Les Chibanis marocains livrés à leur triste sort

La France compte 175.000 MRE âgés de 55 ans et plus


Hassan Bentaleb
Samedi 25 Avril 2020

Les Chibanis marocains livrés à leur triste sort
Les établissements français d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont actuellement sous les feux des projecteurs. Depuis le 1er mars, 7.896 morts liées au Covid-19 ont été enregistrées dans ces établissements.  France Inter a révélé qu’un tiers de ces EHPAD a été touché par cette pandémie. La situation risque d’empirer davantage vu que le nombre des décès et des cas avérés se multiplie.
Mais qu’en est-il des « foyers » de migrants ou « résidences sociales » ou vivent des Chibanis marocains ?
En effet, la France compte 175.000 MRE âgés de 55 ans et plus sur un total de 1.349.306 personnes, d’après des statistiques relatées par l’ouvrage collectif « Marocains de l’extérieur 2017 ».
Leur profil est réparti, selon Omar Samaoli, gérontologue et directeur de l'Observatoire gérontologique des migrations en France (OGMF), entre les personnes qui se sont fixées définitivement sur le sol français sans que nul ne soit en mesure de cerner les échéances de cette installation ; les personnes tiraillées par d’incessants allers-retours entre le Maroc et la France et des personnes qui se sont condamnées à ne plus retourner au Maroc, même à l’âge de la vieillesse.
Sur leur situation actuelle, Omar Samaoli nous a fait savoir que celle-ci demeure un peu floue parce qu’il n’y a pas de données chiffrées sur l'ensemble des personnes âgées dans les foyers et encore moins pour pouvoir cerner la situation de nos seuls compatriotes.
« Nous avons des échos concernant certains sites /foyers dès lors où il s'agit de décès. Il est à craindre que le nombre des personnes porteuses du Covid-19 soit important, mais tant qu'il n’y a pas de tests, on tâtonne », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Le préfet de la Seine-Saint-Denis, sollicité par les "politiques" locaux, a très bien réagi avec une circulaire à l’ARS, aux mairies et aux gestionnaires qu'il a réunis pour leur rappeler leurs obligations vis-à-vis de ce public également. De la sorte, les personnes âgées des foyers sur la Seine-Saint-Denis seront dépistées après les publics des EHPAD avec toutes les mesures d'accompagnement, de confinement ou d'isolement qui vont avec ; mais cette information ne concerne que la Seine-Saint-Denis où des équipes médico-sociales sont en œuvre dans les foyers et le préfet a même demandé qu'elles soient renforcées ».
Concernant les autres villes, notre source nous a expliqué qu’il n’y a pas de nouvelles au sujet de mesures identiques venant des préfets des autres départements particulièrement les Hauts de Seines qui comptent une population de personnes âgées très importante, avec notamment une très forte présence de Marocains. « Juste à titre indicatif, sur la seule commune de Gennevilliers, la situation devient difficile avec des gens qu'on sait qu’ils sont contaminés et qui sont encore chez eux. Malheureusement, des décès commencent à survenir », nous a-t-elle précisé. Et de noter : « C'est un peu compliqué, mais si les politiques ne montent pas au créneau pour demander l'intervention des préfets qui ont autorité sur tout ça, nous allons vers des catastrophes silencieuses faute de mobilisation ».
Une situation des plus compliquées puisque, selon toujours le président de l’OGMF, les rares études épidémiologiques menées à ce sujet s’accordent toutes sur le délabrement de l’état de santé des immigrés et sur leur faible et mauvaise consommation des soins, les personnes originaires du Maghreb paraissant encore plus vulnérables que les autres. « La perte d’autonomie reste à la fois la menace la plus redoutée par toute personne âgée et le facteur qui précipite l’entrée en institution. Or, il s’avère que la survenue d’un aléa sanitaire semble exposer davantage les immigrés que les autres populations à une perte d’autonomie », explique-t-il.
Omar Samaoli souligne un autre élément à prendre en considération dans ce contexte, à savoir la peur de la contamination. « Même les acteurs associatifs qui ont l'habitude d'intervenir sont sur la réserve et cela renforce l'isolement, sans compter qu'en termes de présence des personnels dans les foyers,  les effectifs ont été réduits dans de nombreux cas et il y a de moins en moins de monde sauf les résidents qui eux sont condamnés à se confiner souvent dans de très mauvaises conditions alors que ces foyers ont été, tous et depuis très longtemps, rénovés et transformés en résidences sociales de petite taille et de meilleur confort», nous a-t-il affirmé. Et de conclure : « Malheureusement, on a encore des chambres multiples, des cuisines collectives, autant de lieux dangereux en ce moment qui ne sont nullement des espaces de convivialité mais plutôt de contamination ».


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