Un an tout juste après son avènement, le tandem composé du président Ashraf Ghani et du chef de l'exécutif Abdullah Abdullah brille surtout par son inertie, estiment des analystes interrogés par l'AFP. Les talibans l'ont bien compris, qui se sont vite engouffrés dans la brèche et ont lancé leur plus vaste offensive, et l'une des plus sanglantes, depuis la chute de leur régime en 2001.
A ce titre, la prise temporaire de Kunduz, grande ville stratégique du nord du pays, a mis en lumière les graves dysfonctionnements dont souffre l'état-major de l'armée afghane, créée de toutes pièces en 2002 par les Américains qui y ont investi plus de 60 milliards de dollars.
Sans surprise, l'annonce du président américain Barack Obama de maintenir 5.500 soldats en Afghanistan après 2016 a donc été accueillie avec soulagement par les autorités et les civils, premières victimes du conflit.
"Cette annonce dope le moral de l'armée afghane et montre que le monde ne l'a pas oubliée", estime le général à la retraite Atiqullah Amarkhil. Mais cette mesure, pour importante qu'elle soit, ne règle en rien le cœur du problème: l'instabilité politique et la corruption, sources de l'exaspération populaire et, par ricochet, de soutien tacite de certaines franges de la population à l'insurrection talibane.
"Lorsqu'il a annoncé sa décision, Obama ne s'est pas montré assez ferme à l'égard des dirigeants corrompus qui ont bradé tous leurs atouts et dilapidé le pays", accuse le journaliste pakistanais Ahmed Rashid, l'un des plus fins connaisseurs du conflit afghan.
Après l'élection présidentielle contestée de l'an dernier, l'accord de gouvernement trouvé entre Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah était censé contenter tout le monde et "unir" l'Afghanistan, rappelle Ahmad Wali Massoud, un ancien ambassadeur proche de l'ex-président Hamid Karzaï.
Dans les faits, les deux hommes sont à couteaux tirés et leurs luttes partisanes ont pris le dessus sur toute tentative d'efforts concertés pour sortir le pays de l'ornière. "Dès que Ghani choisit un gouverneur (de province, ndlr), Abdullah choisit le vice-gouverneur", note Ahmad Wali Massoud. "Ça ne marche pas. La désunion est évidente".
Au niveau local, les conséquences sont désastreuses, notamment en matière de partage d'informations entre les différentes autorités chargées de lutter contre les talibans. Pour preuve: le gouverneur de la province de Kunduz est un proche de M. Ghani, tandis que le puissant chef de la police provinciale a été nommé par M. Abdullah. De sources proches, la coordination entre les deux hommes a été minimale lors de la contre-offensive pour reprendre la ville aux insurgés.
Massoud, qui a soutenu Abdullah Abdullah pendant la présidentielle et observe désormais une stricte neutralité, a organisé une rencontre informelle entre des partisans des deux camps chez lui cette semaine. "Ils m'ont dit qu'ils ne parlaient jamais des sujets qui fâchent au sein du gouvernement. C'est la première fois qu'ils les abordaient".
Plus prosaïquement, la cote de popularité du président et du chef de l'exécutif sont en chute libre. Quand 60% d'Afghans disaient approuver l'action des deux hommes l'an dernier, ils n'étaient plus que 20% à les soutenir en août, selon un sondage mené par la chaîne Tolo News.