléments mentionnés dans ce mémorandum et des remarques préliminaires ou méthodologiques contenues dans le mémorandum commun du 17 juillet 2014, les partis de l’opposition considèrent que l’offre gouvernementale contenue dans la première mouture du projet de loi organique sur les collectivités  constitue par excellence, un sérieux recul démocratique et une négligence des expériences réussies de la démocratie locale que notre pays a connues notamment depuis 2003. Pour cette raison, ils annoncent leur refus de ce projet dans sa version actuelle et appellent le gouvernement à le reformuler pour mettre en œuvre  de manière effective  la démocratie des collectivités territoriales notamment à la lumière des propositions des élus et des acteurs de la société civile. Ils appellent également le gouvernement à exploiter les conclusions judicieuses du dialogue organisé par l’Association marocaine des présidents des conseils communaux et à considérer les recommandations et les propositions de ce dialogue comme un seuil minimal commun pour  l’élaboration d’une deuxième version de ce projet de loi organique.

Fait à Rabat, le mercredi 13 Dou Al Hijja 1435 correspondant au 8 octobre 2014

Hamid Chabat, Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal
Mustapha Bakkoury, Secrétaire général du Parti authenticité et modernité
Driss Lachguar, Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires 
Mohamed Abied, Secrétaire général de l’Union constitutionnelle


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