Quel crédit accorder à la qualité des diplômes des postulants ?
-
La coopération technique avec la CEDH au centre de la visite d’une délégation judiciaire marocaine au Conseil de l’Europe
-
Maroc/Conseil de l'Europe : Clôture du programme conjoint d'appui au mécanisme national de prévention de la torture
-
Omar Zniber souligne les efforts déployés par la présidence marocaine du CDH en vue de la réforme des statuts du Conseil
-
Habib El Malki :Le Maroc a pris plusieurs initiatives pour mettre à profit les avancées des technologies numériques en les intégrant dans les processus éducatifs
-
L'Initiative Royale pour l'Atlantique mise en avant à la 5e conférence "Afrique XXI" de l'IPDAL
Pourtant, nombreux sont les professionnels du secteur (public comme privé) qui ne voient pas d’un bon œil ce projet de loi. Pour eux, ce n’est pas l’ouverture sur les compétences médicales étrangères et marocaines établies à l’étranger qui va métamorphoser la situation chaotique de notre système de santé, de l’aveu même de plusieurs rapports nationaux et internationaux. « Les orientations Royales ont été des plus claires. Elles ont parlé d’une réforme du système national de santé dans sa globalité et non pas d’un seul aspect du secteur. Du coup, on ne peut pas réduire ces directives aux seuls articles concernant l’inclusion des compétences étrangères. Qu’en est-il des vraies maladies qui rongent notre secteur comme c’est le cas de la carte sanitaire, des déserts médicaux, de la migration des compétences marocaines, etc ? », nous a indiqué Badreddine Dassouli, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL). Et de poursuivre : « En effet, ce projet de loi ne promet pas des lendemains meilleurs puisque son champ d’application est le secteur privé alors qu’on sait que c’est du côté du public qu’il faut voir. Ceci d’autant plus que le ministère de la Santé a procédé à rebrousse-poil en mettant la charrue avant les bœufs.
En effet, l’ouverture sur les compétences étrangères dont celles marocaines exige d’abord la mise en place d’une carte sanitaire apte à fixer les besoins pour chaque région et capable de faire l’équilibre entre le nombre de professionnels ou d’établissements sanitaires et la densité de la population dans une zone géographique donnée. Cette carte se présente aujourd’hui comme une priorité voire l’élément clé pour toute réforme qui doit être radicale. D’autant plus que cette réforme doit concerner en principe l’hôpital public. La lutte contre la pandémie du Covid19 a démontré la nécessité et l’importance du secteur public puisque ce sont les professionnels de ce secteur qui ont été au-devant de la scène. Une situation qui ne concerne pas uniquement le Maroc, mais aussi l’ensemble des pays du monde .
Pour notre interlocuteur, les médecins marocains du secteur privé n’ont aucun problème à accueillir leurs collègues étrangers, mais ils exigent des garde-fous et un encadrement clair de l’exercice de ces compétences. « Notre pays ne doit pas accepter n’importe quel professionnel et doit être vigilant au sujet du degré de professionnalisme de ces médecins. Nous ne voulons pas des mercenaires de la médecine. La pratique médicale dans notre pays doit préserver le rôle du médecin et sa place humaine et sociale », a-t-il précisé.
Une évaluation que partagent nombre de syndicalistes exerçant dans le secteur public. Pour eux, cette ouverture sur les médecins étrangers aurait dû être effectuée au niveau du secteur public qui souffre d’un déficit énorme en matière de personnel soignant et où les médecins travaillent sous pression dans des conditions déplorables et sans motivations financières. « Le déficit en ressources humaines dans ce secteur est un secret de polichinelle. Tout le monde sait qu’il a besoin de 32.000 médecins et 58.000 infirmiers. Cette situation de déficit s’est clairement révélée lors de la pandémie en cours. En particulier dans les zones éloignées et dans le monde rural», nous a précisé une source syndicale sous le sceau de l’anonymat. Et de poursuivre : « D’autant plus que le secteur n’attire plus aujourd’hui les compétences qui préfèrent chercher un avenir meilleur ailleurs comme en attestent les concours de recrutement organisés par le ministère de la Santé. Ces derniers suscitent peu d’intérêt. Et pour cause : personne ne veut travailler dans un secteur où l’on ne touche que 8.000 DH après tant d’années d’études et d’exercice dans des conditions déplorables. Sans parler des problèmes d’ordre social et familial engendrés par la profession (difficulté à trouver des remplaçants pour transiter vers une autre ville, problèmes relatifs à la mobilité, au rapprochement familial, à la surcharge, …) »
Pour notre source, l’ouverture sur les compétences étrangères suscite d’autres questions relatives à la qualité et à l’origine de ces compétences. « Aura-t-on droit à des compétences américaine, anglaise ou française ? Et s’il arrive qu’elles acceptent, vont-elles s’installer hors de l’axe Casablanca-Tanger ? Et qu’en est-il des conditions de concurrence entre ces compétences et les médecins marocains ? Nous pensons que cette ouverture ne doit pas se faire au détriment de nos médecins et doit se faire en respect du principe de réciprocité. Autrement dit, les pays émetteurs de ces compétences doivent également accepter que les médecins marocains exercent chez eux ».
Par ailleurs, notre source estime que la priorité doit être accordée au secteur public où le nombre de départs des praticiens est inquiétant. « Il y a eu près de 1.500 demandes de démission qui ont été déposées en une année auprès du ministère de tutelle mais aucune n’a été acceptée. Et même pour ceux qui ont fait recours devant la justice et gagné leur procès, le ministère a refusé tout simplement d’exécuter les décisions des tribunaux en prétendant qu’il a besoin de ces professionnels.
Alors si le secteur a besoin de ces compétences purement marocaines, il doit d’abord s’intéresser à elles et tenter d’améliorer leur situation professionnelle et financière », nous a confié notre source. Et de conclure : « Nous avons toujours défendu le fait que le secteur de la santé a ses propres spécificités et qu’il a besoin d’une loi spécifique, mais le hic, c’est que les responsables préfèrent réfléchir seuls et d’une manière unilatérale sans consulter les professionnels du secteur. Et tant qu’on procède de cette manière, il ne faut pas s’attendre à un bouleversement notable dans la gestion du secteur de la santé publique ».
Hassan Bentaleb