Lecture mitigée d’une décision-sanction. La destitution du wali de Marrakech signe-t-elle la fin de l’impunité ?


Narjis Rerhaye
Jeudi 23 Juillet 2009

Lecture mitigée d’une décision-sanction. La destitution du wali de Marrakech signe-t-elle la fin de l’impunité ?
Les deux nouvelles sont tombées presque au même moment, aux premières heures de l’après-midi du mardi 21 juillet : la destitution du wali de Marrakech, Mounir Chraïbi et la condamnation à deux ans de prison ferme pour escroquerie du président de l’arrondissement Youssoufia, Rabat, Saïd Yabou. Deux informations qui n’ont pas fini d’alimenter les débats des cénacles politiques et les discussions enflammées du microcosme.
La décision prise à l’encontre du wali de Marrakech-Tensift-El Haouz ne surprend pas grand monde. Une commission centrale du ministère de l’Intérieur, présidée par le secrétaire d’Etat Saad Hassar himself a mené l’enquête et élaboré un rapport « sur les circonstances ayant trait aux élections dans la circonscription de Menara à Marrakech ». L’annulation de cette élection, après un recours déposé par la tête de liste du Front des Forces Démocratiques, a fait grand bruit. De conférence de presse en condamnation, les autorités locales –et à leur tête Mounir Chraïbi ont été copieusement mises en cause.
Mardi, les résultats de la mission d’enquête du ministère de l’Intérieur concluaient « à l'existence de grands dysfonctionnements au niveau de l'organisation et de la coordination au sein des services administratifs de la Wilaya ». La sentence tombe comme un couperet. Mounir Chraibi est déchargé de ses fonctions de Wali. Dans la foulée, le département de l’Intérieur annonce « la restructuration et la réorganisation des différents services de la wilaya."
Face à une telle décision-sanction qui donne à voir pour la toute première fois un wali destitué de ses fonctions après enquête administrative, faut-il parler de lutte contre l’impunité et la dépravation ? Faut-il aussi conclure à l’installation de la culture de la sanction de responsables dès lors qu’ils s’autorisent des largesses avec la loi? La réponse de l’Usfpéiste Driss Lachgar ne souffre la moindre ambiguïté. « La destitution du wali de Marrakech est tout sauf de la lutte contre la dépravation électorale. C’est bien la première fois qu’un ministre de l’Intérieur préside une commission d’enquête qui se rend sur les lieux. La décision de constituer une telle commission a été prise avec une rapidité étonnante, dès que le Parti Authenticité et Modernité l’a réclamée. A Rabat, dans la circonscription de Yacoub El Mansour, 7 partis politiques, dont celui présidé par le premier ministre, ont constitué un front pour dénoncer les fraudes électorales qui ont entaché le scrutin dans cette circonscription. En vain. Aucune commission n’a été constituée pour mener l’enquête. Absolument rien n’a fait bouger le ministère de l’Intérieur. Toujours à Rabat, à la circonscription du Souissi cette fois, 200 nouveaux électeurs se sont inscrits sur les listes électorales après la clôture définitive des listes. Je me suis officiellement plaint auprès du ministre. Et là encore, aucune enquête administrative n’a été diligentée ! », s’exclame ce membre dirigeant du parti de la Rose. Cet élu du Souissi ne cache pas ses craintes. La destitution du wali de Marrakech risque de peser sur les élections professionnelles. «A la veille des élections des chambres, beaucoup risquent de vivre cette décision comme un signal en faveur du PAM… »
Et justement, du côté du Parti Authenticité et Modernité, on se félicite pourtant de la nouvelle, placée volontiers sur le registre de la lutte contre l’impunité. « Il est heureux que l’administration centrale ait assumé ses responsabilités. Il est important de clarifier les responsabilités des uns et des autres pour que la lutte contre l’impunité s’installe chez nous. Au lendemain des élections législatives partielles, le PAM a dénoncé le comportement des autorités locales de Marrakech. Ce faisant, nous avons certainement bousculé des alliances pré-établies et des intérêts bien solides. De la même manière, nous avons mené une bataille sur les prérogatives des élus et des autorités. En brisant la loi du silence, nous avons essayé de remettre les pendules à l’heure. Tous les élus devraient se battre pour exercer les prérogatives qui sont les leurs », explique Habib El Belkouch, membre du bureau national du PAM et candidat malheureux à Marrakech, aux partielles.
Le débarquement de Mounir Chraïbi signe-t-il réellement la fin de l’impunité en terre marocaine et l’inauguration d’une nouvelle ère qui donnerait à voir les hauts responsables rendre compte de leurs actes ? L’Organisation marocaine des droits humains, OMDH, que préside Amina Bouayach a fait de la lutte contre l’impunité le mot d’ordre lors de son dernier congrès national. Et pour la présidente de l’OMDH, la destitution d’un wali suite à une décision administrative ne procède pas exactement du combat contre l’impunité. « Le Wali de Marrakech a été déchargé de ses fonctions suite au rapport d’une enquête administrative. Un tel rapport doit être rendu public et l’opinion publique doit être tenue informée. La lutte contre l’impunité passe justement par le fait de rendre publics les rapports d’enquête et l’information détaillée de l’opinion publique. On ne peut se suffire d’une seule décision administrative et conclure à la fin de l’impunité. Dans le même temps, il s’agit de savoir si Mounir Chraïbi a droit à un recours. En fait, la lutte contre l’impunité est une culture qu’il s’agit de mettre en place », soutient l’activiste Amina Bouayach.
Aujourd’hui, toute la question est de savoir quelle lecture va être faite de la destitution de ce wali. En tout cas, Lahcen Daoudi, membre du secrétariat national du PJD, ne se fait aucune illusion. « Pour le commun des mortels, il n’y a qu’un message. C’est la loi du PAM qui prévaut. Il y a actuellement une vraie fracture politique. Où allons-nous politiquement ? Et tout cela a-t-il une logique ? Si elle existe, elle est alors difficilement décodable », conclut celui qui a failli être maire de Rabat.


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