Le journaliste Ali Anouzla quitte la prison et passe devant le juge mercredi

Me Semlali : Le devoir d’un avocat est de défendre les intérêts de son client et rien d’autre


Narjis Rerhaye
Lundi 28 Octobre 2013

Le journaliste Ali Anouzla quitte la prison et passe devant le juge mercredi
Sourire aux lèvres et à l’évidence ému, Ali Anouzla a fait son apparition.  Ce vendredi 25 octobre, il est environ 13h30. Le journaliste vient de sortir de la prison « Zaki », à Salé, par une petite porte dérobée. En toute discrétion et sans tapages. Arrêté et emprisonné le 17 septembre dernier après avoir diffusé le lien d’une vidéo d’Aqmi menaçant le Maroc, le directeur du site d’information arabophone Lakome  essaie de cacher sa fatigue derrière son sourire. Cela fait un peu plus d’un mois qu’il est privé de sa liberté. Autant dire une éternité derrière les barreaux.
Quelques heures plus tôt, le juge d’instruction près la Cour d’appel de Salé a statué sur la demande de liberté provisoire formulée le 22 octobre par l’avocat Hassan Semlali.  Ali Anouzla est libre. Mercredi 30 octobre, son procès reprend. Mais il est libre.
A quelques mètres de la porte de la prison de Salé, des journalistes, des activistes, des photographes sont là. Ils attendent depuis des heures le journaliste embastillé. Il arrive enfin. Vêtu simplement d’un t-shirt bleu et d’un pantalon beige, il salue les uns et les autres. Donne des accolades, embrasse, serre les mains. Il y a là l’ami de toujours, le journaliste T. Bouachrine, son ex-associé du temps d’Al Jarida Al Oula.  Les activistes de l’Association marocaine des droits humains, Khadija Ryadi et Fouad Abdelmoumni, ont tenu à assister à la libération du journaliste inculpé et poursuivi dans le cadre d’une loi d’exception, la loi antiterrorisme. La metteure en scène Naima Zitane est elle aussi là. Cette femme de théâtre, défricheuse des résistances et maux de la société marocaine,  fait partie du comité de soutien d’Anouzla.
L’ancien détenu politique Fouad Abdelmoumni demande à toutes celles venues assister à la libération du journaliste de pousser des « youyous ». L’instant est solennel. Dans un brouhaha indescriptible, Ali peine à voiler son émotion. Des larmes peut-être. « Merci. Merci à tous », murmure-t-il avant de s’engouffrer dans la voiture de son avocat Hassan Semlali
Toute la matinée de ce vendredi, les informations les plus contradictoires ont circulé sur la Toile. « Anouzla libéré ». « Anouzla retrouve sa liberté ». Quelques sites d’informations ont donné l’information avant que l’avocat Semlali ne rappelle que le juge d’instruction disposait de cinq jours –soit d’ici lundi- pour statuer. A 11 heures, le magistrat rend son verdict et accorde la liberté provisoire au journaliste. Une première bonne nouvelle dans un dossier qui a suscité émoi et inquiétude ici et ailleurs. “Nous avons gagné parce qu’Ali est parmi ses proches et amis, mais on n’est pas encore sorti de l’auberge.Il est toujours poursuivi en état de liberté et le problème de la liberté d’expression reste posé”, a déclaré à l’AFP Fouad Abdelmoumni, l’activiste et membre du comité de soutien d’Anouzla.
Son avocat, celui-là même qui a été pris à partie par ceux qui ont voulu faire de ce dossier un fonds de commerce, jubile : « Je suis heureux et ravi pour Ali. Tout le monde a contribué à sa libération. C’est un journaliste engagé pour les valeurs de la démocratie”. Hassan Semlali sait de quoi il parle. Il a passé 15 longues années en prison. Des années de braise et de plomb qu’il a vécues dans sa chair et qui le mettent, explique-t-il, au-dessus de toute surenchère.
L’ancien journaliste d’Acharq Al Awssat, lauréat de l’Institut supérieur de journalisme, s’est abstenu de faire la moindre déclaration à sa sortie de prison. « Ce que nous comprenons parfaitement. Personne ne peut se mettre à sa place », commente un journaliste qui a assisté à la libération de ce confrère.
Libre, mais des charges lourdes continuent de peser sur lui.  Poursuivi pour “aide matérielle”, “apologie” et “incitation au terrorisme”, il doit maintenant préparer sa défense. Le directeur de Lakome qui a souhaité procéder à la fermeture de son site et qui a changé d’avocats sait que  l’affaire n’est pas simple. Selon Amnesty International, il encourt jusqu’à 20 ans de prison. Ce vendredi soir, H. Semlali est confiant. « L’objectif d’un avocat, le devoir d’un avocat est de défendre les intérêts de son client et rien d’autre. C’est ce que j’ai essayé de faire modestement. Je ne suis animé par rien d’autre. Cette première victoire a été rendue possible grâce à Ali qui m’a facilité la tâche. La première question que je lui ai posée lorsque je l’ai visité en prison est la suivante : es-tu journaliste ou autre chose ? Il m’a répondu qu’il était un homme de média. Alors j’ai foncé pour préparer sa défense en présentant d’abord la requête relative à la liberté provisoire », a déclaré, à « Libération », l’homme à la robe noire.
La veille, à la « une » d’Al Akhbar al Yaoum, Taoufiq Bouachrine lançait un appel à la raison adressé à tous ceux qui ont voulu instrumentaliser cette douloureuse affaire, jouant les héros par procuration et occultant la volonté d’Anouzla. « Allons donc, un peu de raison et de sagesse, chers amis, compagnons et confrères. Ali Anouzla est le premier concerné par cette affaire et nous devons nous ranger derrière lui, pas nous placer face à lui et le contrer. Nous devons mettre notre militantisme, nos sentiments et nos principes au service de son affaire, comme il le ressent et comme il l’entrevoit, lui avant quiconque. Nous devons faire abstraction de ce que nous voyons, faisons, ressentons, nous qui sommes à l’extérieur de la prison ».
Mercredi 30 octobre, le procès du journaliste reprend. La défense se prépare dans la sérénité et loin des projecteurs. Pour qu’Ali Anouzla s’en sorte, retrouve sa liberté. Définitivement.


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