Les usagers, victimes expiatoires des transports urbains : Grands et petits taxis casablancais broient du noir


Hassan Bentaleb
Mercredi 29 Décembre 2010

Les usagers, victimes expiatoires des transports urbains :  Grands et petits taxis casablancais broient du noir
Mardi 28 décembre, aux alentours de 11h00, un étrange spectacle s’est déroulé sur le boulevard Hassan II à Casablanca: des policiers éparpillés aux quatre coins de l’avenue, des piétions hagards, cherchant à comprendre ce qui se passait, et une foule de journalistes et de photographes agglutinés autour de cette foule compacte de chauffeurs des grands et petits taxis.  Ils étaient des centaines à manifester devant le siège de la wilaya, en signe de protestation contre leurs conditions de travail et l’indifférence des autorités compétentes. Ils déploraient l’absence de protection sociale et le droit à la retraite ainsi que la complexité des procédures d’octroi des cartes professionnelles. Bref, Ils avaient le cœur plein et leurs souffrances semblaient ne pas avoir de limites.
Pour Mohamed Chafii, secrétaire général du Syndicat des petits taxis, le sit-in d’hier n’est qu’une action préventive. Les taximen menacent de déclencher une grève nationale qui rappelle celle du 3 avril 2007. «On a frappé à toutes les portes. On a adressé des courriers à plusieurs reprises au wali de Casablanca et au ministre de la Justice mais rien ne semble venir», a-t-il précisé.
De son côté, Abdellatif Atouri, autre secrétaire général du Syndicat des petits taxis, a rappelé que le Premier ministre a promis lors des grèves ayant accompagné le processus d’adoption du nouveau Code de la route, une amélioration des conditions de vie des taximen, notamment au niveau de la santé, du logement et de la couverture sociale, mais ces promesses se sont volatilisées. « Il est temps d’accorder plus d’intérêt à ce secteur qui emploie plus de 20.000 personnes et fait vivre plus de 80.000 familles », a-t-il noté.
Pourtant, le ras-le-bol des taximen n’empêche pas de  jeter un coup d’œil au rétroviseur pour voir comment ces chauffeurs de taxis travaillent et exercent leur métier. Ces derniers sont connus pour leurs écarts de conduite et leurs pratiques scandaleuses.
A titre d’exemple, depuis quelques jours, les petits taxis casablancais refusent de se rendre au centre-ville et au quartier Maârif. La cause : les embouteillages dus aux travaux du tramway et le ralentissement du flux de la circulation suite à l’application des dispositifs du  nouveau Code de la route, notamment ceux  qui limitent la vitesse dans les zones urbaines à 60 km/h.
Convaincre un taxi de se rendre au centre-ville est devenu une véritable gageure  qui demande beaucoup de patience et de sang-froid. Il ne suffit plus d’appeler un taxi pour qu’il s’arrête. Il faut multiplier les tentatives pour réussir à le convaincre de le faire, surtout aux heures de pointe. Et si vous arrivez à l’arrêter, il faut prier le bon Dieu pour que  le chauffeur vous prenne et qu’il n’emprunte pas le parcours le plus long. La multitude de taxis qui doivent assurer les liaisons quotidiennes dans la ville blanche semble bien imposer sa loi et le client est tout sauf roi.
« Arrêter un taxi est devenu une tâche  presque impossible. Une vraie aventure qui est loin d’être de tout repos pour les nerfs. Il faut s’armer de beaucoup de patience, car il faut attendre entre une demi-heure et une heure pour trouver un taxi qui accepte de vous conduire vers le centre-ville. Une aventure qui s’est transformée en un véritable calvaire», s’est indigné ce jeune cadre, coupé par son collègue agacé par le comportement indicible des chauffeurs de taxis : «On en a raz-le bol de faire les frais  des caprices et de la mauvaise humeur de ces chauffeurs qui décident qui prendre et où aller».
Ce jeune cadre ne mâche pas ses mots. Il accuse les automédons d’être des impolis et des irresponsables qui méprisent totalement les dispositions du Code de la route et donc la sécurité des passagers. «Avec certains chauffeurs, je ne sais pas à quoi m'attendre. C'est devenu une vraie mésaventure pour moi», nous-a-t-il confié.
De leur côté, les chauffeurs de petits taxis  persistent et signent : la circulation dans le centre-ville est devenue insupportable, voire infernale. S’aventurer dans ces lieux, c’est un gaspillage de temps garanti, peu importe ce que l’on pourrait gagner. Il faut compter près d’une heure ou plus pour s’en sortir. La multitude des feux rouges et la multiplication des déviations dues aux travaux du tramway ainsi que la limitation de la vitesse ont aggravé la situation.
« Casablanca semble tourner au ralenti.  Et nous, on a des bouches à nourrir et des charges à payer. Et du coup, on ne va pas passer toute la journée dans ces embouteillages pour des trajets qui ne coûtent que 20 à 30 DH lorsqu’on utilise les taximètres», nous a précisé Mjid, chauffeur d’un petit taxi. Or, rares sont les taximen qui le font.
Concernant les accusations récurrentes de plusieurs Casablancais à propos de  l’impolitesse de ces chauffeurs et de leur refus de prendre des passagers, Mjid relativise. « Comme dans chaque corps de métier, il y a des bons comme des mauvais. Donc on ne peut pas tout mélanger. S’agissant du refus des taximen de prendre des passagers,  je trouve cela irréaliste, car un petit taxi est une machine à sous qui procure de l’argent mais qui coûte aussi de l’argent. Chaque chauffeur a des obligations et des charges à rembourser et il ne peut pas rester sans travailler », a-t-il tenu à nous préciser.
Mjid a essayé, néanmoins, de trouver une explication aux comportements de ces collègues de travail.  Il pense qu’il y a certains cas justifiant le refus de prendre des clients : « Il s’agit soit de la fin de service ou de l’heure de la pause-café ou tout simplement que le chauffeur de taxi ne désire pas emprunter le chemin indiqué et je crois que c’est son droit», a-t-il conclu. En d’autres pays, cela s’appelle un refus de prestation de service et la loi punit sévèrement un tel délit. Au Maroc, il existe certes des dispositions légales en la matière, mais elles ne sont presque jamais appliquées.
Vrai ou faux? Difficile de répondre de manière tranchée puisque la réglementation concernant le métier de chauffeur de taxi est trop ancienne pour être appliquée en l’état.
Les deux articles qui règlement cette situation sont en contradiction l’un par rapport à l’autre. Car si l’article 35 portant sur l’octroi du permis dit de confiance stipule que les conducteurs de taxis ne sont pas tenus de prendre en charge toutes sortes de personnes, l’article 37 précise que les conducteurs doivent conduire les voyageurs à destination par le chemin le plus direct. Que faut-t-il en conclure ? Que les portes de l’interprétation sont grandes ouvertes.
Reste à noter que les conducteurs de taxis sont obligés par le biais du permis de conduire d’avoir une tenue propre et descente (art 27) et de ne pas fumer en conduisant ou de manger à l’intérieur de leurs véhicules (art 28). Les taximen doivent avoir également un comportement poli avec les clients et surtout respecter le Code de la route.
La loi garantit au client de refuser d'autres voyageurs et lui permet d’exiger de suivre l'itinéraire qu'il désire et non celui qui arrange le chauffeur. De même, il n'est pas obligé de supporter les discours du chauffeur ou ses goûts musicaux. Par ailleurs, le véhicule doit être propre et bien entretenu. Mais entre la loi et la réalité, il y a tout un monde. 


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