M. Yang et “sa” Grande Muraille de Chine


AFP
Vendredi 28 Juin 2013

M. Yang et “sa” Grande Muraille de Chine
A force de coltiner des briques et des seaux de terre, Yang Yongfu parcourt désormais en boitant la portion de la Grande Muraille qu’il a reconstruite de ses mains et transformée en site touristique. Au risque de se la faire reprendre par l’Etat.
“Au début les gens n’ont pas compris pourquoi je me lançais dans une telle entreprise. Ils disaient que j’étais fou”, confie le Chinois de 52 ans, en balayant de son regard fatigué son imposant rempart de couleur ocre.
Le segment de Muraille qu’il a “privatisé” remonte à la dynastie des Ming (1368-1644). Il n’en restait plus grand-chose quand, en 2000, M. Yang a commencé à le restaurer, en suivant des techniques ancestrales de maçonnerie.
Issu d’une famille rurale de la province du Gansu, il a toujours vécu ici, à Jiayuguan, ville-frontière du Nord-Ouest de la Chine. Une région d’immensités désertiques battues par les vents de sable.
“En 1999 les autorités locales ont appelé les habitants à rénover eux-mêmes la Grande Muraille. J’ai eu envie de me lancer”, relate-t-il.
Son ouvrage colossal serpente sur 790 mètres, bordant d’abord une steppe rocailleuse avant de s’élancer à l’assaut d’une montagne minérale.
La structure comporte un fortin, des tours de guet et de hauts murs à meurtrières surmontés d’épais créneaux, selon le système de défense contre les “barbares” des empereurs chinois.
Yang Yongfu, dont le visage cuivré témoigne de son labeur au soleil —ou de sa dépendance à l’alcool de riz— explique avoir investi plus de 5 millions de yuans (630.000 euros), de ses fonds propres puis en empruntant à ses amis.
“Les gens doutaient, car ils disaient que c’était au gouvernement de rénover la Muraille. Mais on peut aussi y voir un acte de patriotisme”.
Ayant conclu un accord avec les autorités locales, le roué paysan-maçon a converti son rempart en un site touristique, avec porche d’entrée, parking, bouquets d’arbres et petit étang pour pêcher. Le billet d’admission coûte 25 yuans (3 euros).
L’épouse de M. Yang tient la caisse, assise derrière une petite table en plein air. “Aujourd’hui une trentaine de personnes sont venues”, calcule Tao Huiping, la main sur son talon de tickets.
Certains visiteurs avouent ignorer que le site est “privé”. D’autres comme M. Guo, un voisin, amènent leurs amis de passage pour une photo. “Cette muraille est aussi bien rénovée que d’autres portions”, affirme-t-il.
De quoi faire rayonner Mme Tao, fière du “travail phénoménal” de son mari. “Les gens l’appellent l’empereur Yang”, dit-elle en riant.
Pourtant tout n’est pas rose pour le couple. Après des années de laisser-aller, la Chine est devenue sourcilleuse sur ses monuments historiques. Depuis une loi de 2006, seules les autorités doivent gérer le patrimoine national.
M. Yang se retrouve donc dans l’illégalité. Et se dit endetté de près d’un million de yuans (125.000 euros).
“J’en ai versé, des larmes de chagrin”, glisse le quinquagénaire en assurant toutefois ne “rien regretter”. “Je n’ai reçu aucun soutien du gouvernement et ils m’ont accusé d’avoir bâti une fausse muraille. Cela me met hors de moi”.
La Grande Muraille n’est pas continue, mais un agrégat de portions construites sous différentes périodes, dès le IIIe siècle avant notre ère. On estime sa longueur totale à environ 9.000 kilomètres, voire 21.000 si l’on compte les parties disparues.
Le plus célèbre des monuments de Chine a subi bien des outrages, éventré par des routes, des usines ou des voies ferrées. On lui a volé ses pierres et sa terre, notamment lors de la Révolution culturelle maoïste (1966-1976).


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