Louise Glück, une amoureuse de la poésie de la nature


Libé
Dimanche 11 Octobre 2020

Lauréate 2020 du prix Nobel de littérature, Louise Glück, considérée comme l’une des plus grandes voix de la poésie américaine, puise la matière de son oeuvre dans la beauté simple de la nature et dans son enfance.

Richement doté, le prix devrait lui permettre de se procurer... un jardin. “Je voulais acheter une maison, dans le Vermont. J’ai un appartement à Cambridge [près de Boston] et je me suis dit : bon, je peux avoir une maison maintenant”, a-t-elle confié jeudi au comité Nobel.

L’un de ses poèmes, “Japonica” (un groupe de papillons), rappelle l’art raffiné des peintres japonais, commençant par “Les arbres fleurissent/sur la colline./Ils portent/de grosses fleurs solitaires,/des japonicas”.

Dans un entretien avec une revue de poésie américaine en 2006, elle se défendait d’être une spécialiste des motifs floraux : “J’ai eu beaucoup de demandes sur l’horticulture, or je ne suis pas horticultrice”. Elle avait publié en 1992 “The Wild Iris” (“L’Iris sauvage”, non traduit en français comme tous ses volumes), recueil qui déploie tout un jardin et lui vaut le prix Pulitzer, l’un des prix les plus prestigieux au monde.

Même vouée à la confidentialité que réserve notre époque aux vers libres, sa poésie est très accessible. Elle se passe d’appareil critique explicatif, et l’anglais de Louise Glück se lit sans trop de peine pourvu que l’on ait quelques notions de cette langue. Adepte du dépouillement, elle cite pour premières influences de jeunesse des poètes connus pour leur clarté d’expression, William Butler Yeats (prix Nobel 1923) et T.S. Eliot (prix Nobel 1948). Outre la nature, la grande source d’inspiration est son enfance. “J’étais une enfant solitaire. Mes interactions avec le monde en tant qu’être sociale étaient peu naturelles, forcées, des représentations, et j’étais la plus heureuse quand je lisais. Bon, ce n’était pas entièrement aussi sublime que ça, je regardais beaucoup la télévision et mangeais beaucoup aussi”, raconte-t-elle.

Son patronyme germanique lui vient de grands-parents juifs de Hongrie qui ont émigré vers les EtatsUnis au début du XXe siècle. Elle-même naît en 1943 à New York, dans une famille qui l’encourage à exprimer sa créativité. L’une de ses héroïnes d’enfance était Jeanne d’Arc, à laquelle elle consacre un court poème en 1975. “Et maintenant les voix répondent que je dois/me transformer en feu, selon le dessein de Dieu”. Son adolescence est difficile, elle souffre d’anorexie. L’un de ses traumatismes est la perte d’une soeur aînée, morte peu après la naissance. “Ma soeur a passé toute une vie dans la terre./Elle est née, elle est morte./Entre-temps,/pas un regard éveillé, pas une phrase”, dit-elle dans “Lost Love” (“Amour perdu”, 1990). Louise Glück a abandonné ses études, s’est mariée puis a rapidement divorcé. Elle commence à se révéler en 1968, par son premier recueil “Firstborn” (“Aînée”).

Un second mariage lui apporte plus de stabilité et elle devient universitaire. “A travers toute l’oeuvre poétique de Glück, nombre des figures centrales de ses poèmes sont féminines (...) soit une jeune femme, que l’on distingue souvent comme la fille de quelqu’un, soit une mère”, écrit Allison Cooke, chercheuse en littérature. Louise Glück est la mère d’un enfant. “La jeune femme dans la poésie de Glück s’intègre dans le discours féministe de plusieurs décennies sur +ce que cela signifie d’être une femme+”, ajoute Mme Cooke.

Depuis plus de 50 ans, elle a publié treize recueils. Le dernier, en 2014, s’intitule “Faithful and Virtuous Night” (“Nuit fidèle et vertueuse”). “J’aime mon oeuvre récente”, at-elle affirmé au comité Nobel, citant “Averno”, un recueil de 2006, comme “un bon endroit pour commencer” à la lire.


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