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Déçus de la marginalisation et la négligence, certains «Mokaddem» ont brisé l'omerta. Pour le faire, ils ont choisi Libé.
Ils étaient cinq à prendre attache avec nous dans un café de la métropole. Représentant plusieurs arrondissements du Grand Casablanca, ces auxiliaires de l'autorité nous ont tout déballé. A Commencer par l'absence de statut particulier les concernant. «Notre situation au sein de l'administration est dérisoire. Nous n'avons pas les mêmes droits que les autres fonctionnaires du ministère de l'Intérieur. Nous sommes maltraités par tous, y compris par nos supérieurs hiérarchiques directs, les Caïds», déclare l'un d'entre eux. Et ce n'est pas tout. Ces auxiliaires de l'autorité ont une mauvaise réputation au sein des populations. Ils sont accusés d'abus de pouvoir, de corruption, d'entrave à la démocratie, etc. Des accusations qu'ils expliquent à leur manière : «Quand on est sous payés, maltraités et obligés de faire des actes illégaux parfois, il faut s'attendre à tous les malheurs du monde, y compris le mépris des gens». Certes, leur situation administrative floue les expose eux-mêmes aux abus de leurs supérieurs.
Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a aucun règlement ou loi qui régisse ce métier «auxiliaire» à la fonction d'agent d'autorité, notamment au sein l'administration territoriale. Leurs salaires dérisoires justifient, à leurs yeux, les abus que certains «Mokaddem» exercent sur les marchands ambulants, les bidonvillois et les citoyens en général. «Nous avons à peine atteint le SMIG sans pouvoir bénéficier des avantages sociaux.
«Nous avons à peine atteint le SMIG sans pouvoir bénéficier des avantages sociaux. Nous n'avons pas droit au congé sauf si le Caïd accepte de nous accorder un repos annuel de cinq jours au maximum. Pour les fidèles serviteurs de celui-ci, il leur accorde 15 jours de congé annuel», précise un Mokaddem furieux contre sa situation. Pire, «nous sommes mobilisés 24h/24 et 7j/7 au service du Caïd qui, souvent, nous fait subir de mauvais traitements et nous oblige à effectuer des tâches qui relèvent des attributions d'autres services.
Il nous arrive parfois d'effectuer des tâches dangereuses et fort peu décentes telles que l'éradication des chiens errants ou enragés, le gardiennage, etc. Il nous arrive souvent de réparer les pneus crevés ou dégonflés des voitures de services des supérieurs. Et ce, sans bénéficier d'une quelconque assurance-risque. Plusieurs auxiliaires ont été gravement blessés en exercice sans prise en charge par l'administration qui ne tarde pas à les remplacer par d'autres en cas d'incapacité permanente de travail», indique un vieux Mokaddem à la retraite. Celui-ci nous a affirmé que sa pension, à l'instar de celle de tous les Mokaddem du pays, est fixée à 800 DH. Un plafond qui ne répond à aucun critère y compris celui afférent à la durée du service effectué pour l'administration publique. Ceci dit, «nous vivons dans une vraie misère. Les temps ont changé. Nous ne pouvons plus continuer dans ces conditions», conclut cet auxiliaire retraité.
Bref, la situation lamentable des Mokaddem est à revoir. Ils exigent une insertion dans le cycle de la Fonction publique à partir de l'échelle 5 pour pouvoir bénéficier de tous les avantages sociaux leur permettant une bonne couverture médicale, une assurance de travail, un statut légal qui les protège de tous les abus de leurs supérieurs hiérarchiques, etc.
A leurs yeux, l'élaboration d'un statut particulier leur permettrait d'effectuer leurs tâches dans la légalité et la transparence et sans assumer les conséquences des décisions abusives prises par leurs supérieurs hiérarchiques. Ils réclament par ailleurs une révision de leurs salaires qui prenne compte de leur niveau scolaire et de leur ancienneté. Idem pour leurs frais de déplacement et pour la logistique dont ils disposent. «Certains roulent sur des motos sans carte grise ni assurances souvent saisis dans des affaires de vol ou de trafic de drogue. Nous n'avons droit qu'à 100 DH de frais d'essence par mois que nous ne recevons que rarement. Sans oublier que les 30 minutes de communications mensuelles qui nous sont accordées ne couvrent pas nos besoins mensuels. Ce qui nous oblige à acheter des recharges téléphoniques. Une dépense supplémentaire qui s'ajoute à d'autres. Ce qui obère notre bourse, surtout que nous avons des charges familiales importantes», résume un jeune Mokaddem.
En un mot : comment ne pas être corrompu dans une telle situation ? La soumission est une monnaie courante dans ce service clé de la sécurité marginalisé par l'administration.
Las d'attendre un lendemain meilleur qui n'arrive pas, les auxiliaires de l'autorité à l'échelle du Grand Casablanca prévoient de manifester leur mécontentement dans les plus brefs délais. Un mouvement qu'ils préparent minutieusement en espérant que leur tutelle les laisse faire et, surtout, qu'elle réserve à leurs doléances un meilleur sort que celui qu'elle a réservé aux personnels des Collectivités locales dont les grèves répétitives n'ont abouti à rien jusqu'à présent.
Rappelons, par ailleurs, que les Mokaddems attendent toujours leurs salaires de janvier et de février alors qu'en certaines localités leurs collègues ont déjà reçu leurs émoluments. Notons à ce propos qu'à chaque début d'année, la Trésorerie générale ne leur verse pas leurs salaires des deux premiers mois. Ils doivent attendre les «subventions externes» des bienfaiteurs. Une pratique que les Mokaddem d'aujourd'hui veulent abolir en réclamant leurs droits dans le cadre d'un statut administratif clair à l'instar de celui que leur administration a offert sur un plateau d'argent aux agents d'autorité en 2008. Lequel ne peut déboucher sur les résultats escomptés au regard du fait que l'action de ces derniers ne peut se déployer avec efficience sans la participation active de ces auxiliaires qui sont à la fois nombreux et démotivés.
En effet, ils constituent un maillon important dans le système qui permet la prise de décision et son exécution au niveau local et influence parfois le cours des évènements au niveau central.