Les chiffres de la honte : Les droits économiques, sociaux et culturels des Marocaines sont bafoués


Narjis Rerhaye
Vendredi 30 Octobre 2015

Inquiètes et préoccupées. Ce jeudi 29 octobre, les activistes des droits des femmes n’ont pas caché leur perplexité en présentant les observations et recommandations du comité des droits économiques, sociaux et culturels émises à l’occasion du 4ème rapport périodique du Maroc. Il y a quelques semaines un collectif de 32 ONG marocaines -dont l’ADFM- a présenté à Genève le rapport parallèle au 4ème rapport périodique du gouvernement Benkirane sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.  D’un rapport à l’autre, c’est le même constat amer qui est dressé. 
« Des conclusions préoccupantes qui nécessitent une mise en œuvre urgente et effective des engagements internationaux du Maroc en matière des droits des femmes », a affirmé Samira Bik, la présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc-Rabat au cours d’une conférence de presse donnée au nom du collectif, jeudi matin au siège rbati de l’ADFM. 
Le décor est très vite planté et il prête à inquiétude. Il ne fait toujours pas bon d’être femme au Maroc. Comme les faits, les indicateurs sont têtus et tout à fait officiels. Après 60 ans d’indépendance, la mortalité maternelle est de 112/100.000.  L’analphabétisme continue de se conjuguer au féminin en frappant 37% des femmes. En milieu rural, l’analphabétisme des Marocaines est encore plus prononcé en atteignant la barre des 50%. La violence faite aux femmes a encore de beaux jours devant elle : 62,8% des femmes sont concernées et 55% de ces cas enregistrés sont relatifs à des violences conjugales. Les premières victimes du chômage, de la précarité et de la pauvreté sont les femmes. 7% seulement des Marocaines ont accès à la propriété. La faiblesse d’un tel taux dans le monde rural -1%- est encore plus significative du fossé entre les hommes et les femmes en terre marocaine. Le taux de chômage des femmes  est  d’un peu plus de 28% alors que la scolarisation dans les établissements du secondaire ne profite qu’à 7% des filles vivant dans le milieu rural. Reste un volet où la Marocaine est championne incontestée, le ménage. Sa contribution aux tâches ménagères est de 95%, soit 5 heures par jour. Ce qui laisse peu de place à l’épanouissement professionnel.

Le silence-mépris 
du gouvernement

Les conclusions du comité  pour les droits économiques, sociaux et culturels sont alarmantes en ce qui concerne la situation des femmes de notre pays.  Maillon faible de la société et quasi absente des politiques publiques, la Marocaine est au cœur de toutes les disparités, de toutes les ségrégations, de toutes les discriminations.  Le comité a ainsi pointé les disparités au niveau du salaire minimum entre les femmes et les hommes et ce dans les différents secteurs économiques. Les progrès de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sont encore très lents : la persistance de stéréotypes sexistes empêche le plein exercice par les Marocaines de leurs droits économiques, sociaux et culturels. La non incrimination du viol conjugal a également été relevée tout autant que l’âge de mariage fixé à 16 ans et qui inquiète le comité des droits économiques, sociaux et culturels. La question de l’avortement ainsi que celle des relations sexuelles consenties et hors mariage ont été soulevées sous l’angle des libertés individuelles. 
Un long rapport qui pointe les lacunes, les défaillances, les retards pris dans l’accomplissement des droits économiques, sociaux et culturels des femmes. La réponse du gouvernement Benkirane n’a concerné que deux points : la discrimination  et les relations sexuelles. « Sur tout le reste, il n’y a aucune réponse. Ce qui peut signifier que cet Exécutif partage ces conclusions inquiétantes. Mais il ne fait rien pour changer les choses, sinon de la diversion », relève la présidente de l’ADFM-Rabat avant de rappeler que la non participation des femmes signifie partout dans le monde un  manque à gagner de 27% du PNB.

Abolir la polygamie
Les recommandations du comité des droits économiques, sociaux et culturels sont multiples et s’inscrivent toutes dans le sens de l’égalité et de la justice rendue à  la moitié de la société. Abolition de la polygamie, fixation de l’âge de mariage à 18 ans, organisation de campagnes de sensibilisation pour combattre toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe, identification des obstacles rencontrés par les femmes dans l’emploi et prise de mesures adéquates, adoption d’une législation globale sur les violences faites aux femmes conformément aux normes internationales, ce sont là quelques-unes des propositions émises par ceux et celles du comité à Genève.
A Rabat, les défenseures des droits des femmes tirent la sonnette d’alarme et annoncent une mobilisation sans faille. Pas question de rester les bras croisés en cette dernière année du mandat de ce gouvernement qui n’a eu de cesse de menacer les acquis des Marocaines. L’urgence réside aujourd’hui, expliquent-elles, dans la prise de mesures nécessaires et effectives pour la mise en œuvre de toutes les recommandations du comité DESC. Et appel est enfin  lancé pour que le Maroc ratifie le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
 


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