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Depuis plusieurs années, plusieurs petits « patrons » ont eu la possibilité de s'implanter dans l'enceinte même du port de M'diq afin de proposer ces grillades de sardines appréciées tant par les locaux que par les touristes. Il suffit de visiter les lieux, à n'importe quel soir, pour se rendre compte du succès considérable des « chiringitos ». Durant la période estivale, il est parfois impossible de trouver une place de stationnement aux alentours du port tant l'affluence est importante. A l'intérieur, le service ne s'arrête pas. Dès midi, les gens s'empressent de s'installer aux tables de fortune installés tout au long des petits hangars, chacun ayant son coin préféré et son « patron » attitré. Il n'en demeure pas moins que le racolage est d'usage dans ce lieu où les « chiringitos » sont installés tous les mètres, l'un à côté de l'autre. « Attention, il ne s'agit pas de restaurants », insiste Hamid, l'un des employés occupés à aligner les tables qui devraient accueillir les premiers clients avant d'ajouter en insistant sur chaque syllabe « ce sont des « chiringitos »…
En effet, aucune carte n'est offerte aux clients et aucun serveur ne se présente en nœud-pap'. Les employés de chaque « chiringito », chemises à moitié ouvertes et pantalons retroussés, s'empressent et s'improvisent, tantôt serveurs, tantôt responsables des grillades. Le décor est des plus simples et des plus rudimentaires : à l'intérieur sont entreposées les sardines et à l'extérieur, des grills sont alignés et des tables sont installées çà et là, faisant face au bord de mer où accostent quotidiennement les bateaux de pêcheurs. Il est à noter que si certains respectent un alignement « esthétique », d'autres patrons entreposent leurs tables de manière assez anarchique et n'hésitent pas à déborder l'espace qui leur est réservé pour investir les allées…
La fumée qui émane des grills est visible à plusieurs dizaines de mètres à la ronde ; elle crée une ambiance spécifique… De larges feuilles de papier font office de nappe ; ce qui permet au serveur de débarrasser la table facilement, en un seul geste. En accompagnement des sardines, sont proposées des « salades » tomates-oignons salés grossièrement coupée en gros dés avec un cure-dent en guise de fourchette. En hiver, certains demandent aussi à goûter à la « bissara » locale rehaussée d'un filet d'huile d'olive et d'un verre de thé à la menthe. En été, ce sont les boissons rafraîchissantes qui ont la cote. Pour se laver les mains, il suffit de se déplacer au point d'eau installé près du quai par chacun des patrons. Malgré les désagréments de l'odeur qui vous tient à la peau et aux vêtements (inutile de nier avoir mangé dans un « chiringito » !), malgré une certaine anarchie créée par certains patrons peu scrupuleux, malgré le racolage qui peut gêner, malgré l'hygiène qui manque ostensiblement, les lieux ne désemplissent pas. « Certains prennent déjeuner et dîner ici, tous les jours » nous avoue cette patronne présente au port de M'diq depuis 12 ans consciente du rôle important de ces « chiringitos » dans l'accueil des visiteurs de la ville de M'diq. Toutes les catégories socio-économiques se pressent devant les « chiringitos ». Hollandais, Français, Belges, Espagnols et bien d'autres nationalités aux côtés des Marocains qui résident à l'étranger font de ce lieu un passage obligé et fort apprécié.
Malheureusement, les « chiringitos » font l'objet de rumeur depuis quelque temps. Pour les principaux intéressés, aucune nouvelle de délocalisation ou de fermeture n'est officiellement à l'ordre du jour. Il n'en demeure pas moins que pour l'ensemble des patrons, les conditions de travail ne sont plus les mêmes. « A chaque début de saison estivale, l'on ne sait jamais quel problème va nous tomber sur la tête ! », précise ce patron qui, propriétaire de trois petits hangars, emploie quelque 23 personnes en période de haute saison. Déjà, en juillet dernier, les patrons ont dû fermer boutique. C'est d'ailleurs ce qui a pu alimenter un peu plus la rumeur d'une fermeture définitive. « En juillet, la direction du port nous a demandé de fermer pendant une semaine car un comité devait faire le tour des sites portuaires au Maroc. l'On a accepté. Une semaine après, la période de fermeture devait être prolongée… En fin de compte, 20 jours plus tard, j'ai décidé de rouvrir sachant que ces 20 jours représentent pour nous une perte financière considérable. Les clients venaient et étaient arrêtés aux portes. Les autres patrons ont suivi et ont également rouvert. Seulement, eau et électricité nous ont été coupées entre-temps. Après plusieurs tractations avec les responsables, la coupure a pris fin (…) ».
De l'avis de tous les patrons et employés que nous avons pu rencontrer, les recettes les plus importantes sont réalisées durant l'été. Cette année a été catastrophique.
En stoppant leurs activités contre leur gré durant le mois de juillet, il ne leur restait que le mois d'août. Vu que le Ramadan a coïncidé, cette année, avec la dernière semaine de ce mois, l'on comprend l’importance de la perte. Après avoir retrouvé l'usage de l'eau et de l'électricité, les patrons des « chiringitos » ont dû faire face à une nouvelle coupure motivée par le fait que certains ne respectaient pas l'emplacement réservé aux tables. En effet, les allées et bords de quai sont aussi investis de manière anarchique. Le patron qui a voulu se confier nous avoue que ce n'est qu'après avoir signé un document dans lequel il s'engageait à respecter les alignements que l'eau et l'électricité ont pu être rétablies. Si ce patron affirme vouloir respecter scrupuleusement les règlements en vigueur, s'il est prêt à payer impôt ou taxe s'il le faut, d'autres patrons improvisés restent peu scrupuleux en défiant tout règlement…
A l'évidence, l'anarchie règne ! Certains n'ont pas le droit de proposer des grillades puisqu'ils ne bénéficient que d'un espace de vente de poissons. De l'avis de nombreux clients que nous avons pu rencontrer, enlever les « chiringitos » seraient une « perte » pour la ville de M'diq qui compte, chaque année, sur les nombreux visiteurs et estivants. De l'avis de tous ceux qui ont voulu nous parler, les responsables devraient plutôt permettre aux propriétaires de « chiringitos » et leur donner l'autorisation de réaliser des travaux pour rendre les lieux un peu plus agréables.
Un autre point qui revient de manière récurrente tant chez les patrons que chez les clients : l'hygiène. En effet, si les lieux connaissent un engouement impressionnant, l'on ne peut pas dire que la propreté soit reine chez les « chiringitos » de M'diq (malgré les nombreuses pancartes qui longent les quais). Seulement, comme nous le rappelle Imad, l'un des nombreux employés dans le port, « si une benne a ordures a été octroyée l'année dernière, cette année, elle a tout bonnement été retirée. Ceci nous a obligés à entasser les détritus et à les transporter, en fin de service, dans une benne un peu plus loin sur la « playa » (…) » Pas très commode, en effet !
Un message de ces patrons de « chiringitos » qui ferment tous durant le mois de Ramadan : « Qu'on nous laisse travailler ! ». Si 50 personnes travaillent dans les « chiringitos », durant la période estivale, ce ne sont pas moins de 50 familles qui réussissent aussi à manger à leur faim. Ils affirment tous qu'ils préfèrent ouvrir, à perte, durant toute l'année, plutôt que d’être containts de fermer ce lieu devenu, il faut le dire, incontournable à M'diq….