Le pays de la dernière chance

Forum international à Oujda sur l’intégration efficiente des réfugiés et des demandeurs d’asile au Maroc


Hassan Bentaleb
Vendredi 23 Décembre 2016

 Comment les réfugiés et les demandeurs d’asile sont-ils accueillis au Maroc ? De quels droits et libertés bénéficient-ils ? Qu’en est-il de leur accès à l’éduction, au marché du travail, à la santé, au  logement, etc? Parviennent-ils à s’intégrer dans la société marocaine ? Leur situation s’est-elle améliorée après le lancement de la nouvelle politique nationale de migration ? C’est à ces questions et à tant d’autres que le Forum international sur la migration, l’intégration et l’interculturalité, organisé dimanche dernier par la Fondation Orient-Occident (FOO) en partenariat avec l’UNHCR, a tenté d’apporter des réponses.
En fait, le Royaume  compte aujourd’hui près de 4.329 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés auprès du HCR dont 1.889 enfants et 1.879 femmes. La grande majorité d’entre eux est arabophone. Les Syriens arrivent en tête avec 68,1% suivis par les Yéménites (10,5%), les Ivoiriens (6,4%), les Congolais (3,74%), les Irakiens (3,1%) et les Centrafricains (2,6%). Ces personnes résident dans 44 municipalités (34,7% sur l’axe Rabat-Salé-Kénitra-Témara, 19,5% à Casablanca, 11,4% à Oujda, 6,7% à Tanger et 4,4% à Meknès.    
Selon Zineb Ouazzani, psychologue à la FOO, les personnes en quête de protection internationale au Maroc proviennent souvent des zones de guerre ou ont quitté leurs pays pour des raisons politiques ou religieuses. Certaines ont pris leurs jambes à leur cou pour fuir des mariages forcés, l’exploitation sexuelle ou les persécutions fondées sur l’orientation sexuelle.  Leur trajet vers d’autres cieux  est également semé d’embuches. Souvent, elles sont victimes de violence, d’abus et d’exploitation.
Un périple qui marque à jamais les corps et les esprits. En effet, nombreux sont ceux qui souffrent aujourd’hui de crises d’angoisse, d’anxiété et de dépression. Pis, il y a ceux qui ont perdu tous repères et qui sont dans un état de psychose (hallucinations et délires) qui nécessite la prise en charge médicale. Un état des lieux des plus complexes puisqu’il y a manque de personnel médical spécialisé. «Le déficit en personnel psychiatrique est important. En effet,  il n’y a que sept psychologues cliniciens qui sont disponibles pour prendre en charge les personnes en quête de  protection internationale. Deux ont été recrutés par la FOO, deux par Caritas, deux par Médecins du monde et un par l’Association de lutte contre le sida (ALCS). Il y a aussi les praticiens  des hôpitaux psychiatriques relevant du ministère de la Santé. La plupart de ces psychologues cliniciens exercent  dans les villes de Casablanca, Rabat, Tanger et Oujda», a-t-elle expliqué. Et de poursuivre : «Les réfugiés et les demandeurs d’asile sont également contraints d’attendre des mois avant d’avoir un rendez-vous vu le nombre des patients et le manque de praticiens».
La situation économique de ces personnes n’a rien de réjouissant. Selon Ahmed Aït Haddou, président du Réseau marocain de l’économie sociale et solidaire, les réfugiés et demandeurs d’asile sont souvent des individus sans ressources qui ont fui leur pays les mains vides et qui se retrouvent, par conséquent, démunis et vulnérables.  «Parmi cette population, il y a des diplômés, des personnes avec un certain savoir-faire et des personnes sans qualifications. Tout ce beau monde a du mal à accéder au marché du travail», a-t-il précisé. Un marché fortement impacté par le chômage dont le taux est passé dernièrement de  9,9% à 10%.
D’après Youssef Sadik, professeur de sociologie et de management à l’Université Mohammed V à Rabat, l’emploi au Maroc ne concerne que 42,8% des personnes âgées de 15 ans et plus au niveau national (35,4% en milieu urbain et 54,4% en rural). Pis, 61,2% des actifs occupés sont sans diplôme, 72,2% ont un diplôme de niveau moyen et 11,6% un diplôme de niveau supérieur.
Il a précisé, par ailleurs, que 42% des actifs non diplômés travaillent dans le secteur des services, 51,2% dans l’industrie et 63,4% dans les BTP.  
De son côté, Zoé Mavouemba, coordinatrice du Réseau africain migration intégration (RAMI), a indiqué que les personnes en quête de protection internationale au Maroc sont confrontées au manque d’information et d’orientation ainsi qu’à l’absence de centres d’accueil et d’hébergement et sont donc obligées de se débrouiller pour trouver un logement.  Ces personnes ont également des difficultés à accéder aux soins et aux régimes de couverture sociale et à s’intégrer dans le pays d’accueil.   Des complications des plus dures à surmonter vu que ces personnes ne parlent pas la langue arabe ou le dialecte marocain. Les femmes, les mineurs non accompagnés et les personnes âgées semblent être les premières victimes de cette situation. Certain d’entre eux s’adonnent à la mendicité et à la prostitution pour subvenir à leurs besoins.
Du côté de l’éduction, le tableau est également sombre, car malgré les efforts déployés en matière de scolarisation des enfants réfugiés, les lacunes persistent.   
Selon des statistique de la FOO, on compte aujourd’hui  56 enfants subsahariens  dans le primaire et le secondaire, ainsi que 343 enfants arabophones (Syriens, Palestiniens et Yéménites) sans compter les réfugiés qui poursuivent leurs études dans le secteur informel ou au niveau de l’université. Mais ces familles et enfants réfugiés souffrent de la barrière linguistique, du problème de l’équivalence des diplômes et de la validation des acquis scientifiques et professionnels, ainsi que du manque d’information concernant l’accès à l’école publique….
Que faut-il faire face à pareille situation ? Les avis divergent et les solutions ne manquent pas. Mais les experts, les acteurs associatifs, les refugiés, les professeurs réunis lors de ce forum sont unanimes à considérer que l’intégration est affaire de tous, migrants, Etat et ONG et qu’il faut fédérer les efforts pour booster un processus d’intégration qui semble long et pénible.


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