Les hydrocarbures créent des étincelles sous l’Hémicycle

Daoudi se défausse sur la commission parlementaire de Bouanou qui ne s’est pas fait prier pour riposter


Hassan Bentaleb
Mercredi 9 Mai 2018

«S’il y a eu augmentation des prix du carburant durant la dernière semaine, c’est à cause du marché international où le  baril de pétrole a été écoulé à plus de 75 dollars. En fait, toute augmentation des prix au niveau international se répercute directement sur le marché national », a lancé Lahcen Daoudi en réponse à des questions  orales sur la hausse des prix des carburants posées lors de la séance tenue  avant-hier à la Chambre des représentants.  Le ministre chargé des Affaires générales et de la Gouvernance a pris même ces parlementaires pour les vrais responsables de cette situation ! Selon lui, le Parlement doit assumer ses responsabilités,  en s’interrogeant sur le sort   du rapport de la Commission parlementaire  mise en place en juin 2017 pour faire la lumière sur la réalité des prix affichés par les pétroliers.
Pourtant, nombreux sont ceux qui estiment que les propos du ministre ne sont qu’une simple fuite en avant puisque les faits sont têtus et qu’ils rendent son raisonnement caduc.   En fait, les spécialistes sont unanimes  à considérer que  les prix des carburants au niveau national suivent généralement l’évolution du marché international en cas de hausse des prix et ce n’est pas forcément le cas dans un scénario baissier. L’évolution des prix pratiqués depuis décembre 2015 en dit long sur ce décalage. Ainsi quelques mois après l’entrée en vigueur de la libéralisation des prix, ceux-ci n’ont baissé que de 0,89% alors que les cours du gasoil raffiné à Rotterdam ont chuté de plus de 20%. Une situation qui a été enregistrée également en janvier 2016 avec une baisse à la pompe de 2,56% alors qu’au niveau international cette baisse a été de plus de 17%.
Les opérateurs, eux-mêmes, confirment cette réalité.  Selon une enquête du magazine Telquel,   ces opérateurs trouvent normal que la chute des cours du pétrole ou des produits raffinés ne se répercute pas exactement sur les prix à la pompe. Car, explique-t-ils,  seule la moitié du prix du carburant dépend du prix du pétrole raffiné. Le reste vient des taxes, qui ne baissent pas, et du taux de change du dirham par rapport au dollar. De plus, il y a toujours un décalage entre la baisse du prix de la matière et celle du produit final, le temps que le gasoil ou l’essence raffiné soit transporté, stocké, à nouveau transporté, puis distribué. L’enquête a conclu que la hausse des prix à l’international est assumée complètement et immédiatement (ou presque) par les consommateurs, alors que dans un scénario baissier, les pétroliers vont chercher d’abord à écouler leur stock acheté à un prix plus élevé et c’est justement ce décalage qui explique l’explosion des marges en 2016. A tel point qu’on  assiste aujourd’hui à une concurrence monopolistique ou plutôt à un oligopole comme  en attestent les prix appliqués à la pompe. En fait, les prix  affichés par les différents distributeurs ne dépassent pas quatre centimes, alors qu’ils s’approvisionnent auprès de divers fournisseurs et à différentes dates.
Concernant le rapport de la Commission parlementaire,  nombreuses sont les voix qui pensent qu’il ne faut pas s’attendre à de grands exploits de cette commission vu ses pouvoirs limités et sa mission restreinte. En fait, ces commissions dites de prospection sont chargées uniquement de collecter les informations concernant des événements précis ou la gestion des services, des établissements ou des entreprises publiques. Et leur travail consiste à mener des enquêtes et à rédiger le rapport qu’ils doivent soumettre au bureau de la Chambre des représentants qui est la seule habilitée à les programmer aux séances plénières ou pas. La mission de ces commissions  se termine une fois leurs rapports discutés.
Pis, le règlement intérieur du Parlement ne précise pas dans ses articles 208, 209 et 210 encadrant la création, la composition et  le fonctionnement de ces commissions, si les personnes convoquées par elles ont l’obligation de se présenter, si ces personnes sont auditionnées sous serment, si les membres de ladite commission ont le pouvoir de contrôle sur pièces et sur place des documents et s’il y a possibilité de rendre publiques leurs auditions. Mieux, lesdits articles ne disent pas si le non-respect de ces obligations peut donner lieu ou non à des poursuites pénales.
A ces limites de fonds, le rapport en question fait actuellement l’objet de divergences relatives à son  contenu et à ses détails. Alors que certains membres de la commission comptent  désigner nommément les opérateurs du secteur, d’autres sont contre cet avis.
Autre sujet de discorde et non des moindres : les données du  rapport. Pour certains membres de la mission, il fallait bannir  les données fournies par le gouvernement sur la structure des prix des carburants au profit des éléments fournis par le Groupement des pétroliers marocains (GPM). Pour eux, les opérateurs cernent mieux que quiconque les données du secteur et surtout ses contraintes.
Les données fournies le 18 février dernier par le ministère de l’Energie et des Mines ont également été exclues. Et pour cause :   une projection conforme aux coûts des carburants à l’international a fait ressortir que le prix sur le marché national devrait être de 7 dirhams pour l’essence et de 6 pour le gasoil.
Pourtant, qu’il y ait encore débat sur tel ou tel sujet, les spécialistes sont d’accord à considérer que le problème des prix des carburants dépasse de loin la mise en place d’une commission parlementaire et que l’origine du problème réside dans le fait que l’Etat a procédé à la libéralisation du secteur sans mettre en place une instance de régulation. Un  rôle non assumé jusqu’à présent. Et ce n’est pas le ministère délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance qui va jouer ce rôle puisque ce département ne peut pas être  juge et partie à la fois.  Ce ministère a pour rôle, précisent les spécialistes,  de superviser ce secteur notamment après sa libéralisation.  Une responsabilité qui reste, néanmoins,  partagée entre plusieurs départements ministériels. Il s’agit donc d’une affaire gouvernementale et non d’un seul ministère.


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1.Posté par Abdelaziz le 09/05/2018 00:30
C est déjà dure pour le gouvernement et c est pas près de changer...
Le RNI est en déroute , celui du PAM vie sous perfusion alors que le parti de l istiqlal tente un retour au premier plan d ailleurs certains spécialistes prédisent aux prochaines élections un record d abstention , l USFP devrait en profiter en proposant des idées pour sortir le Maroc de tant de blocages.

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