En effet, le Mali et ses alliés du Niger et du Burkina Faso ont annoncé dimanche dernier le rappel de leurs ambassadeurs respectifs en Algérie, qu'ils ont accusée d'avoir abattu fin mars un drone de l'armée de Bamako en territoire malien.
Soutien d’Alger aux groupes terroristes
Le 1er avril, Alger avait annoncé avoir abattu un drone de reconnaissance armé qui avait pénétré son espace aérien. A la suite d'une enquête, le Mali a "conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile préméditée du régime algérien", a affirmé dans un communiqué le ministère malien des Affaires étrangères.
"Le collège des chefs d'Etat de l'AES (Alliance des Etats du Sahel) décide de rappeler pour consultations les ambassadeurs des Etats membres accrédités à Alger" après l’abattage de ce drone malien, ont annoncé les trois pays dans un communiqué commun.
Selon les autorités maliennes, l'épave du drone a été localisée à 9,5 kilomètres au sud de la frontière avec l'Algérie.
"La distance entre le point de rupture de liaison avec l'appareil et le lieu de localisation de l'épave est de 441 mètres. Ces deux points sont tous situés sur le territoire national", a précisé le communiqué, ajoutant que l'aéronef "est tombé à la verticale, ce qui, probablement, ne peut s'expliquer que par une action hostile causée par des tirs de missiles sol-air ou air-air".
"Face à la gravité de cet acte d'agression inédit", le Mali "condamne avec la dernière rigueur cette action hostile, inamicale et condescendante des autorités algériennes", a poursuivi la même source.
Les autorités maliennes ont par ailleurs, annoncé plusieurs mesures de protestation contre Alger, notamment la convocation de l'ambassadeur algérien à Bamako, le retrait avec effet immédiat du Comité d'état-major conjoint (CEMOC) - une alliance de plusieurs forces armées du Sahel pour lutter contre le terrorisme -, et une plainte devant des instances internationales "pour actes d'agression".
Les autorités maliennes ont accusé ouvertement la junte militaire d’Alger de protéger et de couvrir les mouvements terroristes opérant dans le nord du pays.
A rappeler que certains groupes jihadistes armés actifs au nord du Mali ou près des frontières nigériennes bénéficieraient d’une forme de tolérance, voire de soutien logistique ou diplomatique de la part de l’Algérie.
Selon les observateurs, plusieurs preuves confirment le soutien d’Alger à ces groupes terroristes qui visent à déstabiliser les pays du Sahel. Il s’agit notamment de relations secrètes entre Alger et certains chefs de groupes armés sahéliens, en particulier des éléments issus d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou de groupes touaregs, ainsi que l’accueil de figures de groupes terroristes sur le sol algérien.
Rejet de l’ingérence algérienne
En plus du soutien aux groupes jihadistes, les pays du Sahel dénoncent l’ingérence de la junte d’Alger dans leurs affaires intérieures. Tout a commencé par la tentative de l’Algérie, en 2024, de jouer un rôle de médiateur dans la crise institutionnelle nigérienne, née du coup d’Etat ayant renversé le président Mohamed Bazoum. L’initiative algérienne avait été perçue à Alger comme un geste diplomatique visant à éviter une intervention militaire de la CEDEAO.
Mais les autorités nigériennes ont rejeté cette initiative, la qualifiant de "tentative de déstabilisation", accusant Alger de "se poser en donneur de leçons" sans reconnaissance de la souveraineté populaire exprimée à travers les nouvelles autorités de transition.
Dans un communiqué conjoint publié récemment, les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont accusé l’Algérie d’" ingérence dans leurs affaires intérieures" et dénoncé une tentative de division et d’isolement de l’AES. Ils reprochent à Alger de ne pas reconnaître la légitimité de leurs transitions et de s’aligner, de manière implicite, sur les positions occidentales.
La crise diplomatique actuelle entre l’Algérie et les pays de l’AES révèle une fracture profonde au sein du Sahel, où la junte militaire algérienne, au lieu de jouer un rôle positif pour garantir la stabilité de cette région, préfère adopter une position ambiguë en protégeant certains groupes jihadistes opérant à la frontière des pays avoisinant l’Algérie.
Elias Rayane